Avocat au barreau du Cameroun et secrétaire général du Syndicat national des footballeurs camerounais, tout en reconnaissant une avancée concernant la révision des textes de la Fécafoot, il réitère que la Fifa devrait rester neutre.
Comment jugez-vous cette décision de la Fifa de suspendre le Cameroun ?
C’est une décision malheureuse. C’est une décision qui n’était pas forcément nécessaire ; Mais, nous prenons acte de ce que la Fifa a suspendu la Cameroun.
L’acte de la Fifa de suspendre le Cameroun est accompagnée d’un certain nombre de mesures, notamment la mise sur pied d’un Comité de normalisation pour gérer la Fécafoot pendant un moment avec des missions bien précises …
J’observe d’abord que la Fifa parle de l’ingérence de l’Etat qui serait à l’origine de la suspension de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot). Que cette ingérence se serait manifestée par la présence au siège de la Fécafoot, des éléments des Forces de l’ordre. Il faut préciser que les Forces de l’ordre ne sont pas venues d’elles-mêmes. C’est le 1er vice-président, M. John Begheni Ndeh, qui, à la suite de la décision de la Commission de recours annulant l’élection du 19 juin, qui a souhaité intégrer son bureau. Les informations qui étaient en sa possession faisaient état de ce que les gens de la Fédération avaient recruté de gros bras pour faire obstruction à son entrée au siège de la Fécafoot, il a donc sollicité la présence des Forces de l’ordre. C’est pour ça qu’ils sont venus pour la sécurité des personnes et des biens. La Fifa estime qu’elle suspend le Cameroun, parce que la situation est ingérable du fait de l’absence prolongée du président et de la démission du vice-président. C’est une incongruité – excusez-moi du terme – incroyable. Vous savez bien que cette élection a été annulée et on ne peut pas parler aujourd’hui du président Iya, comme étant le président d’un Comité exécutif actuel, mais celui du Comité exécutif sortant. M. John Ndeh, qui est le 1er vice-président de ce Comité exécutif sortant qui assure la présidence, par intérim. Il n’a pas démissionné et nous ne comprenons pas pourquoi la Fifa qui parle de partie pris, est arrivée à cette conclusion au point de penser qu’aujourd’hui, la Fécafoot ne peut être gérée.
Vous avez une victoire : la Fifa demande de réviser les textes comme vous avez toujours exigé …
Nous observons quand même que la Fifa, pour une fois reconnaît les problématiques qui étaient posées du fait des textes. Et que ces textes méritent d’être révisés par ce qu’ils ont appelé aujourd’hui le Comité de normalisation. Cela veut dire que tout ce que nous disions avant, tous les actes qui ont eu cours depuis le début de ce processus électoral, sont des combats fondés, parce que nous avons toujours. Aujourd’hui, la Fifa reconnaît la nécessité de réviser ces textes et nous pensons que c’est déjà quelque chose de positif dans sa démarche. Le fait pour la Fifa, de demander que les élections reprennent dès le début, après la révision des textes, montre que nous avons toujours eu raison.
Avez-vous engagé des démarches contre cette décision ?
Nous avons interjeté appel auprès du Tas (tribunal arbitral du sport), parce qu’il faut dire au public sportif camerounais et l’ensemble des acteurs du sport que les décisions de la Fifa ne sont pas définitives, comme elle tend à vouloir le faire comprendre en disant que la Commission électorale qui sera mise sur pied prendra des décisions inattaquables. Cela n’existe nulle part dans le monde. Les décisions du Comité d’urgence de la Fifa sont attaquables devant le Tas et nous l’avons d’ores et déjà saisi pour lui demander de réformer cette décision, mais, en attendant, de suspendre les effets de cette décision. Nous pensons que cette action va aboutir à la suspension de la décision de la Fifa. Mais, nous restons ouverts au dialogue. Si la commission qui doit être mise sur pied est faite sur de bonnes bases, celle de personnes crédibles, nous n’allons pas y trouver à redire.
Quelle est même votre appréciation sur la mise en place de ce Comité de normalisation ?
Le principe de mise en place de ce comité ne nous pose pas un problème. Ce qui fait problème, c’est le fait qu’on dise que c’est la Caf qui doit désigner les membres. Vous savez bien que la Caf est bien au courant de cette situation à la Fécafoot et n’a pas levé le petit doigt. La Caf doit désigner les membres de ce Comité, alors qu’elle a pris fait et cause pour les autres. Nous pensons que si c’est la Caf qui propose encore les membres de ce comité, on va se retrouver dans une situation où ce sont les mêmes qui vont se recommencer et nous ne pouvons pas accepter cela. Indépendamment de ce qu’ils vont faire, et même de la position du Gouvernement camerounais, nous allons continuer notre action devant le Tas. Nous allons continuer nos actions, à moins que la Fifa ne revienne sur les décisions qu’elle a semblé prendre.
Vous parlez toujours de « nous », il s’agit de qui ?
Je parle des autres acteurs du football. John Begheni Ndeh va le faire, ainsi que les footballeurs et les clubs. Je ne parle pas des employés de la Fédération, qui penseraient qu’ils sont les membres de la Fécafoot. Je parle de ceux qui depuis le début du processus électoral, ont toujours décrié pour demander à ce que les élections soient reprises ou alors qu’elles ne commencent pas avant que les textes ne soient revisités. C’est de ceux que j’ai toujours défendu dans cette procédure-là.
En ce moment, qui occupe le siège de la Fécafoot en ce moment ?
M. John Begheni Ndeh assume ses fonctions normalement. Il était là vendredi. Il nous a appelés pour nous consulter à son bureau. Il a nommé un chef de cabinet qui est là (Martin Etongue, ndlr), jusqu’à ce que la situation soit normalisée. La Fifa ne nomme pas les employés de la Fédération. Il ne faut pas que les gens pensent qu’ils vont être nommés ou rétablis par la Fifa. La Fifa gère l’association.
Il n’en demeure pas moins vrai que la décision de la Fifa, envoyée pas facsimilé a pour destinataire, le secrétaire général de la Fécafoot, M. Tombi A Roko Sidiki…
Nous avons saisi vendredi M. le président de la Fifa, pour dire que la décision qui a été prise par les instances de la Fécafoot, a été prise en connaissance de cause. Si elle avait été en connaissance de tous les faits, tels que nous lui avons expliqué, il n’aurait jamais pris ce genre de décision. Nous lui avons expliqué que le Gouvernement camerounais ne s’est jamais ingéré dans le processus électoral. Nous lui avons dit que la décision prise est malheureuse et qu’il doit revenir dessus et que même s’il fallait mettre sur pied un comité de normalisation, cela ne nécessitait pas la suspension du Cameroun. Un comité similaire a été mis sur pied au Gabon et on n’a pas suspendu le Gabon pour autant. Qu’on arrête de faire pendre sur la tête des gens, des menaces en pensant que cela va forcément profiter à ceux qui pensent qu’ils ont les clés de la Fifa. Personne ne détient les clés de la Fifa. Le Cameroun est représenté à la Fifa par la Fécafoot et la Fécafoot n’appartient à personne.
On a l’impression qu’on n’est pas loin de la situation de 1998 …
Sauf qu’en 1998 effectivement, la Fifa, pour mettre en place le Cpg, avait consulté le Gouvernement camerounais. Parmi les membres qui composaient ce Cpg, il y avait quatre proposés par le Gouvernement camerounais. Je ne vois pas pourquoi la Fifa pense cette fois que le Gouvernement n’a pas voix au chapitre et qu’il n’a pas son mot à dire. C’est quand même le Gouvernement qui a délégué des prérogatives en matière de football à la Fécafoot. On ne peut pas initier un processus comme celui-là et estimer que le Gouvernement n’a rien à dire, ne serait-ce qu’au niveau de la proposition des personnes de ce comité. Si le jour où M. John Ndeh allait occuper son bureau, les forces de l’ordre n’avaient pas été là et qu’il y avait eu des bagarres qui avaient occasionnées des morts d’hommes et des destructions des biens où est-ce qu’on en serait arrivé ? L’arrogance des membres de la Fécafoot était encouragée par la Fifa ; et avant cette suspension, ils nous l’ont annoncée des jours avant.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé