L’entraîneur national adjoint des lions indomptables
nous entretient librement entre autre sur le dernier match des lions à Lomé, du départ de Arie Haan, du prochain match des lions contre le Liberia à Yaoundé.
Camfoot.com: Merci de nous recevoir pour évoquer certaines
questions au sujet de notre équipe nationale. Quelle lecture faites-vous du dernier match des
lions contre le Togo, match où vous avez eu l’occasion
de diriger le banc de touche de l’équipe du Cameroun ?
Jules F. Nyongha: Je suis très soulagé que ce match se soit joué,
ensuite soulagé parce que nous avons fait un résultat
honorable, quand on sait toutes les difficultés qui
entouraient la participation de notre équipe à cette
rencontre, en terme de nombre de joueurs et compte tenu du nombre de blessés qu’il y avait. Nous avions une équipe, je ne dirais pas mauvaise, mais qui n’était pas la grande équipe des lions indomptables pour aller affronter une équipe Togolaise au grand complet. Quand on sait également
que le Togo venait d’avoir un nouveau président à la
tête de la fédération, venait de reprendre
l’entraîneur Stephen Keshi et voulait prendre
sa revanche par rapport à la CAN du Caire, c’était
donc une équipe du Togo musclée à fond qui rencontrait
une équipe du Cameroun amoindrie.
Camfoot.com: Les lions ont été menés deux buts à zéro avant de
revenir au score. D’où vous êtes venu les ressources
pour renverser la tendance ?
Jules F. Nyongha: Je pense que les ressources étaient d’abord dans
l’observation de la première mi-temps du match. Nous
avons vu où venaient les problèmes, les failles; il
fallait trouver une solution aux problèmes et motiver
les joueurs. Le Capitaine Song a joué un grand rôle en
galvanisant ces coéquipiers pour que le match prenne
une autre allure en deuxième manche. C’est ce qui nous
a permis d’égaliser. Je crois que nous avons joué avec
beaucoup de courage, beaucoup de détermination et
beaucoup d’envie de gagner.
Camfoot.com: A une époque, un match Cameroun-Togo était facile à
parier; on constate que ce n’est pas le cas
aujourd’hui ?
Jules F. Nyongha: Il faut avoir beaucoup de respect pour tous les pays qui participent à une compétition, pour tous les pays
que nous devons rencontrer en match officiel ou en
match amical. Le football est devenu quelque chose
d’extrêmement important pour chaque pays. D’emblée il
ne faut aller avec les complexes. Lorsqu’on rencontre
un adversaire aujourd’hui, il faut aller pour jouer au
ballon en y mettant le maximum de sérieux, parce
qu’il y a comme une sorte de nivellement des valeurs.
Camfoot.com: On vous confie le banc de touche au dernier moment avec la démission de Arie Haan. Est-ce facile de prendre les reines de cette façon ?
Jules F. Nyongha: J’avoue que ce n’était pas évident. Quand on gère une
équipe qu’on estime ne pas être la meilleure des
meilleures pour les lions indomptables, c’était quand
même difficile. Connaissant le public Camerounais,
personne n’aurait compris, advenant une défaite, que j’ai pris les choses à la dernière minute et que l’équipe était
diminuée. Je crois que même les plus jeunes amateurs
qui étaient dans le groupe ont donné le meilleur d’eux
même.
Camfoot.com: Finalement vous êtes là pour jouer le rôle de sapeur
pompier. Ce n’est pas la première fois qu’un
entraîneur démissionne et aue l’on vous confie l’intérim.
Vous plaisez-vous dans ce rôle ?
Jules F. Nyongha: Je crois que l’avantage que j’ai, c’est la
connaissance parfaite de cette équipe et les éléments
qui la compose. Si vous vous souvenez, l’ensemble des
joueurs de nos sélections nationales aujourd’hui sont
les enfants que j’ai côtoyé. Vous vous souvenez de ce
stage de 30 joueurs que j’ai convoqué en France d’où
on a tiré Boya, Biké, Ateba, Bilayi, Wamfor, Mbia,
ils sont nombreux qui viennent de cette cuvée. Vous
vous souvenez de ce stage que j’ai fait au Cameroun
avec les professionnels en congé, Ngomsi, Jocelin
Mayebi, Madjo qui jouent aujourd’hui avec les lions
espoirs, certains étaient à la coupe d’Afrique
juniors. C’est cette connaissance parfaite des joueurs qui me permet de m’en sortir très souvent lorsque je dois jouer le rôle de sapeur pompier.
Camfoot.com: Vous qui étiez le principal collaborateur de Arie
Haan, que vous a-t-il fait des confidences ?
Jules F. Nyongha: La veille de son départ, nous étions à la Fecafoot
pour discuter des problèmes de ce match amical et il parlait déjà de partir en Europe
pour continuer à prospecter, ce qui n’était pas de l’avis
de la fédération et certainement du ministère. J’ai appris seulement plus tard quand il était déjà là-bas qu’il est parti. Il souhaitait qu’on se rencontre avant son départ et m’a laissé un message. Mais nous n’avons pas pu communiquer.
Camfoot.com: Le prochain match contre le Liberia pointe à l’horizon, comment vous le préparez ?
Jules F. Nyongha: J’assume de fait la situation en cours et je gère les affaires courantes en attendant que la nouvelle équipe soit mise en place. J’entends mener cela avec le maximum d’efficacité, le maximum d’engagement comme je l’ai toujours fait. Pour ce qui est de ce match contre le Liberia, on prospecte les joueurs qui devraient être convoqués pour le stage. J’ai aussi commencé à réfléchir quant au lieu du stage préparatoire. Dans ma tête, les choses sont assez claires. Je n’ai aucune appréhension, je
suis serein. C’est une opération qui se fera et sera
d’ailleurs très bien fait.
Camfoot.com: Ce sera certainement un match difficile dans la mesure
où les lions ne font plus peur ?
Jules F. Nyongha: L’équipe des lions est là, il faut simplement la
remobiliser. Lorsque nous sommes revenu de la Can, je
ne pense pas qu’il fallait nécessairement bousculer
tout de suite cette équipe parce qu’elle n’était pas
mauvaise. Il fallait trouver les moyens d’introduire
certains jeunes qui seraient entourés par ces anciens.
Il faut retenir que les joueurs d’une équipe se jugent
à leurs performances. C’est la performance qui guide
la sélection d’un joueur et non tout autre
considération. De ce côté, nous avons les joueurs
assez performants, lorsqu’on regarde dans les
différents championnats, on voit que ceux qu’on
croyait éteint reviennent en surface. Il faut
s’intéresser à tout cela et donner les chances aux
meilleurs du moment pour que cette équipe se qualifie. Il faut le faire en intégrant autant que possible
les plus jeunes.
Camfoot.com: Est-ce qu’on va continuer à voir sur les listes les
joueurs de notre championnat comme vous avez fait
lors de ce match contre le Togo ?
Jules F. Nyongha: Les meilleurs des amateurs qui méritent d’être appelés
devraient avoir leur chance. Ils s’habitueront à la manière de travailler à l’équipe nationale. Dans un effectif de
25 joueurs en stage, si on intègre trois amateurs, cela
ne ferait de mal à personne. Au Togo, j’ai été très
content de l’entrée de Ambané Moubourou, qui sur le
flanc gauche a été absolument étonnant. Il s’est déployé sans complexe.
Camfoot.com: Parlant justement du côté gauche, on a constaté que l’absence de certains ténors a été difficile à gérer. Cette équipe des lions
n’est-elle pas à refaire, même si vous continuez à croire
qu’elle est très bonne ?
Jules F. Nyongha: Absolument l’équipe est à compléter. Dans certaines
zones nous sommes fragilisés. Il est est ainsi dans
toutes les équipes, où il y a des postes difficiles à
pouvoir. Je continue à penser que ceux qui sont là
apportent quelque chose, mais il faudrait que nous
trouvions une formule pour intégrer ceux des gens qui
vont apporter plus. C’est absolument important que l’effectif de
cette équipe soit amélioré. Je partage ce point de vue; il faut certainement faire quelque chose de plus
pour rendre encore plus performante notre équipe.
Camfoot.com: Que répondez-vous à ceux qui pensent que les problèmes de
notre équipe vient du fait que nos joueurs « n’ont plus
faim », certains parmi eux ayant tout gagné, certains
ayant pris part à plusieurs coupes du monde ?
Jules F. Nyongha: Je ne crois pas que ce soit nécessairement cela, rare
sont les équipes dans lequel l’esprit patriotique est
aussi ancré que dans les lions indomptables. Il y a
des joueurs qui donneront leur peau pour cette équipe.
Je citerai entre autre Geremi, Song, Eto’o. C’est simplement un problème de motivation. Il faut aussi que les choses sont faites correctement.Il faut une sorte
de symbiose entre les organes qui dirigent le sport
dans ce pays. Que ce soit la fédération ou le
ministère, chaque fois qu’ils se sont mis ensemble
pour faire les choses comme il faut, cela a été une grande
réussite. En ce moment, nous naviguons tous dans
la même direction et les joueurs sont conscients.
Camfoot.com: C’est dire que lorsque le ministère et la Fecafoot
sont à couteaux tirés, ceci a une implication dans le
groupe ?
Jules F. Nyongha: Evidement, cela a une implication parce qu’en terme
d’organisation, ça tire d’un côté et de
l’autre. Il faudrait que les deux se mettent ensemble.
Chacun a son rôle, la fédération assume un rôle de
contrôle technique et le ministère tout ce qui est
administratif, des
matchs officiels et le côté matériel. Si l’un ne
marche pas, automatiquement il y aura un problème
quelque part, parce qu’on ne parle plus le même
langage.
Camfoot.com: Avec les problèmes à répétition avec les entraineurs étrangers, ne
pensez-vous pas que le moment est venu de confier
l’encadrement des lions indomptables aux entraîneurs
Camerounais ?
Jules F. Nyongha: On me l’avait posé cette question avant que Artur ne
vienne, avant même que Arie ne vienne. Je dis que les
camerounais ont besoin d’un entraîneur qui conduit son
équipe où ils veulent. Je ne pense pas qu’au Cameroun
nous soyons en manque d’entraîneur capable de le
faire. Maintenant c’est une question de confiance,
c’est une question de prise de responsabilité, c’est
une question de ne pas se cacher derrière les faux
semblants, des questions qui n’ont rien à voir avec la
technique. Je crois que la chose se trouve entre les
mains des décideurs, et c’est à eux de savoir. Mais je
ne serais nullement frustré si le nouvel entraîneur
des lions était un expatrié, si on estime que c’est lui
qui saura faire la part des choses. L’essentiel c’est
que l’entraîneur soit quelqu’un capable de bien
conduire notre équipe, que se soit un Camerounais,
Gabonais, Togolais, Français ou Anglais. Il faut faire
le choix qu’il faut, mais je continue de penser qu’au
Cameroun, il y a des personnes qui sont capables de
gérer cette chose là.
Camfoot.com: Lorsqu’on nomme un coach Camerounais à la tête des
lions, il est tout de suite rejeté par le public, on
l’a vu avec Jean Paul Akono. Comment peut-on
résoudre ce problème ?
Jules F. Nyongha: Je ne sais pas s’il y a une façon particulière de
résoudre ce problème, il faut simplement que
l’entraîneur prenne entièrement ses responsabilités,
qu’il ait les coudées franches et qu’on le juge au
travail. Peut être que vous les journalistes vous
pouvez emmener le public à comprendre. Je me souviens
en 1985, j’étais l’adjoint de Claude Le Roy et à cette
époque là, il y avait plus de dix joueurs Bassas dans
l’équipe, et comme mon nom avait une consonance Bassa,
tout le monde avait dit, Nyongha est allé prendre ses
frères pour jouer en équipe nationale. Aujourd’hui il
faut se mettre au dessus de tout cela et accepter
qu’un Camerounais puisse diriger cette équipe,
ailleurs cela se fait. La Côte d’Ivoire l’a fait,
l’Egypte, le Ghana, le Nigeria, la Zambie.
Camfoot.com: Votre commentaire sur ce débat qui dit que
l’entraîneur des lions ne peut plus résider au
Cameroun compte tenu du fait que la plupart de nos
joueurs évoluent à l’étranger ?
Jules F. Nyongha: Avant l’arrivée des deux derniers entraîneurs, les
autres résidaient au Cameroun. Ils
allaient de temps en temps faire un tour en Europe,
mais ils résidaient au Cameroun, et je ne pense pas
que cela ait entravé la bonne marche de leurs
activités. Je suppose pour la même circonstance
que si l’entraîneur était Camerounais, il faudrait
pouvoir mettre à sa disposition les moyens pour aller
superviser les joueurs de temps en temps et revenir au
Cameroun parce que sur place il y a du travail, il y a
des stages à organiser localement, il y a le
championnat, bref localement il y a à faire.
Camfoot.com: Sous quel signe placez-vous ce match contre le Liberia
?
Jules F. Nyongha: Sous le signe de la qualification pour la Can. Je
crois qu’après le six sur six, si nous pouvons faire
du neuf sur neuf, nous aurions un pied à la Can. Si
après quatre matchs, nous sommes qualifiés pour la
Can, c’est la porte ouverte désormais pour que nous
puissions nous lancer à l’intégration des jeunes parce
que nous n’aurions plus beaucoup de pressions devant.
Entretien mené par Guy Nsigué à Yaoundé