Inconnu du grand public il y a un mois, le nancéen Landry Nguémo est rentré dans la mémoire des Camerounais par la grande porte en inscrivant un but pour sa première sélection avec les Lions au Rwanda. Bien que conscient que le plus dur reste à venir, le joueur savoure ce qui lui arrive, lui qui était encore pensionnaire du centre de formation il y a deux ans.
Depuis son retour, le quotidien a repris son cours, avec néanmoins un passage par l’Europe. Entre certitudes et rêves, c’est un joueur détendu, en compagnie de sa famille de coeur qui nous a reçus à Nancy. Paroles libres d’un jeune homme qui garde la tête sur les épaules.
« C’est pour toi qu’ils sont venus. Venez le lui dire vous-même, il ne me croit pas ». Le sourire en coin, Frédéric Biancalani chambre gentiment son coéquipier. « C’est ta première télé, vous êtes venus spécialement du Cameroun ? », s’enquiert un autre. Landry Nguémo finit par quitter sa plage réservée aux soins pour nous retrouver, « j’en ai à peu près pour une heure », s’excuse-t-il, presque gêné de nous faire attendre. C’est que l’homme est aussi timide dans la vie qu’il est teigneux sur le terrain, il refuse de se mettre en avant et préfère mettre en avant les autres. « C’est lui le vrai boss», affirme-t-il en parlant de Pape Malikhou Diakhaté, son coéquipier, «c’est avec lui qu’il faut parler ».
L’international Sénégalais, très fashion victim dans son accoutrement, un rappel de la victoire italienne de 1982 égratigne un peu l’humilité de son compère, « c’est l’un des joueurs les plus techniques que j’aie eu à côtoyer. C’est une valeur sûre au milieu de terrain ». Patrice Joseph, pensionnaire du centre de formation et qui évolue avec les 16 ans nationaux n’en pense pas moins, « c’est un très bon joueur, il va faire une grande carrière ». Même son de cloche chez Abdoulaye Keïta, qui pense que « c’est un bon joueur et sa sélection va lui faire beaucoup de bien ».
Arrivé à Nancy la veille après un périple l’ayant amené à Kigali, Amsterdam puis Paris, Landry ne réalise pas encore complètement ce qui lui est arrivé, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. «Ça va lui apporter de la confiance, estime par exemple Adrian Sarkissian, son coéquipier et il va nous le rendre ici sur le terrain. ». Jeremy Malherbe, le gardien de but des 16 ans nationaux pense « qu’il le mérite, qu’il sera l’un des joueurs qui comptent pour le football africain. C’est un bon joueur et quand je suis arrivé ici pour le stage de sélection, il était venu me demander comment j’allais, si ça se passait bien ». Les qualités humaines de Landry font l’unanimité dans le vestiaire, « humainement, c’est quelqu’un de très bien, confie un Diakhaté, qui est aussi expansif que Landry est réservé. Je suis content de ce qui lui arrive, ça va lui apporter de la confiance qu’il va mettre au service de Nancy, qui profite déjà de son talent ».
Le jeune Lion Indomptable, champion d’Afrique U17 en 2003, qui a su garder les mêmes habitudes, malgré la plus grande fréquentation de l’équipe première, nous a confié ses sentiments après sa première sélection. Passé, présent, avenir, Landry Nguémo se lâche…
Camfoot.com : Landry, une sélection, un but… On peut dire que tu t’es bien installé dans l’équipe. Pour une longue période ?
Landry Nguémo: Je le dis souvent, c’était la chance du débutant. Maintenant, le plus dur arrive, c’est de confirmer, de se maintenir à ce niveau.
Camfoot.com : On ne peut pas parler de chance du débutant, puisque tu es le premier vrai choix du coach Arie Haan. Est-ce également ton avis ?
Landry Nguémo: Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, mais c’est vrai que le coach a beaucoup observé durant le stage, il parlait beaucoup avec De Jong (sélectionneur adjoint, ndlr), qui prenait des notes. Il nous a également rassemblé avant le match pour dire qu’il ferait jouer ceux qu’il avait observés comme étant les meilleurs lors du rassemblement.
Camfoot.com : Tu étais le petit nouveau, comment s’est passé l’accueil au sein de l’équipe ?
Landry Nguémo: Très bien. Quand on sait dans quels clubs ils évoluent et comment ils se sont imposés, on pourrait penser que ce sont des gens distants. C’est loin d’être le cas. Que ce soit Geremi ou le capitaine Song, chacun a eu un petit mot pour moi, avant le match de Kigali, pour me mettre en confiance.
« Réussir ma frappe… »
Camfoot.com : Et pour cette première rencontre, tu marques. A qui ou à quoi penses-tu au moment du but ?
Landry Nguémo: Franchement, à rien. Je pense d’abord à m’appliquer pour ne pas rater ma frappe. Après, c’est la joie, j’ai poussé un cri, on va dire que j’ai rugi en vrai Lion (rires).
Camfoot.com : Vous êtes désormais deux, avec Stéphane Mbia ou trois si l’on compte Alexandre Song parmi les champions d’Afrique cadets à avoir intégré la sélection A. Est-ce que vous avez encore des nouvelles des autres et comment vivez-vous le fait de vous imposer chez les « grands » ?
Landry Nguémo: Le fait d’être appelé, c’est déjà bien, ça nous permet de progresser, même si on ne joue pas, en côtoyant des joueurs de la trempe de Geremi, Song ou Eto’o. Je ne dis pas que jouer c’est un plus, jouer c’est une bonne chose, mais l’essentiel reste d’être appelé. C’est ce qu’on se disait avec Stéphane. Sinon, dans l’ensemble, j’ai des nouvelles des autres, certains par personnes interposées, mais je viens de récupérer certains numéros de portable et je vais en contacter…
Camfoot.com : De cette équipe, on se souvient surtout de la remontée de cinq buts contre le Portugal en coupe du monde U17 2003. Comment ce phénomène a-t-il pu arriver ?
Landry Nguémo: Vous savez, quand on rentre à la mi-temps avec quatre buts d’écart, Roger Milla vient nous voir dans les vestiaires et nous dit qu’on ne doit plus prendre de buts. Que nous défendons l’image d’un pays et que nous devons en être dignes. Nous revenons sur le terrain et nous encaissons un cinquième. On s’est alors dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose. Au final, je pense qu’on a fait une belle prestation, même si on ne s’est pas qualifié pour le second tour.
« Je suis resté le même »
Camfoot.com : On peut dire que tu en as fait du chemin. Te rappelles-tu de tes premiers pas au centre de formation de Nancy ?
Landry Nguémo: Non, pas vraiment. J’ai une très mauvaise mémoire. Je me rappelle d’avantage le stage de sélection que j’étais venu faire ici. Je suis rentré après au Cameroun et quand je suis revenu, les autres avaient déjà commencé.
Camfoot.com : En deux ans, tu es passé de l’équipe réserve en CFA à un statut d’international. Comment vis-tu cette transition ?
Landry Nguémo: En fait, je ne la vis pas comme une transition, puisque je suis resté le même, je fréquente toujours le même cercle d’intimes. Je ne sors pas beaucoup à Nancy, les choses sont arrivées naturellement. J’étais effectivement en CFA au début de la saison dernière durant les cinq ou six premières journées. Après, j’ai été régulièrement appelé, mais je me suis blessé en seconde partie de saison.
Camfoot.com : Cette saison, c’est la découverte de l’Europe, avec la Coupe de l’UEFA. Pape Diakhaté, ton coéquipier, semblait dire que le fait d’être international vous protégeait de la pression, avec ce que vous avez vécus en Afrique…
Landry Nguémo: Il peut le dire. Il est international depuis plus d’un an, lui c’est le capitaine du Sénégal (rires), la pression, il connaît. Plus sérieusement, il faut aborder chaque rencontre sans stress, savoir que ça reste du football, savoir faire fi du contexte et donner le meilleur de soi.
L’influence du frère…
Camfoot.com : Dans l’absolu, y a-t-il un club qui te ferait rêver en tant que joueur ?
Landry Nguémo: On est jeunes. Quand je vois les grands Geremi, Song ou Eto’o évoluer dans les plus grands clubs du monde, on espère pouvoir faire aussi bien. Je rêve de jouer dans un grand club. Maintenant, dire Barcelone ou Chelsea… Il y a tellement de joueurs qui rêvent de jouer dans ces clubs. Peu importe donc le nom si je me retrouve un jour dans un grand club.
Camfoot.com : Quelle est la personne qui t’influence le plus en dehors du football?
Landry Nguémo: Mon frère. Chaque fois qu’il me parle, il arrive à me conseiller et me faire faire le bon choix. C’est la personne qui me connait le mieux.
Camfoot.com : Pour finir, sur une touche plus légère, te souviens-tu de ce qui s’est passé durant le match entre le PSG et Nancy la saison dernière ?
Landry Nguémo: Je le savais (rires), le présentateur de Canal a dit que j’étais resté aux toilettes, c’est ça? (rires). Ce n’était pas vrai. Ce qui s’est passé, c’est qu’après le retour au calme demandé habituellement quand on rentre aux vestiaires, j’ai dit au médecin que j’avais mal à un adducteur. Après le discours du coach, il a alors décidé de me faire un strapping, geste difficile puisqu’il faut tourner le bandage autour du bassin pour finir dans le dos. On n’a pas vu les gens sortir et quand on finit et que j’arrive dans le couloir, je vois un match sur les écrans. J’en étais à me demander comment peut-on diffuser un match en même temps que le nôtre? Quand j’ai réalisé que c’était mes partenaires qui jouaient! Et bien, je me suis mis à courir et il a fallu qu’on arrête le jeu pour que j’entre. Le lendemain, tout le monde m’en a parlé, même des gens du Cameroun, mais ce n’était pas ça du tout…
Propos recueillis par Hervé Kouamouo
Landry NGUEMO digest
– Milieu de terrain
– Né le 28 novembre 1985 à Yaoundé
– 1,73 m, 70 kg
– Club actuel: Nancy, formé au club
– 18 matchs en Ligue 1
– Champion d’Afrique cadets avec le Cameroun (2003) et vainqueur de la coupe de la ligue 2005/2006 avec Nancy Lorraine.