BAFANG, 04 Mars – Enthousiaste, il a fier allure depuis qu’il tient lechandelier de la direction technique du « Flambeau de l’Ouest ». On dirait qu’il est arrivé ! Jules Marie Tchamango ne manque d’ailleurs pas l’occasion de le souligner quand il a l’opportunité, comme dans cette interview. Il devient maître chez lui, après avoir fait pendant une dizaine d’années déjà, ses petits pas aux côtés des entraîneurs célèbres du Cameroun comme Dominique Wansi et Jules Nyonga…
Mais, surtout et aussi dans les malles d’un certain Djonkep Bonaventure, alors entraîneur d’Unisport de Bafang en 1996, qui le coopte pour être son adjoint. Précocement. Alors fraîchement sorti du Cenajes et de l’Injs (1993) option football, après une carrière de footballeur prometteur avec Unisport de Bafang. Il remporte en 1990 avec le « Flambeau de l’Ouest » étant au secondaire, le titre de champion du Cameroun et demi-finaliste de la coupe du Cameroun. Le vaillant Jules Marie Tchamango y avait apporté une contribution sans limite.
Pour cet ancien footballeur qui n’a pas eu l’heur de flirter avec la D2 (après Lumière de Banka en Ligue, il est directement passé titulaire à Unisport en 1985), prendre les commandes d’Uniport de Bafang n’est pas moins qu’ « un défi ». Il avoue avoir les capacités de le relever, lui qui a roulé longuement sa bosse dans des équipes non moins importtantes telles que Piment de Bayangam (D2), Racing (D1), Stade de Bandjoun, Unisport de Bafang, Piment de Bayangam une fois de plus en 2001 et Racing de Bafoussam, une deuxième fois.
Nous l’avons rencontré dimanche dernier après son premier match avec son équipe; match soldé par un score vierge (0-0) face à Mount-Cameroon de Buéa. Il nous entretien sur son nouveau challenge au sein de l’équipe du Haut-Nkam.
Camfoot.com: Un nul à domicile en match d’ouverture de la saison face à Mount-Cameroon. Un peu déçu ?
Jules Marie Tchamango: Oui. J’aurais bien voulu commencer ce championnat par une victoire. C’est vrai que je retrouve une équipe renouvelée à près de 80%. Je pense qu’avec la capacité technique et physique des uns et les autres, on avait la possibilité de venir à bout de cette équipe. On a eu beaucoup des occasions de buts qu’on n’a pas pu concrétiser ; c’est dommage. Mais, on ne va pas rester là à pleurnicher ; le foot c’est aussi ça. On n’a pas perdu, on n’a pas gagné. On va continuer tout simplement à travailler pour que, d’ici à là, la cohésion arrive parce que, ce sont des enfants qui viennent d’horizons divers, pour la majorité de la deuxième division. Ça fait que ce n’est pas encore la cohésion souhaitée, mais avec le travail, nous pensons que d’ici les prochaines journées, ça va aller davantage.
Camfoot.com: Coach, lors de ce match, qu’est-ce que vous auriez envisagé et qui n’a pas marché ?
J.M.T: Déjà sur le plan administratif, il y a eu une défaillance dès lors que les enfants, jusqu’avant vingt-quatre heures du match, n’étaient pas encore sûrs de jouer. Pour les anciens, les licences n’avaient pas été renouvelées; pour les nouveaux, les demandes de licences étaient même encore hypothéquées. Ça fait que sur le plan de la concentration, il y avait déjà anguille sous roche.
Sur le terrain, ils n’ont pas respecté les consignes ; ils ont laissé Mount-Cameroon occuper par moment le terrain. Sur les côtés, ça n’a pas été ce qu’on a souhaité et appris aux séances d’entraînement. A la mi-temps, on a réitéré les consignes. La deuxième manche a été mieux que la première. C’est pour cette raison qu’on a eu pratiquement quatre occasions nettes de buts qu’on n’a malheureusement pas pu concrétiser, par naïveté.
Camfoot.com: L’équipe a été renouvelée à près de 80%, vous l’aviez dit. Quels sont les atouts dont vous disposez en termes d’individualités et de joueurs qui soient arrivés à Unisport cette année ?
J.M.T: Il faut l’avouer, les ténors qui constituaient l’ossature de l’équipe sont partis. Cependant, on a pu récupérer quelques joueurs de première division qui, en fait, étaient un peu lésés dans leurs anciens clubs et qui voulaient absolument rebondir.
Camfoot.com: Peut-on avoir quelques noms ?
J.M.T: Il y a notamment les joueurs Tchoumi venus de Racing de Bafoussam, Takoudjou de Bamboutos, Ngom Totto venu de Sable de Batié, le gardien Beh venu de Fovu de Baham. A ceux-là, on ajoute des joueurs venus de la deuxième division, la plupart du département du Haut-Nkam et quelques uns venus du Littoral ou du Centre.
« Dominique Wansi et Jules Nyonga m’ont beaucoup appris »
Camfoot.com: Vous citiez Racing tout à l’heure qui est votre ancien bailleur. Au juste, pourquoi est-ce que vous êtes parti de cette équipe ?
J.M.T: Par orgueil personnel. Je ne sais comment trop le dire. Peut-être, par défi. Parce que, je suis dans l’entraînement depuis sensiblement dix ans aujourd’hui. J’ai entraîné des grandes équipes notamment Racing. Mais, j’ai le plus souvent joué des seconds rôles et, quand bien même j’ai eu la chance de jouer le rôle de coach principal, les gens ou les dirigeants ont toujours trouvé que, peut-être, j’étais très jeune pour le faire. Par moment, j’ai accepté travailler avec certains pour davantage avoir d’expériences. Notamment les coaches comme Dominique Wansi et Jules Nyonga, avec qui j’ai beaucoup appris. Mais, dès lors qu’il fallait recommencer avec la même équipe, je me suis dit que je pouvais déjà me battre tout seul; c’est ce que j’ai fait. Et j’ai décidé de partir de Racing et aller gérer Unisport comme « coach principal ».
Camfoot.com: Qu’avez-vous pu retenir auprès des entraîneurs chevronnés comme Wansi et Nyonga ?
J.M.T: D’abord leur tempérament et leur manière de travailler. Je vous assure qu’il n’y a pas longtemps, bien avant l’arrivée du coach Wansi, il y avait des moments où j’arrivais aux entraînements sans préparation aucune. C’est vrai que jusque-là, il n’y avait pas de défaillance en tant que tel mais, lui, il m’a certifié que l’entraîneur, c’est celui qui fait un effort de toujours écrire quelque chose : ne pas venir à une séance d’entraînement ou faire une réunion technique sans préparation. C’est des choses que je prenais très facilement, que je faisais à la hâte. Pourtant, avec lui, j’ai appris que c’est quand on écrit qu’on est sûr de ce que l’on fait, pour ne pas paraître ridicule devant les joueurs qui, eux, ne sont pas dupes.
Et par rapport au coach Nyonga, qui est vraiment un baroudeur, l’un des grands entraîneurs de ce pays, sur les plans technique, tactique et physique, il m’a appris beaucoup dans ce métier.Je crois que, mon séjour à ses côtés m’a permis d’atteindre le niveau souhaité.
Camfoot.com: Avez-vous les mains libres à Unisport ?
J.M.T: Oui. Oui. J’ai les mains libres. A la limite, si les choses avaient marché comme on le souhaitait, il était question que je sois non seulement entraîneur principal mais aussi manager général de cette équipe. Bon, pour manager, il faut déjà qu’on ait des moyens suffisants et, même s’il y avait les moyens, j’ose croire que je n’ai pas encore la carrure de gérer et sur le terrain et l’administration en même temps. Ce qui veut dire que je m’atèle à travailler plus sur le terrain. C’est après plusieurs années de principalat que je pense pouvoir cumuler les deux fonctions à la fois, comme le vont les autres.
Camfoot.com: L’estime qu’ont pour vous les dirigeants d’Unisport de Bafang ne serait-elle pas liée au fait que vous êtes un fils du coin ?
J.M.T: Non. Mon arrivée était le souhait de tout le monde. Je suis descendu un peu comme harcelé, parce qu’il était question qu’un entraîneur comme moi, qui a fait ses preuves ailleurs, vienne donner un coup de main à cette équipe qui, jusque-là, était un tout petit peu dans les problèmes.
Effectivement, j’ai discuté avec les dirigeants, je ne suis pas allé comme fils du village en tant que tel, mais comme professionnel. On est tombé d’accord sur la manière de travailler et sur le contrat que j’ai signé.
Camfoot.com: À propos de votre contrat, à combien s’estime t-il ?
J.M.T: Beuh, ce sont des choses suffisamment discrètes. Je pense qu’il n’est pas important que je vous le dise.
Camfoot.com: Et sa durée?
J.M.T: Oui, c’est pour un an renouvelable.
Camfoot.com: On connaît le public de Bafang très exigeant, prêt à faire du n’importe quoi pour faire partir quelconque entraîneur ou dirigeant. Qu’est-ce que vous comptez faire pour être à l’abri des « déviances » et de la colère du public local ?
J.M.T: Le public de Bafang est exigeant, c’est vrai. Mais déjà, pour être exigeant, il faut qu’on ait mis tous les moyens en jeu. S’ils ne le font pas, on devrait se taire, laisser ceux qui gèrent avancer tout doucement, colmater les brèches. Et puis, en passant, je vous dis que je suis un ancien joueur de cette équipe; j’ai fait la grande partie de ma carrière là-dedans. Ça fait que je connais le milieu. Arrivé sur place avec l’expérience que j’ai, j’ai pu et, sans beaucoup de moyens, intégrer au maximum les enfants du village. Je pense que jusqu’à présent, il n’y a pas de problèmes. Il ne saurait avoir de problème parce que, c’est tout le monde qui se sent concerné. A l’époque, c’était comme si l’équipe était confisquée.
Actuellement, les jeunes enfants qui n’ont jamais été sollicités par d’autres entraîneurs, sont des joueurs à la limite titulaires de cette équipe. Je le dis parce que, bon nombre d’entre eux ont joué à la première journée et la prestation était assez bonne. Donc, ceux-là qui sont par moment exigeants sont ceux qui retrouvent aujourd’hui leurs petits frères dans l’équipe et devraient plutôt les encourager, leur permettre d’avancer, que de chercher à détruire.
Camfoot.com: Apparemment Unisport n’a pas suffisamment de moyens surtout financiers. Que dîtes-vous à vos poulains pour contourner ce manque de motivation ?
J.M.T: Déjà, par rapport au groupe que je suis entrain de monter, le simple fait de pouvoir jouer est une motivation intrinsèque en elle-même. Elle dépasse toute autre motivation. Ensuite, je pense qu’à Bafang, ce n’est pas l’Eldorado, ça traîne un tout petit peu… Mais je pense que d’ici quelques temps, les choses vont marcher. Les bons résultats sportifs peuvent débloquer beaucoup de choses. C’est le langage que je tiens aux enfants et chacun trouvera son compte.
Bref, c’est démarrer qui est un peu difficile mais, je pense que dès que la machine va être huilée et que ça va véritablement partir, avec les résultats positifs que nous ferons bien entendu, tout sera Ok. Encore que les grands moyens et la grande motivation d’un joueur, c’est personnel. Et c’est ce que les enfants ont pour le moment.
Camfoot.com: Le préfet du Haut-Nkam ne manque pas l’occasion d’interpeller les élites à soutenir cette équipe du département, arguant que ce n’est pas parce qu’un individu, Gabriel Mbongnin pour ne pas le nommer, a laissé l’équipe qu’Unisport ne va pas exister. Comment est-ce que l’entraîneur que vous êtes commentez ce genre de situation ?
J.M.T: Pour ma part, je pense qu’il y a un léger blocage parce que la structure n’est pas encore mise en place. Jusqu’à présent, c’est le Comité provisoire qui est en train de gérer. Si les gens continuent à être laxistes, les élites avec, c’est tout simplement parce qu’il n’y a pas de bureau définitif. Et le souhait, j’aurai l’occasion d’en parler au préfet, serait qu’on mette sur pied une équipe définitive qui va se jeter à l’eau pour faire avancer les choses.
Le bureau qui est là maintenant avec à sa tête M. Youmbi Fansi est celui qui a fini la saison. Et ce n’était qu’un bureau provisoire. En début de saison, il y a eu des tractations pour le retour du président Mbongnin. Malheureusement ce dernier a finalement décliné l’offre. Et comme le temps pressait, le préfet a été tout simplement obligé de reconduire ce bureau. Et jusqu’à présent, il n’y a pas encore eu d’assemblée générale digne de ce nom ou de congrès de l’équipe. Notre souhait serait qu’il se tienne véritablement pour que le définitif soit installé.
Camfoot.com: Il se dit tout de même que M. Mbongnin Gabriel n’a cessé d’apporter un coup de main à l’Unisport. Dans ce registre, c’est lui qui aurait affilié l’équipe que vous dirigez cette saison. Vous confirmez ?
J.M.T: Vraiment, je suis très mal placé pour répondre à cette question beaucoup plus administrative que technique. Et même, s’il le ferait, je n’y vois aucun problème. M. Mbongnin Gabriel reste une élite incontestée de ce département et, en tant que tel, il devrait s’investir de telle manière qu’après lui, ce ne soit pas le déluge !
« Le championnat camerounais est mal programmé »
Camfoot.com: Le championnat a été entamé cette saison sous une nouvelle formule à deux poules de neuf équipes chacune. Quelle appréciation en faites-vous ?
J.M.T: C’est une nouvelle formule comme vous le dîtes si bien. Nouveau pour tout le monde. Et même ceux qui l’ont initiée estiment qu’ils sont en train d’essayer, de telle sorte que si ça n’a marche pas, ils vont revenir à l’ancienne formule. Ce qui ferait qu’on aurait déjà brisé cette bonne manière du passé ! Sur le plan de jeu, une équipe ne devrait pas s’amuser à commencer à perdre les matches. L’équipe qui le ferait, sur les trois premiers notamment, devrait se retrouver en train de descendre après la première partie du championnat. Je vous assure, aucun faux-pas n’est permit. Mais, les matchs ne sont pas toujours prévisibles avec notre championnat programmé d’une manière quelconque. Cameroun, les entraîneurs que nous sommes sont à tout moment bouleversés par les changements du programme des matchs, ce qui n’est pas facile.
Camfoot.com: Avec tout ce qu’elle endure, l’effectif que vous avez, êtes-vous convaincu que le « Flambeau de l’Ouest » pourra retrouver sa gloire d’antan ?
J.M.T: Oui, pourquoi pas ! Nous sommes en train de monter une jeune équipe mais, très dynamique, qui n’a besoin simplement que d’un coup de pouce…
Avant l’entame de cette première journée, je leur ai dit déjà lors de la réunion technique comment le championnat allait fonctionner. Et nous sommes tombés d’accord qu’au terme de la première partie, Unisport devrait, peut-être pas être premier ou deuxième de sa poule, mais, être au moins quatrième pour pouvoir jouer la Super Ligue. Si une équipe structurée comme Mount-Cameroon ne parvient pas à nous battre, nous disons que tous les adversaires vont ressembler à ceux-là si non moins. Sans arrogance, je dirais à la limite que nous avons marché sur eux. À partir de là, nous sommes convaincus que si les enfants ont le moral, il n’y a pas de raison que nous ne parlons pas fort dans ce championnat.
Entretien mené par Kisito M. NGALAMOU, Camfoot.com