Nous avons rencontré Raymond Kalla au palais des sports de Warda à Yaoundé, lors de la présentation du trophée de la coupe du monde. Il nous offre une de ses rares interviews depuis qu’il a pris sa retraite des terrains. Il revient sur les lions, sur sa carrière, et nous parle du match crucial du 14 novembre à Fès.
Camfoot.com : Qu’est-ce que ça vous fait de jouer un match avec vos anciens camarades des Lions indomptables ?
Kalla Nkongo : Je pense que cela fait un grand plaisir parce qu’il y a des collègues que je n’ai pas vu depuis cinq ans. J’espère que nous avons fait plaisir au public.
Camfoot.com : Et pour ce qui est du trophée ?
Kalla Nkongo : C’est la première fois que le trophée arrive en Afrique. La coupe du monde se joue en Afrique. Il faut tout faire pour que cette coupe reste en Afrique. On sait que ça va être difficile, mais je pense que si les Africains essayent de faire le maximum et qu’elle peut rester en Afrique ce serait une bonne chose. Si en plus c’est mon pays le Cameroun qui le remporte, je serai l’homme le plus heureux du monde.
Camfoot.com : Le Cameroun attend toujours le 14 novembre pour connaitre son sort ?
Kalla Nkongo : Aujourd’hui je suis confiant. Les joueurs sont en confiance. Nous sommes maitres de nous-mêmes. Le groupe est en confiance, ils sont soudés. Il reste un match pour se qualifier même si c’est vrai que dans un match tout peut se passer, mais les gars sont grands dans la tête, je ne suis pas inquiet parce que moralement on est bien.
Camfoot.com : Pour quelqu’un comme vous qui a joué longtemps dans cette équipe, comment aborder ce genre de ce match ?
Kalla Nkongo : C’est le genre de match qui appartient aux grands joueurs, et aux grands entraineurs, et dans l’équipe du Cameroun il y a les grands joueurs, qui jouent dans de bons clubs, et nous avons un grand entraineur. En plus, moralement le Cameroun est assis. Ce genre de match se joue dans les vingt-cinq premières minutes. Si nous commençons bien ce match, je ne vois pas ce qui peut nous arriver de mauvais. Je ne veux pas penser à autre chose que la victoire. Nous devons continuer à garder le même état d’esprit, celui qui prévaut depuis le match au Gabon.
Camfoot.com : Avez-vous eu à jouer ce genre de match où il fallait absolument gagner pour se qualifier à la phase finale d’une compétition ?
Kalla Nkongo : Nous avons joué beaucoup de matchs comme celui-là. Je me rappelle du match contre le Zimbabwe, où il fallait absolument aller gagner là-bas. Aujourd’hui c’est la même situation. On aura beaucoup de pression, mais si les joueurs sont moralement bien le jour j, on n’aura pas de problème.
Camfoot.com : On vous a vu jouer tout à l’heure, on a du mal à croire que vous avez arrêté tellement vous jouez bien ?
Kalla Nkongo : C’est vrai, mais dans la vie des footballeurs le problème ce sont les blessures. Un joueur n’est pas comme un fonctionnaire qui peut faire 30 ans de métier. Vous brillez aujourd’hui et deux après vous pouvez être victime d‘une grave blessure. J’ai arrêté ma carrière parce qu’il y a eu beaucoup de blessures qui sont arrivées. Et ensuite les rechutes étaient continuelles. J’étais un joueur qui donne toujours le maximum de moi-même. Si je sais que je ne peux pas être à 100%, je préfère arrêter et faire autre chose. Je crois que j’ai beaucoup donné, aujourd’hui je ne regrette pas avoir arrêté ma carrière, je regarde maintenant l’avenir.
Camfoot.com : Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de votre carrière maintenant que vous avez rangé les godasses ?
Kalla Nkongo : Il y a en a beaucoup, mais vous savez lorsqu’un on est en club en Europe, c’est différent du jeu en équipe nationale. Mes meilleurs moments dans le football, je les ai passés dans l’équipe nationale. Avoir gagné deux coupes d’Afrique des nations de suite c’est quand même quelque chose d’extraordinaire. On avait une très bonne équipe.
Camfoot.com : Et pire moment de votre carrière ?
Kalla Nkongo : C’était une grande déception, après la coupe du monde 2002. J’ai dit que je ne jouais plus pour le Cameroun puisqu’il s’est passé beaucoup de choses pendant cette coupe du monde. J’avais pris cette décision parce que je pense qu’avant d’aller à la coupe du monde en 2002 on avait une bonne équipe qui pouvait aller très loin. Je me disais qu’on pouvait jouer les demi-finales. Cela ne s’est pas passé comme çà parce qu’il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées. Je me suis dit avec l’équipe qu’on avait, si on ne joue pas au moins les demi-finales, quand est-ce qu’on pouvait aller aussi loin ? Je me suis que j’arrête avec la sélection.
Camfoot.com : Qu’est-ce qui explique votre retour en 2005 pour le match Côte d’Ivoire – Cameroun à Abidjan, et votre participation à la Can 2006 en Egypte ?
Kalla Nkongo : Je reviens parce que souvent quand tu restes devant la télé, tu vois tes amis jouer et qu’ils sont en difficulté, tu as envie de les aider, mais tu es impuissant parce que tu n’es pas sur le stade. J’ai eu des amis qui m’ont appelé, et j’ai discuté avec eux de la possibilité de revenir. C’est vrai que la décision était très difficile à prendre. On jouait un match difficile contre la Côte d’Ivoire à Abidjan. Il fallait que je réfléchisse bien. J’ai réfléchi et j’ai dit il faut que je revienne les aider. Je suis revenu et cela s’est bien passé en Côte d’Ivoire. Mais ici sur place à Yaoundé contre l’Egypte, on fait match nul. C’était une grande déception.
Camfoot.com : Avec le recul, qu’est-ce qui s’est passé à Paris lorsque vous alliez à la coupe du monde 2002 ?
Kalla Nkongo : Il s’est passé beaucoup de choses et je n’ai plus envie d’en reparler. Je dirais simplement que si quelqu’un est appelé à jouer à l’équipe nationale, il doit être fier. J’ai été fier de jouer dans cette équipe nationale pendant des années et surtout d’être titulaire pendant toutes ces années que j’ai passées dans cette équipe.
Avez-vous planifié votre retraite footballistique ?
Kalla Nkongo : Je remercie Dieu qui m’a mis sur un bon chemin. Franchement, si je n’avais pas joué au football je ne sais pas ce que je serais devenu. J’ai essayé de gérer ma carrière, c’est vrai que c’est difficile. Quand on gagne beaucoup d’argent, on a la tête en l’air, on fait beaucoup de folie et parfois on utilise mal l’argent. Aujourd’hui j’ai de quoi manger, je peux aller où je veux sans problème, je gère le peu que Dieu m’a donné sans problème.
Camfoot.com : Qu’est-ce çà vous fait de voir certains joueurs qui ont servi cette équipe nationale souffrir, certains rasent les murs pratiquement ?
Kalla Nkongo : Je ne vais jamais critiquer quelqu’un. On n’ a pas eu les mêmes contrats. Chacun a pu gérer son argent comme il peut. Quand on joue, on a beaucoup d’argent, tu te dis si j’ai eu autant ce mois, le mois prochain j’en aurais encore et on ne voit pas le temps passer. À un moment une grave blessure est vite arrivée, et vous arrêtez. Je ne vais juger personne, mais j’ai fait ce que j’ai pu, Dieu merci.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé