Habituellement liés à des agents, de plus en plus de footballeurs font confiance à des avocats pour la gestion de leur carrière. Maître Cheyap, qui commence à faire ses marques dans le milieu est l’un d’eux, basé à Lille, dans le Nord de la France. Il nous explique ici comment son métier peut compléter celui des agents, et être utile aux sportifs…
Camfoot.com: Qui êtes vous , Maitre Cheyap Honoré?
Maitre Cheyap Honoré: Je suis Me Cheyap, avocat au barreau de Lille, exercant également au Cameroun. Je m’occupe de joueurs, non pas en tant qu’agent, mais en tant qu’avocat conseil. De temps en temps, des joueurs de L1, L2 voire de National viennent me voir pour me confier la défense de leur intérêts. Je les accompagne et je les oriente. C’est une tâche qui est differente de celle d’un agent. J’interviens dans la phase la plus importante qui est celle des négociations contractuelles des joueurs, des droits à leur image et tous les contrats de sponsoring etc…Les footballeurs comprennent de plus en plus qu’ils peuvent vivre de certains droits périphériques, notamment celui du droit à l’image. Il faut gérer tout cela en le confiant à un professionnel du droit. ça relève du droit contractuel. Les agents n’ont peut être pas cette formation juridique solide pour pouvoir défendre ces intérêts. Tous les grands footballeurs actuellement ont tendance à se faire accompagner d’hommes de loi. Prenez par exemple Samuel Eto’o, il a tout compris! Il est accompagné par un avocat espagnol.
Camfoot.com: Quels sont vos autres rapports avec les footballeurs?
Maitre Cheyap Honoré: Je suis également le confident de certains joueurs. Il n’y a pas que l’aspect contractuel, il y a aussi tout les problèmes qui tournent autour. Les jeunes footballeurs africains ont compris qu’il faut qu’ils se confient à quelqu’un bien préparé à les défendre dans ce sens là.
Camfoot.com: Que disent les textes de la ligue de football en France sur l’activité d’un avocat de sportif?
Maitre Cheyap Honoré: Il y a un texte, mais il faut bien préciser les choses. L’agent de joueur est régi par une réglementation bien précise en France. Il faut remplir certaines conditions pour l’être, et certains footballeurs se reconvertissent agents à la fin de leur carrière, et c’est plus facile pour eux. L’agent fait l’intermédiaire entre le club et le joueur, ce que l’avocat ne peut faire. L’avocat ne peut non plus exercer des actes de commerce.
Il y a une législation pour les avocats. Ils interviennent au moment de la négociation du contrat, qui me parait une phase cruciale dans la vie d’un joueur. Les agents ne maitrisent pas les termes juridiques, ce qui est assez dangereux. Quand on est avocat, on n’a pas besoin d’être agent, et on peut assister tout sportif dans le domaine du conseil.
Camfoot.com: Agents et avocats, même combat alors?
Maitre Cheyap Honoré: En France, le métier d’agent est réglementé, tout comme celui d’avocat. Pour moi l’agent et le joueur devraient travailler de concert, malgré certains qui ternissent la profession. J’en connais des plus sérieux, qui travaillent sous forme de société, sociétés qui recrutent parfois des avocats, qui peuvent les accompagner lors de négociatiations. Les avocats sérieux il y en a plein: je peux citer Roger Boli, dont je conseille parfois la société…
Camfoot.com: Avez vous eu également l’opportunité de conseiller des joueurs au Cameroun, puisque vous y êtes inscrit au barreau?
Maitre Cheyap Honoré: Je n’ai pas encore eu l’occasion de conseiller des joueurs au Cameroun, même si j’ai eu des touches. A travers le président Nguéfack de l’Aigle de Dschang, j’ai eu à aider quelques clubs camerounais à recouvrer leurs créances concernant des transferts de joueurs. ça me plairait bien d’accompagner des joueurs camerounais ou africains, en phase de négociation de leurs premiers contrats professionnels.
Camfoot.com: Trouvez vous le temps de suivre le football en général sur les terrains en dehors de vos activités juridiques?
Maitre Cheyap Honoré: J’aime le football, je vais souvent au stade, non pas pour y chercher des joueurs, ma profession me l’interdisant. Mais j’ai le temps de lire des contrats et je ne suis pas tout seul à la tâche, aidé en cela par Me Béatrice GOUDJO avec qui je fais équipe et qui m’accompagne dans toutes mes lectures de dossiers.
Camfoot.com: Pensez vous que prendre un avocat deviendra « à la mode » chez les footballeurs?
Maitre Cheyap Honoré: Cette tendance s’impose, celle de travailler avec un avocat. Les joueurs sont des gens qui prennent leur retraite très tôt. On a tout intérêt à se protéger dès le début de leur profession parce que le choses vont extrêmement vite. Un joueur qui ne se fait pas conseiller peut tomber; il y en a qui font de mauvais placements, sans prendre de précautions élémentaires. Lorsque l’avocat intervient dans ce domaine, il doit donner des garanties au joueur, notamment la maîtrise du statut du sportif en droit international.Il ne faut pas oublier que le contrat que signe un footballeur est un contrat de travail, avec toutes les implications juridiques que cela entraine. Pour moi, un agent de joueur n’est pas formé pour cela en principe. Il est formé pour trouver des clubs et servir d’intermédiaire. Les choses sont très claires dans la tête des agents avec qui je collabore. Chacun reste dans son domaine, le mien étant juridique!
Camfoot.com: Comment pouvez vous décrire l’état du football camerounais actuel, qui depuis plusieurs mois, était à la recherche d’un sélectionneur national?
Maitre Cheyap Honoré: Je connais bien le football du pays, pour lequel j’ai un grand intérêt, j’ai moi même failli jouer au football. Il est de tradition au Cameroun que le sélectionneur soit un expatrié, c’est un choix que le Cameroun a fait. Mais de nos jours cela se justifie-t-il encore? Les choses n’ont elles pas évolué? Sans prendre parti, quand on voit les résultats obtenus par Akono Jean-Paul qui est le premier local à avoir obtenu un titre mondial (Olympique, ndlr), ça me prouve qu’au Cameroun, nous avons des compétences. C’est vrai que la population va vous exiger quelqu’un de neutre, qui ne va pas monnayer les places…ce qui reste à vérifier d’ailleurs!
N’oublions pas que très souvent aussi, ces expatriés viennent en Afrique pour chercher des joueurs et les placer à l’étranger, ce qui fait d’eux des entraineurs doublés d’agents! Je viens d’arriver dans ce milieu, je découvre beaucoup de choses, et je pense qu’il faut faire attention. Je pense que même économiquement, il peut être interressant de faire confiance à un national, ce qui ne veut pas dire que nous sommes nationalistes, loin de là! Si nous avons la compétence sur place, pourquoi chercher aillleurs? Pourquoi utilise-t-on les médecins formés au Cameroun? On peut donc également utiliser ceux de nos entraineurs formés au Cameroun, ou ailleurs en Afrique. Le Nigéria et le Togo sont des pays qui ont fait confiance à des africains, nationaux ou non et les choses se sont bien passées, voila!
Camfoot.com: Pour conclure, vos souhaits?
Maitre Cheyap Honoré: Je souhaite aux footballeurs étrangers qui arrivent en Europe de se faire accompagner, parce que c’est leur vie, c’est leur carrière et ils ont tout intérêt à se faire accompagner par des avocats, c’est extrêmement important.
Jean-Pierre K. Esso, à Lille