Patrick Mboma Dem est de ceux que l’on ne présente plus. Le monsieur 50% des Lions Indomptables dispose depuis Lundi de la casquette de médiateur suite à sa nomination par le Ministre des sports et de l’Éducation physique. Quels sont les contours de sa tâche? Comment la différencier de celle de Yannick Noah ? Comment les tâches se repartiront-elles ? Peut-on fonctionner avec Artur Jorge? Autant de questions auxquelles Patrick Mboma a accepté apporter des éclaircissements.
Camfoot.com: Après plus de 50 jours d’attente, les Lions Indomptables viennent de se doter d’un nouvel entraîneur, Mr Artur JORGE. Quelles sont vos impressions à chaud, vous qui venez de séjourner au Cameroun ?
Patrick Mboma: Il fallait un entraîneur, c’est une évidence. On attendait un technicien de renom parce que l’on espère derrière cela, outre son expérience, sa capacité à redynamiser un groupe. Il s’agit donc d’Artur JORGE. Il a un passé, un vécu, une forte personnalité. J’espère que tout cela collera avec la mentalité des camerounais, et les spécificités du football camerounais.
Camfoot.com: Connaissez-vous son adjoint Raul AGUAS ?
Patrick Mboma: Non, j’ai déjà entendu son nom. Je ne connais ni son curriculum vitae, ni son visage.
Camfoot.com: Avez-vous été informé de votre nomination auparavant ou alors l’avez-vous appris en même temps que le reste des camerounais ?
Patrick Mboma: Je l’ai su un peu avant, mais l’important est de savoir comment les camerounais ont réagi. Je crois que pour une bonne majorité, c’est positif. On a surtout retenu le nom. Il y a eu aussi des mécontents, mais peu de manifestations à ce niveau là. Il y a eu peut-être aussi un peu de scepticisme. Mais au Cameroun, c’est difficile de faire l’unanimité quand bien même on s’appellerait Artur Jorge. Il faudra lui laisser le temps, bien qu’il y en ait si peu. Je parle du temps de mettre l’équipe en route. On analysera ensuite au vu des résultats.
« J’ai demandé au ministre de me mettre en contact le plus rapidement possible avec Artur Jorge. Je vais aussi entrer en contact avec certains joueurs. Je ne dévoile pas toutes mes intentions… »
Camfoot.com: Dans la nouvelle structure autour des Lions, vous héritez du poste de médiateur et Yannick NOAH, conseiller. En quoi consiste votre fonction ?
Patrick Mboma: Le ministre et moi avions pensé à un rôle pouvant me permettre d’aider le football camerounais hors du terrain. Alors en quoi consiste le rôle du médiateur ? Il fallait trouver un nom à cette fonction qui est nouvelle. Il s’agira de faciliter les échanges au sein des différentes composantes de l’élite du football camerounais, à savoir les joueurs, les dirigeants, le ministère, la Fécafoot, l’entraîneur, le staff technique et pourquoi pas le staff médical. L’intérêt aujourd’hui est d’utiliser mon expérience de joueur, mais aussi de grand frère. Je pense avoir un certain crédit auprès des joueurs qui me permettra d’être écouté, parce qu’ayant un minimum de recul par rapport aux évènements, n’étant plus sur l’aire de jeu en sélection. J’espère être un bon médiateur et qu’ensemble, nous retrouvions la sérénité au sein du groupe.
On a eu vent des problèmes qui ont eu lieu au sein de l’équipe, de quelques altercations verbales. Il va falloir remettre les choses sur de bons rails, et je vais m’y atteler. J’espère avoir des résultats rapidement.
Camfoot.com: Il y a un an à la Coupe d’Afrique de Tunisie, ces problèmes existaient déjà et vous étiez présents. Pensiez-vous déjà à cette époque à votre rôle actuel ?
Patrick Mboma: Je ne suis pas d’accord sur le fait qu’il y ait eu des problèmes à Sousse ; je crois que beaucoup de problèmes sont apparus après la CAN. En Tunisie, il y a eu ce qu’il y a partout. Vous savez, on passe des semaines ensemble. Tout ne peut pas être rose pendant ces longues journées où on vit ensemble, loin de nos amis, épouses et familles. Maintenant je vais tenter de me rapprocher avec le dialogue avec tout le monde. J’ai demandé au ministre de me mettre en contact le plus rapidement possible avec Artur Jorge. Je vais aussi entrer en contact avec certains joueurs. Je ne dévoile pas toutes mes intentions, parce que d’abord ce travail est long, et c’est une tâche que je tiens à mener pour le mieux.
Camfoot.com: Le grand public peut alors imaginer que vous allez rapidement contacter ceux qui ont quitté les Lions, comme Lauren Etamè et Modeste Mbami…
Patrick Mboma: C’est évident ! C’est la première chose qui vient à l’esprit. Mais en dehors de rappeler les joueurs, il faut surtout les écouter, les comprendre et savoir ce qu’ils pensent. Pourquoi ils souffrent ? Pourquoi certains sont mécontents ? Pourquoi d’autres sont insatisfaits ? Pourquoi tout le monde ne pense pas de la même façon ? Si j’arrive à entendre tout le monde, j’irais sans restrictions, sans regarder l’influence qu’un joueur peut avoir sur le terrain et en dehors. J’essaierais de bien ressentir en profondeur ce qu’il y a et ce qu’il y a lieu de faire. Il y a certains joueurs qu’on a l’intention de rappeler, mais qui n’ont peut-être pas l’intention de revenir ! D’autres attendent peut-être les bons mots, qu’on leur dise les choses de la bonne façon. Maintenant, il va y avoir une nouvelle dynamique que va chercher à insuffler Mr Philippe Mbarga Mboa et à partir de cette nouvelle dynamique, il va falloir essayer d’intégrer tout le monde, pour aller à l’unisson vers l’objectif qui est la Coupe du Monde en Allemagne 2006.
Camfoot.com: Quelles sont les raisons qui ont poussé Lauren à quitter le navire il y a presque deux ans maintenant ?
Patrick Mboma: Je préfère dire que je vais travailler de façon ardue sur la question, et ensuite quand j’aurai les éléments, je verrai ce qu’il y a lieu de faire !
Camfoot.com: Quelle sera la fonction de Yannick NOAH ?
Patrick Mboma: D’après les explications du MINSEP, il s’agira pour Yannick d’être un animateur. J’entends par là quelqu’un qui puisse redonner le sourire aux joueurs, qui leur permettra de dépasser les problèmes, de redonner l’envie de travailler ensemble, de fonder ou de refonder une famille. J’ai vu ce que Yannick a fait avec le PSG lors de la finale de la Coupe des coupes 96 à laquelle j’ai assisté. Dans l’avion il a animé tout le groupe, ce qu’il avait commencé depuis les ¼ de finales. Il a un savoir-faire en la matière, il a la volonté de le faire parce qu’il est camerounais. S’il a aidé beaucoup de gens, je ne vois pas pourquoi il n’aiderais pas les camerounais. Il arrivera à leur redonner le sourire et l’envie, et ce serait un plus !
Camfoot.com: Vos tâches paraissent jumelles ?
Patrick Mboma: Non je ne le pense pas ! Nos deux rôles sont différents mais complémentaires.
Camfoot.com: De quel aspect s’occupait Yannick au PSG? En d’autres termes, que disait-il au groupe parisien de différent de ce que leur disait le coach de l’époque?
Patrick Mboma: Le simple fait de parler. Les gars avaient une tension logique par rapport à l’événement. Il leur parlait d’autre chose, il leur rappelait les valeurs de la vie, le sourire, l’union, la cohésion. Il leur a ensuite appris des chansons jamais entendues auparavant dans l’hexagone. Yannick Noah leur a montré ce qu’on vit plus naturellement dans les Lions. Nous chantons dans le car en allant au stade ou à l’entraînement. Il a insufflé une dynamique au PSG qui a été un plus, grâce à sa présence aux entraînements, avant et après les matches. Maintenant, je pense que c’est à lui qu’il faut demander ce qu’il compte apporter en plus au Cameroun.
Camfoot.com: Comment imaginez vous déjà votre future collaboration à quatre dès le match amical du 9 février contre le Sénégal?
Patrick Mboma: On travaille déjà sur du court terme; cela va mettre le nouveau sélectionneur dans le vif du sujet. Je veux d’abord entrer en contact avec Artur Jorge et discuter avec lui. Je serais plus à même de répondre par la suite. Le Sénégal est un bon adversaire, un bon match test et cela permettra d’avoir une première approche sur son travail, sur l’influence qu’il aura sur le groupe et on verra ensuite si le Cameroun saura lui donner de bonnes raisons d’espérer quant à la quête aux 15 points encore en jeu pour la qualification et attendre les résultats des ivoiriens.
Camfoot.com: Le lieu du match Cameroun-Sénégal est-il confirmé ?
Patrick Mboma: Je n’ai pas d’éléments en ce sens. Mais peu importe! Le plus important c’est de voir comment les Camerounais dirigés par Artur Jorge réagiront et quels sont les espoirs qu’on peut vraiment fonder pour l’avenir. Je suis très confiant, parce que c’est dans l’intérêt du pays que les joueurs devront réagir. Ils en sont tous conscients.
Camfoot.com: Vous avez cotoyé Artur Jorge au Paris St Germain. Que pouvons-nous attendre de lui?
Patrick Mboma: Je l’ai un peu connu. Je jouais en équipe réserve, en 3ème division pendant que lui entrainait l’équipe première. Quand bien même je marquais but sur but, je n’ai fait que très peu de séances d’entrainement avec les professionnels (rires). C’est un entraîneur qui a des idées fixes, et quand il a ses idées, et surtout si elles ont marché, je crois qu’il y croit fermement. C’est sa méthode. Il a eu des succès et des échecs. Mais nous allons lui demander de travailler avec ses méthodes, tout en comprenant les réalités locales, et en essayant de trouver l’amalgame qui fera que tout baigne!
J’ai eu l’occasion de parler avec Michel Denisot aujourd’hui, qui m’a dit ce qu’il retenait d’Artur Jorge: un très grand technicien, un très grand professionnel, un homme très rigoureux. Au delà de la froideur qu’il tient avec ses joueurs, il y a un être sincèrement fort, honnête et intègre. Je pense qu’il est et sera l’homme de la situation.
« Il faudra juste aux joueurs la compréhension du coach autant que celui-ci devra comprendre les joueurs. »
Camfoot.com: Les choses semblent s’être moins bien passées pour Mr Jorge après son titre avec le PSG: Benfica en 1995, l’équipe nationale suisse à l’Euro 1996, l’équipe nationale portugaise non qualifiée pour France 98, le retour au PSG, et plus récemment son limogeage du CSKA de Moscou… Au vu de ces statistiques, le Cameroun a-t-il finalement recruté la bonne personne ?
Patrick Mboma: La hiérarchie en a décidé ainsi. Je me dois de par ma position de positiver. Je préfère retenir les côtés positifs. Il a eu des succès et draine une expérience riche. Ensuite il n’est pas novice, et certains plus novices que lui ont réussi au Cameroun. Il n’ y a pas de raison qu’avec son expérience, même s’il a peut être manqué de succès ces derniers temps, il ne réussisse pas. Il a quand même une base solide. J’ose espérer que c’est ça qui sera au premier plan lorsqu’il prendra vraiment ses fonctions de sélectionneur du Cameroun.
Camfoot.com: Artur Jorge a aussi une réputation d’entraîneur assez défensif. Pourtant, le Cameroun se doit d’attaquer, de marquer pour gagner ces fameux 15 points encore en jeu…
Patrick Mboma: Plus que le jeu défensif, il croit au jeu simple. C’est vrai qu’on est à même de se demander si ce sera compatible avec le talent naturel du footballeur africain et camerounais notamment, qui aime créer, inventer, produire et parfois dans son improvisation, son génie, faire des choses un peu compliquées, qui peuvent décevoir la vision qu’aura Mr Jorge. Il a quand même dirigé des Valdo, Ginola, Weah. Je ne pense pas qu’ils ressemblaient à des malheureux sur le terrain. Il faudra juste aux joueurs la compréhension du coach autant que celui-ci devra comprendre les joueurs. Moi je suis un camerounais qui croit encore en la qualification, et pas seulement parce que j’ai la fonction de médiateur.
Camfoot.com: Patrick, il vous reste encore 6 mois de contrat dans votre club au Japon. Comment cela va t-il être compatible avec vos nouvelles fonctions au sein des Lions ?
Patrick Mboma: J’ai dit précédemment qu’il me fallait beaucoup communiquer, et le mieux pour communiquer, c’est d’avoir les personnes en face de soi. Ce ne sera pas possible dans un premier temps. J’en ai fait part au ministre qui a très bien compris la chose. Ce que je peux promettre, c’est de passer des heures et des heures au téléphone pour dialoguer, agir et faire réagir les joueurs notamment, pour que nous avancions comme un seul homme.
Camfoot.com: Au terme des 6 mois, allez vous donc arrêter complètement le football de haut niveau en tant que joueur ?
Patrick Mboma: Dans mon esprit aujourd’hui, je ne vais pas plus loin que les 6 mois et je pense bien raccrocher les crampons. J’ai maintenant un employeur qui compte sur moi et un championnat qui ne sera pas fini à cette période là. Je me demande si cette fonction de médiateur n’est pas une raison pour ne pas insister plus longtemps avec le football. Les deux derniers matches se jouent à Abidjan et à Yaoundé ; je rêve des 15 points, en sachant que les 9 premiers sont les plus faciles sur le papier à obtenir. J’espère que fort de cette euphorie, les 6 autres points seront gagnés avec panache, envie et brio, pour faire sourire tout bon camerounais supporter des Lions Indomptables.
« Il faudra compter sur le Cameroun. Outre la défaite que je vois les Lions infliger aux Eléphants à Abidjan, je pense que la Côte d’ivoire fera quand même au moins un faux pas dans ses autres matches. Je suis très positif. »
Camfoot.com: Un mot sur les Ivoiriens, 1er de notre groupe qualificatif ?
Patrick Mboma: Il sont costauds dans l’absolu, mais pas assez pour nous prendre les trois points ; peut être pas assez pour prendre les 12 points restants en jeu. Mais ils ont beaucoup d’envie et c’est logique. Ils ne se sont jamais encore qualifiés pour la Coupe du monde. Par ailleurs, il y a un peu trop de manifestations d’orgueil de leur part, cela pourrait jouer en leur défaveur. Il faudra compter sur le Cameroun. Outre la défaite que je vois les Lions infliger aux Eléphants à Abidjan, je pense que la Côte d’ivoire fera quand même au moins un faux pas dans ses autres matches. Je suis très positif. Je crois au nouvel organigramme et je continue à croire en la qualité des joueurs camerounais. Je crois que l’union des deux redonnera une âme et des résultats à cette équipe.
Camfoot.com: Dans un futur proche, vous imaginez-vous un jour sélectionneur à la tête des Lions ?
Patrick Mboma: Non, je ne me vois pas à la tête des Lions pour la simple raison que je ne me sens pas une âme d’entraîneur, ni de sélectionneur. C’est différent mais l’une ou l’autre des fonctions ne me convient pas. Je n’y ai jamais pensé et je n’en rêve même pas de façon secrète. Je ne me vois pas accepter, même en Coupe du monde 2010 si on me forçait entre guillemets. Par contre, je verrais bien mon frère Alain. Pourquoi pas ! (Rires).
Propos recueillis par JP. ESSO à Paris, jpesso@camfoot.com