Le départ de l’international camerounais à l’occasion du prochain mercato sonnerait comme un coup de tonnerre dans le ciel parisien. Considéré en début de saison comme l’un des soutiens les plus fermes de Vahid Halilhodzic, longtemps considéré, surtout, comme le joueur du PSG le plus valeureux, le milieu défensif exprime ici avec franchise une certaine désillusion. Que même une qualification ce soir – « secondaire », juge-t-il – ne semble pouvoir atténuer.
« LES DIFFICULTÉS » dans le jeu du PSG découlent-elles d’un manque de temps lié à un calendrier chargé ?
Modeste Mbami: Il y a le temps pour tout. On a bien eu le temps de travailler défensivement. Une personne qui vous dirait qu’on n’a pas le temps de travailler offensivement serait de mauvaise foi. Aujourd’hui, notre jeu est stéréotypé : on forme un bloc assez bas qui subit. L’année dernière, on parvenait à sortir très rapidement en contre. Cette année, ce ne sont pas les mêmes joueurs, donc pas les mêmes qualités. Il faut qu’on essaie de se déplacer en bloc : tout le monde fait l’effort pour défendre, mais, en phase offensive, tout le monde ne participe pas. On n’a pas de mouvement, on est assez faibles sur ce plan.
Le fait que l’entraîneur ait utilisé, entre les changements de joueurs et de dispositifs, 21 formules offensives différentes en 24 matches, ça pèse sur le rendement ?
C’est clair que toujours changer de système ou de joueurs n’aide pas à trouver des automatismes. Il n’y a pas l’assise qu’on avait l’année dernière. La saison passée, une fois que l’équipe type a été trouvée, c’était presque les mêmes joueurs qui jouaient. Cela avait permis d’accroître la confiance et de mieux se connaître. Aujourd’hui, il faut se mettre au travail parce qu’on a une grosse carence offensive, on ne peut pas se le cacher. Regardez Lille, sa confiance, sa qualité dans la conservation du ballon. Il n’y avait pas photo. Nous, quand on avait le ballon, c’était comme s’il nous brûlait les pieds. Alors, on jouait en profondeur tout en sachant que Pedro (Pauleta) ne pouvait pas s’en sortir vu le gabarit des défenseurs adverses. Ce n’était pas avec des ballons aériens qu’on allait le trouver…
On sent que les joueurs ne prennent aucun plaisir dans le jeu…
Franchement, celui qui vous dirait qu’il prend du plaisir est un menteur. Le plaisir, on ne peut en prendre que dans les phases offensives. Quand on ne fait que courir derrière le ballon, on n’en prend pas. Quand on n’arrive pas à garder le ballon ni simplement à faire trois passes, c’est difficile. C’est frustrant.
Le jeu défensif du PSG aurait-il été trop valorisé ?
Ça, c’est la manière de voir de ceux qui sont en place. Chaque entraîneur a sa méthode de travail. Il (Vahid Halilhodzic) a la sienne, il sait ce qu’il recherche. Il dit que sa priorité, c’est la base défensive. C’était déjà le cas l’an passé. À l’époque, tout le monde parlait en bien de notre bloc parce qu’on mettait des buts qui faisaient la différence. Cette année, on n’y arrive plus. Rijkaard, Deschamps, Mourinho ont aussi leur façon de travailler. Ici, si on nous demande de travailler tel aspect du jeu en particulier, on le fait. On ne peut pas faire plus.
En Championnat, quel peut encore être l’objectif ? Finir troisième ?
(Il sourit.) Vu comment on joue, on est plus près des reléguables que d’autre chose. La troisième place, tout ça… Moi, je me demande plutôt comment éviter la quinzième ou la seizième place. Un douzième, il ne parle pas de la troisième place. Un douzième, il doit déjà savoir comment s’en sortir, comment passer dans la première moitié. Ouvrons les yeux, arrêtons de parler du titre ou d’une qualification pour la prochaine Ligue des champions. Au départ, c’était nos objectifs. Aujourd’hui, il faut les revoir à la baisse…
À vos yeux, se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions effacerait-il cette déception ?
Pfff… Se qualifier n’aurait rien à voir avec notre parcours en Championnat. Si j’avais dû choisir entre passer la première phase cette année et se qualifier pour la prochaine C 1, j’aurais choisi la deuxième option. Parce que l’objectif, c’est d’envoyer le club chaque année en C 1. C’est vrai qu’on peut écrire une histoire en passant contre Moscou. Mais, moi, je mets ça sur un plan différent.
« La réalité, c’est qu’on est à la rue en Championnat »
Pour vous, la Coupe d’Europe est secondaire ?
Oui, c’est secondaire. Certes, c’est important financièrement pour le club. Mais la réalité, c’est qu’on est à la rue en Championnat. J’insiste : on est complètement à la rue. Alors, pour moi, le plus important, c’est Sochaux et Metz (les deux derniers matches du PSG en L 1 avant la trêve).
Est-ce un avantage de jouer contre le CSKA, dont le Championnat s’est terminé le 11 novembre ?
C’est le match piège. Les équipes russes ont l’habitude de ce calendrier. En plus, ce sera difficile parce qu’il faudra faire le jeu. Nous, on préfère les équipes qui jouent et nous laissent des espaces. Quand une équipe joue comme nous, en bloc et en misant sur les contres, ça nous fait ch… Le CSKA sera différent de l’aller, où il voulait à tout prix jouer et gagner. Là, ils ne vont pas se livrer. Ce sera un match très serré. L’équipe qui marquera en premier devrait plier le match. C’est une équipe expérimentée, qui ne va pas se découvrir et qui attendra sans doute les vingt dernières minutes en jouant sur nos erreurs.
Allez-vous partir lors du mercato ?
Rien n’est impossible. J’ai des contacts. Ce n’est pas de la blague, c’est sérieux. On va voir comment les choses vont évoluer, ça va tellement vite dans ce milieu. Ici, l’entraîneur a toujours dit que personne n’était intransférable…
Au regard de la dimension que vous avez prise cette saison dans l’effectif, votre départ serait très troublant…
Moi, je suis lucide. La saison dernière a été conforme à mes attentes, même si on n’a pas cru assez au titre. Je me souviens de Sorin qui me disait : “ On pouvait être champions… ” Avec le recul, tu te dis : “ P…, on est passé à trois points. ” On a fait des nuls qu’on ne devait pas faire. Mais le bilan était assez positif : deuxième et on gagne la Coupe de France. En partant en vacances, je me suis dit que j’allais m’éclater la saison suivante. Mais bon… Vous savez, je suis jeune, je regarde l’aspect financier, c’est vrai, mais surtout l’aspect sportif. Il est important que je joue dans une équipe valorisante, notamment dans le jeu. Ici, ça commence à être difficile à vivre. Parce que je ne prends aucun plaisir à rentrer chez moi tous les week-ends avec un match nul ou une défaite.
On risque de dire que vous quittez le navire quand ça va mal.
On va voir. (Il soupire.) Aujourd’hui, sportivement, on fait du surplace. Ça fait je ne sais combien de temps qu’on n’est même pas dans les dix premiers.
Vous souhaitez donc partir dès cet hiver dans un club plus ambitieux ?
Si je peux partir, oui, ça se passera comme ça. Maintenant, on peut toujours parier sur un sans-faute dans la deuxième partie du Championnat. Mais on ne sera jamais à l’abri d’une défaite, d’un passage à vide sur deux ou trois matches. La place qu’on visait en début de saison, on ne l’atteindra peut-être jamais… »