Jules Frédéric Nyongha, entraîneur national par intérim, s’explique sur les non-dits de la liste et sur l’ambiance générale qui règne autour du groupe.
Pierre Womé Nlend a annoncé hier dans nos colonnes qu’il arrêtait de jouer avec les Lions indomptables, quelle est votre réaction?
C’est une grosse surprise. Je ne comprends pas la raison majeure de cette démission. Je ne connais pas encore les raisons profondes qui ont emmené Womé à prendre cette décision. Je pense que c’est une situation difficile à expliquer.
Wome Nlend laisse entendre qu’il était prêt à venir jouer le match de samedi et que vous ne l’avez pas rappelé?
Womé Nlend a été convoqué lors des deux derniers matches, contre la Guinée Equatoriale (3-0) et lors du match amical Togo-Cameroun (2-2), il n’est pas venu. Ces deux forfaits m’ont emmené à ne pas l’appeler pour le match de samedi. Je me suis dit qu’il n’était pas encore prêt à jouer avec les Lions. J’assume mes choix. Au prochain match, si je suis encore là, je peux l’appeler si je veux. Un footballeur professionnel ne décide pas de son propre chef d’arrêter sa carrière internationale ou de ne pas honorer une sélection tant qu’il est opérationnel en club. La FIFA a prévu des sanctions disciplinaires adaptées à ces cas. Mais nous ne voulons pas encore utiliser ces dispositions là. Je suis un partisan du dialogue. Je n’ai aucun problème avec Wome. Pour le match de samedi, je cherche quelque chose sur un plan purement tactique. C’est pour cette raison que j’ai jugé utile d’appeler Atouba et Ateba, comme joueurs évoluant sur le flanc gauche de la défense, poste de prédilection de Wome.
Mais pas au point de se passer d’un joueur très actif en club ?
Seul l’entraîneur sait ce qu’il recherche lorsqu’il fait sa liste.
L’avez-vous approché ou appelé pour savoir ce qui ne va pas ?
Non. Je n’ai pas pu parce que je n’ai pas de moyens pour travailler. Je n’ai même pas de crédit de téléphone.
Womé Nlend laisse entendre que ce n’est pas vous qui avez dressé la liste. Selon ses dires, ce sont d’autres joueurs qui sélectionnent les joueurs à votre place. Votre réaction à cette grave accusation ?
Il faut qu’il explique mieux son idée, qu’il aille au fond des choses. A l’exception de Rigo (NDLR : Rigobert Song), je n’ai pas eu de joueurs au téléphone ces derniers temps.
Votre entretien avec Song remonte à quand ? Et c’était à quelle occasion ?
Je ne me rappelle plus le jour. Son équipe venait de gagner un match et je l’ai appelé pour le féliciter.
Et avec Eto’o ?
Je vais vous surprendre. La dernière fois que j’ai parlé avec Eto’o, c’était en septembre après sa blessure. Et encore, c’était par personne interposée. Je n’ai pas toujours la chance de l’avoir directement. Quand il a repris, j’ai fait la même démarche pour lui adresser mes félicitations. Toujours par personne interposée. N’allez pas croire que quand je fais ma liste, je consulte d’abord tel ou tel joueur.
L’opinion s’interroge quand même sur la non convocation d’autres joueurs en vue en clubs tels que Emana, Mbami mais absents en sélection ?
On ne peut pas appeler tout le monde. Pour un seul match de football, je dois coucher dix-huit noms, pas plus, sur la feuille de match. A chaque poste, il me faut simplement deux noms. Pour le match de samedi, Emana sera là. Il remplace Saïdou qui est blessé. Tout comme Armand Deumi va suppléer Bikey.
Avez-vous des critères de sélection ? Si oui, quels sont-ils ?
Ils sont basés sur les performances des uns et des autres en club. Il y a également la complicité sur le terrain pour réaliser une tâche. La complicité, c’est très important pour un entraîneur. L’exemple type c’est Eto’o-Ronaldinho avec le Barça. On a vu comment l’absence d’Eto’o a coûté cher à Ronaldinho.
Quelle est votre méthodologie de travail ?
Il y’a le net. Je regarde aussi beaucoup de matches à la télé. Je suis en contact très étroit avec Thomas Nkono. On se parle au moins une fois par jour au téléphone.
Avez-vous regardé quelques matches des championnats étrangers le week-end dernier ?
Oui, j’ai regardé Rennes-PSG (1-0). Je voulais apprécier la prestation de Mbia. J’ai cherché à le joindre après son match. Malheureusement, je n’ai pas pu l’avoir. Samedi déjà, J’ai regardé le match du Barça.
Et le championnat de première division, on ne vous voit pas beaucoup dans les stades?
J’assiste à tous les matches qui se jouent à Yaoundé. J’ai l’impression que le niveau du championnat de cette année sera un cran au dessus. Ce n’est qu’une impression…
Vous vous contentez uniquement de Yaoundé ?
Que voulez vous? Je n’ai pas de moyens. Est-ce que j’ai la voiture que mon prédécesseur utilisait ? Si j’avais au moins le carburant, j’utiliserai mon véhicule personnel pour aller à Douala, à l’Ouest… Je n’ai pas de crédits de téléphone. C’est le problème avec les entraîneurs locaux. Les moyens ne suivent toujours pas lorsqu’on nous confie les responsabilités.
Vous dites que le championnat a un niveau relativement élevé mais on s’étonne de la quasi absence de joueurs locaux dans votre liste ?
Deux sont sur la liste d’attente. Ambane, attaquant de Union de Douala qui évolue sur le flanc gauche, a même été appelé pour remplacer Job. Il y a également Ekanga de Astres de Douala. Le match de samedi est important, si on le gagne, on aura pratiquement un pied à la CAN. Et si on gagne le suivant, l’équipe sera qualifiée. Je pourrai alors mettre les patrons de côté et essayer quelques joueurs locaux pour les deux dernières rencontres.
Et quels sont les patrons ?
Les patrons ici, ce sont les leaders. Il y a le capitaine Rigobert Song qui a le don de rassembler, de galvaniser. Je m’appuie aussi sur la réputation d’un joueur comme Eto’o. Par sa personnalité, il a un poids énorme dans cette équipe. Il y’a également Njitap qui est doté d’une grande expérience. Ce sont mes relais.
Est-ce qu’ils peuvent influencer une stratégie de jeu ou le choix des joueurs censés la mettre en pratique ?
Je discute avec eux et je tiens compte de leurs avis. Un entraîneur n’est pas un dictateur. Il ne doit pas négliger ce que les joueurs lui disent. Une équipe n’est pas une chambre d’enregistrement. Un entraîneur doit se méfier des joueurs qui lui disent toujours oui.
Avez vous des mains libres ?
(Rires). Je n’ai aucune contrainte. Les joueurs ne me dictent pas de ligne de conduite. Oui, Jules Nyongha a les mains libres.
Avez-vous des informations sur l’équipe du Liberia ?
A travers le net, oui. Nos informateurs nous ont également dit que c’est une bonne équipe, très technique. Leurs joueurs évoluent beaucoup plus en Suède, en Grèce et en Autriche. Samedi, on n’aura pas un match facile. Raison pour laquelle je demande au public et à la presse de nous soutenir. Je vais mettre un accent sur la préparation psychologique parce qu’on est en train de mettre du poison dans mon groupe.
A quand le début du stage proprement dit ?
Demain (NDLR : cet après midi) à 16h.
Brice MBEZE