L’ancien sélectionneur des Lions indomptables a son avis sur notre Onze national, au vu de ses derniers matches comptant pour les éliminatoires couplées de la Can/Mondial 2006…
Camfoot.com: Coach Nyonga, vous aviez été aux côtés des Lions indomptables comme encadreur. Tout récemment, vous l’avez vu évoluer contre l’Egypte. Quelle appréciation pouvez-vous faire de ce match et quelles seraient, à votre avis, les chances de qualification pour la Can et la coupe du monde surtout ?
Jules Frédéric Nyonga: Vous savez, pour qu’on puisse nous qualifier aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il nous faut gagner tout ce qui nous reste à jouer comme match, contre les adversaires qui ne sont pas tendres. On a comme l’impression aujourd’hui que pendant que les autres avancent, nous, nous reculons.
Et, à quoi cela est dû ? C’est extrêmement difficile d’expliquer ce phénomène là parce que, l’équipe est une équipe que les camerounais ne suivent plus. Tout le monde est à l’extérieur, tout le monde joue à l’extérieur. Vous savez, il n’est pas donné à tout le monde, à tout moment, de suivre les activités et les mouvements des joueurs.
Moi, j’ai vite compris dans ce match que notre équipe a subi la pression de l’Egypte. On a souffert dans ce match là dans tous les compartiments, même si en cinq minutes on a eu deux occasions qui nous ont permis de marquer deux buts. A quoi c’est dû ? Peut-être à une sorte d’impréparation. Est-ce que cette équipe a aujourd’hui le temps nécessaire de se regrouper, de travailler pour préparer les matches comme on le faisait à l’époque ?
Je me souviens une période lorsque Le Roy était arrivé au Cameroun, nouvellement. J’étais son adjoint. Nous avions passé trois mois de stage en Europe. On a fait un mois au Brésil, un mois en Allemagne, un mois en France avant d’aller jouer la coupe afro-asiatique. Et c’est comme ça que cette équipe a été bâtie avec les plus jeunes joueurs qui avaient été recrutés dont les kana, les Kundé, les Oman… Aujourd’hui, est-ce que ça se passe comme ça ? Est-ce que les joueurs ont le temps matériel de travailler ? Est-ce que le bonheur de notre équipe nationale aujourd’hui se trouve uniquement entre les mains des joueurs professionnels ? Est-ce qu’il n’y a pas moyen de trouver d’autres méthodes d’avoir des joueurs qui, collectivement ou sur le plan compétitif, peuvent mieux se’ comprendre que ce que l’on a aujourd’hui ? Je n’en sais rien mais, je pense que nous avons été fragiles dans le match contre l’Egypte. Et, il faut que quelque chose soit faite si nous voulons aller en coupe du monde.
Camfoot.com: Quoi par exemple, à votre avis ?
Jules Frédéric Nyonga: Par exemple donner plus de possibilités de travail, plus de temps de travail, plus de regroupements à ces joueurs là, pour que nous ayons une équipe nationale. Parce que, j’ai comme impression que nous continuons d’être une sélection nationale plutôt qu’une équipe nationale. Une équipe nationale, c’est quelque chose de plus soudée, de plus collectif, où il règne un peu plus de solidarité… Une sélection par contre veut dire qu’on peut très bien former une équipe aujourd’hui et, au prochain match, on change 3, 4, 5 joueurs et on met d’autres. C’est toujours une sélection et pas une équipe. Une équipe, c’est presque toujours les mêmes qui ont certaines habitudes de jeu, de travail, qui se comprennent, qui se complètent. C’est ça l’équipe nationale, et nous avons eu des équipes nationales qui nous ont apporté énormément. On a très vite dépassé le cap de la sélection pour entrer dans le cadre de l’équipe. C’est à cela qu’il faut arriver aujourd’hui. Il faut bâtir une équipe nationale. Et éviter donc d’être dans cette sélection de tous les jours. Le match qu’on joue aujourd’hui n’a pas les mêmes joueurs qu’on avait hier…Tout le temps, on essaie une nouvelle équipe. Avec ça, on n’ira jamais nulle part.
Camfoot.com: Le Cameroun aurait-il donc un problème d’entraîneur ?
Jules Frédéric Nyonga: Moi, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que Winfried Schâfer, sur le plan de la qualification, est un entraîneur bâti dans le moule des meilleurs entraîneurs, formés à l’Ecole supérieure des sports de Cologne. Et je sais que c’est quelqu’un qui a fait à l’époque des résultats en club dans son pays et tout ça… Je ne sais pas où est le problème ? Est-ce un problème d’entraîneur ? Est-ce… Moi, le conseil que je peux lui donner si j’avais l’occasion d’être à ses côtés ou de le rencontrer, ce serait de bâtir une équipe, de se donner la peine de trouver ceux qui peuvent bâtir cette équipe. Aujourd’hui, il faut éviter de sombrer dans les pressions. Ce n’est pas parce qu’on critique tel joueur aujourd’hui que nécessairement, il faut le balayer et mettre autre ! Il faut avoir la personnalité qu’il faut pour tenir le coup et se dire « J’ai envie de faire telle chose ; je la ferais jusqu’au bout avec ceux que j’ai choisi et leur donnerai les meilleures chances ». Si à chaque coup de crayon qu’on écrit dans un journal, à chaque petit mot qu’on dit à la radio, il faut changer tel et mettre autre ! Il faut tenir bon ; il faut être ferme dans ses décisions. Si on a choisi, on a choisi et on va de l’avant. Il faut demander des périodes de travail, et travailler dur. Mais, je sais que Schäfer est quelqu’un qui a été formé à la bonne école, j’ai fait la même école de toutes les façons (sorti en 1988, ndlr). Donc, je sais de quoi je parle.
Propos recueillis par Kisito NGALAMOU, ngalamou@camfoot.com