Avec un peu de recul l’un des adjoints d’Artur Jorge fait son analyse du match contre le Soudan. Selon lui, l’équipe des lions est à rebâtir dans tous les compartiments. Il parle aussi de l’ambiance qui règne dans l’encadrement technique des lions, mais reste tout de même optimiste pour la suite de ces éliminatoires couplées Can-Coupe du Monde 2006.
Camfoot.com: Un match annoncé facile, l’accouchement fut plutôt difficile. Comment expliquer que les Lions aient peiné devant une modeste équipe soudanaise ?
Jules Nyongha: Il faut se dire une chose ; c’est que pour ce match il y’avait pas mal de pression autour de l’équipe nationale. Tout le monde savait qu’un faux pas au cours de ce match nous écartait une fois pour toute, donc il ne fallait pas qu’on perde. Je ne dis pas que cette pression a été à l’origine de la prestation des joueurs, mais elle a eu une certaine influence. Par rapport à la rencontre elle-même, vous savez qu’après l’ère Lechantre et Schaefer, nous sommes entrain de vouloir rebâtir une autre équipe avec une autre génération de joueurs. Vous avez constaté déjà que pour ce match nous avons eu quatre nouveaux sur le terrain. Il nous faut mettre cette équipe en place, et lui permettre de fournir un jeu absolument cohérent et correct. Nous avons fait dans un premier temps ce qu’on pouvait faire pour mettre sur pied une équipe opérationnelle pour ce match. Mais je pense que l’équipe n’a pas absolument démérité, tout au moins pendant une bonne partie du match. Quand on prend les 30 premières minutes, nous avons dominé l’adversaire, et nous avons bien joué puisqu’on s’est créé environ dix occasions de but. Malheureusement, on n’a pas concrétisé pas nécessairement parce qu’on les mettait en dehors du cadre. C’était des ballons plein cadre, mais qui se retrouvaient le plus souvent dans les bras d’un gardien qui était omniprésent ce jour-là. Nous avions bien joué jusque-là, mais le score ne reflétait pas nos attentes.
On a repris la seconde mi-temps en essayant de repartir à la charge. Dès l’instant où cela n’a pas marché, on s’est concerté pour sur le banc de touche pour injecter de nouveaux joueurs. L’un des attaquants a fini par marquer le but qui nous sauve. Au bout du compte, nous gagnons dans un match où nous avons beaucoup peiné, mais qui au départ était un match à notre portée.
Camfoot.com: Vous ne pensez pas que les lions ont au départ sous-estimé les Soudanais ?
Jules Nyongha: Quand on a vu le match aller, les joueurs étaient dans une situation difficile, puisqu’il ne fallait pas qu’il tombe dans le piège des Soudanais, donc il n’était pas question de sous-estimer qui que ce soit. Nous dans l’encadrement technique, avions visionné le match aller au Soudan, la CRTV nous a donné une bande qui n’avait que la deuxième manche, mais qui nous a permis de voir la forme, le gabarit des joueurs ; ce qui nous a permis de donner un certain nombre de consignes par rapport au jeu et à la manière de faire.
Camfoot.com: Mais on a constaté que plusieurs joueurs soudanais qui ont pris part au match aller n’ont pas effectué le déplacement de Yaoundé ?
Jules Nyongha: Effectivement vous savez qu’il y a des pays comme le Soudan et bien d’autres, où il n’est pas facile de sortir une information. On n’a pas de relais avec eux, on ne les voit pas. Ce n’est pas le Cameroun où l’on peut avoir facilement une information sur les lions. On n’avait donc pas d’informations, nous avons simplement attendu leur arrivée ici à Yaoundé, nous sommes allés Aguas et moi visionné l’entraînement pour essayer de prendre certains repères, et c’est vrai que nous avons noté toute l’habileté de ce numéro 14 qui nous marque le but. Des consignes avaient été données d’être vigilant de resserrer les rangs, mais vous savez un bon joueur reste un bon joueur. Il suffit d’un instant et il marque.
Camfoot.com: Le Soudan une équipe de joueurs amateurs, contre une équipe de professionnels camerounais. Qu’est ce que cela vous fait de voir que les amateurs torturent les joueurs professionnels ?
Jules Nyongha: En ce qui me concerne, en tant qu’entraîneur, j’ai toujours un grand respect pour l’adversaire quelque soit son niveau, amateur ou professionnel. Il ne faut jamais négliger une équipe. Loin de moi l’idée que les amateurs ne sont pas des joueurs de football. Ce sont de très bons joueurs surtout qu’ils sont très engagés. À la coupe du monde joué par le Cameroun en 1990, toute la défense était des joueurs amateurs. Les amateurs puisent souvent dans toute leur réserve pour montrer aux professionnels qu’ils sont capables.
Camfoot.com: Il reste quatre matchs à négocier, deux à l’extérieur et autant à domicile, comment comptez-vous aborder ces rencontres ?
Jules Nyongha: Je pense que le team chef Artur Jorge a essayé d’expliquer aujourd’hui comment il envisageait aborder ces rencontres. C’est de faire une préparation d’au moins une semaine, pour nous permettre de travailler d’avantage. Au niveau des amateurs il envisage qu’il y ait au moins deux regroupements d’amateurs avant ce match contre le Bénin. Nous avons envie d’intéresser tout le monde à la chose et de donner les chances égales à tout le monde. Si les possibilités étaient offertes de travailler un peu plus longtemps, nous pourrions certainement corriger un certain nombre de choses. La première chose avant ce regroupement, c’est de continuer avec la prospection. Artur et Raul vont partir pour un certain nombre de pays, la Belgique, la Grèce et l’Italie pour voir ceux des joueurs camerounais qui évoluent là bas. On peut dénicher les gars capables de donner un coup de pouce à l’équipe nationale. Nous aurons donc une phase de prospection chez les professionnels et une autre chez les amateurs, tout ceci mis ensemble autour d’un long stage nous permettrait de bien nous préparer.
Camfoot.com: Des sélections avec chaque fois de nouveaux éléments, est-ce qu’on ne court pas le risque de mettre à mal la cohésion ?
Jules Nyongha: On est obligé d’autant plus qu’on n’a pas vu tout le monde jouer. On parle de plus de 80 joueurs camerounais évoluant en Europe, c’est beaucoup. Pour avoir la meilleure chance d’avoir la meilleure équipe, il faut voir évoluer tout le monde afin d’opérer la bonne sélection. Maintenant il faut savoir les introduire, on ne chamboulera certainement pas tout. Il faut simplement donner un coup de neuf.
Camfoot.com: On a vu certains nouveaux joueurs faire leur entrée et ils se sont bien comportés. Pensez-vous qu’on peut faire une croix sur le cas Etamé Mayer ?
Jules Nyongha: C’est clair qu’il apporterait beaucoup à l’équipe nationale. D’abord parce que c’est un bon joueur, et ensuite parce que c’est un joueur expérimenté. Si nous pouvons l’avoir c’est bien, mais si on ne peut pas l’avoir en ce moment on se débrouillera avec ceux qui sont là et qui ne sont pas moins talentueux.
Camfoot.com: Lorsqu’on a regardé les entraînements la semaine dernière, on a eu l’impression que l’encadrement technique a voulu baser le milieu de terrain sur Valery Mezague. À la fin, il n’est pas dans la liste des 18. Des explications ?
Jules Nyongha: On a essayé Valery Mezague et Achille Emana, ils ont joué comme des jockers car c’est le milieu de terrain qui doit aller à la recherche du ballon, c’est lui qui le ventile à gauche et à droite. On a voulu justement confier ce rôle à Mezague. On s’est ravisé parce que c’est extrêmement épuisant. Mezague pour ce match n’a pas été retenu parce qu’on a pensé que Saïdou pour le rôle qu’on attendait était mieux préparé. Ceci ne veut pas dire que Mezague est un mauvais joueur, mais pour ce match il nous fallait quelqu’un comme Saïdou, et je pense qu’il a pleinement joué son rôle.
Camfoot.com: Même s’il faut encore beaucoup de métier à l’ancien joueur de Coton sport ?
Jules Nyongha: Evidement, mais sur le nombre de ballon que ce garçon a eu, il n’a pratiquement rien perdu.
Camfoot.com: En ce qui vous concerne, la qualification est-elle encore envisageable ?
Jules Nyongha: Je pense que nous sommes revenus à la case départ, puisque la Côte d’ivoire a aussi gagné, même si la Libye a perdu et que nous gagnions un rang sur le classement. Si on avait perdu, cela devenait difficile d’y croire. Nos chances sont maigres, mais elles sont là. Le plus important pour nous c’est de gagner nos matchs et le reste ne nous appartient plus.
Camfoot.com: Vous avez démissionné des lions en 1996. Vous êtes maintenant de retour. Qu’est-ce qui a changé selon vous ?
Jules Nyongha: J’ai passé plus de 13 ans à l’équipe nationale avant de me retirer. Il fut un temps où l’équipe était bien encadrée, bien soignée, bien traitée. Je me souviens encore de l’époque avec Claude le Roy. Après les choses se sont compliquées, la situation est devenue difficile. Il faut compter avec la situation économique du pays et il y a eu pas mal de choses qui ont fait que les moyens deviennent difficiles et là le football en a souffert aussi. Avec LeChantre, Schäfer et la vague d’aujourd’hui, de gros efforts sont faits pour mettre l’équipe nationale dans de meilleures conditions de travail. Nos joueurs jouent en Europe et il y a des moyens pour aller les prospecter. On peut déjà jouer les matchs amicaux, ce qui n’était pas aisé entre 1996 et 2000. Aujourd’hui je pense qu’il y a beaucoup de sérénité, les données sont là pour qu’un bon travail soit fait. Ce qu’on peut regretter aujourd’hui le plus ce sont les infrastructures. Il faut de bons terrains pour permettre aux joueurs de passer à la vitesse supérieure.
Camfoot.com: Il faut rebâtir l’équipe, en même temps il faut se qualifier pour la coupe du monde. Ne pensez-vous pas qu’en voulant tout embrasser, on finit pas ne rien attraper ?
Jules Nyongha: Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse ?
Camfoot.com: C’est moi qui pose les questions monsieur Nyongha…
Jules Nyongha: C’est exactement ce qu’il faut craindre. Mais sachez que nous sommes obligés de rebâtir l’équipe. Quand on sait que Mboma a arrêté, que Foé, Etamé, Kalla ne sont plus là, on est obligé de refaire. En même temps, il y a un résultat à faire ; c’est la qualification pour la coupe du monde et c’est là que la tâche devient difficile, on espère simplement qu’on va réussir sans trop de casse.
Camfoot.com: Deux mois qu’Artur Jorge est au Cameroun, nous le trouvons timide et vous ?
Jules Nyongha: Je pense qu’Artur Jorge arrive en Afrique pour la première fois et ce n’est pas facile. Certaines blagues ou certaines façons de voir les choses lui sont étrangères. Je pense qu’il faut lui laisser le temps. Avec nous c’est déjà plus décontracté. Quand on est ensemble, on peut rigoler, on peut se tapoter ; mais en public pour le moment il est encore très réservé. Je pense qu’il faut lui laisser le temps. Par contre, « l’africain » Aguas, vous savez qu’il a une racine en Angola – il a un parent Angolais et l’autre portugais et est parti de l’Angola alors qu’il avait 18 ans-, il est fortement impliqué les habitudes africaines, et est très spontané dans ce qu’il fait, dans ses blagues.
Camfoot.com: Sur les trois lignes à savoir l’attaque, la défense et l’attaque, dans quel compartiment les lions ont-ils besoin de renforts ?
Jules Nyongha: Je pense qu’il faut renforcer au niveau de tous les compartiments. En défense il faut faire quelque chose, au milieu il va de soit qu’il nous faut un distributeur pour faire travailler Eto’o. A l’attaque aussi il faut des mecs opportunistes qui mettent le ballon au fond.
Camfoot.com: Vous avez remplacé dimanche dernier Lucien Mettomo par Armand Deumi. Lucien était-il blessé ?
Jules Nyongha: C’est un remplacement comme tout autre qui peut se justifier. À un moment donné, Mettomo a ressenti la fatigue et je pense qu’il était nécessaire de venir à son secours.
Camfoot.com: Une constance de votre métier est la pression. Après plusieurs années dans le métier, avez-vous encore suffisamment de nerfs pour supporter cette pression incessante ?
Jules Nyongha: La pression on le ressent avant le match, mais une fois le match lancé, on l’évacue.
Camfoot.com: Votre dernier mot ?
Jules Nyongha: Je souhaite que tout ce qui a été dit à la réunion d’évaluation soit respectée même par vous les journalistes, car je suis persuadé que nous pouvons aller plus loin.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé