« C’est un geste regrettable. C’est forcément un geste condamnable comme tous les gestes de violence, tous les actes de violence. Je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse apprécier cela, sauf à être soi-même un irresponsable ou un partisan de la violence. Mais dans le sport, logiquement, personne n’est partisan de la violence. »
Quel commentaire vous inspire le coup de tête infligé par Samuel Eto’o à un journaliste au cours d’une conférence de presse?
C’est un geste regrettable. C’est forcément un geste condamnable comme tous les gestes de violence, tous les actes de violence. Je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse apprécier cela, sauf à être soi-même un irresponsable ou un partisan de la violence. Mais dans le sport, logiquement, personne n’est partisan de la violence.
Qu’est-ce qui à votre avis a pu justifier cette violence à l’égard de quelqu’un qui apparemment n’avait rien fait sur le coup?
Il n’ y a que Samuel lui-même pour pouvoir expliquer un geste pareil! Il y a en plus deux choses qu’il faudrait mettre ensemble. Je pense qu’il faut savoir que la violence pour un sportif en général, un sportif de haut niveau et même une personne ordinaire est d’abord condamnable. Et que toutes les justifications qu’on peut donner ensuite ne sont pas des excuses. Ce que nous apprend le sport et le football en particulier, c’est précisément de ne pas succomber à la tentation de se venger par la violence. Et je crois précisément que le geste du footballeur qui se tourne vers l’arbitre, c’est celui de quelqu’un qui demande qu’on sanctionne une violence dont il a été victime. Donc on n’a pas de raison de pouvoir rendre même un acte de violence par un autre acte de violence. Quelle que soit la raison, on doit pouvoir se maîtriser et s’en référer aux instances civiles.
Peut-on faire un lien entre les prestations du joueur et de son club cette saison et cet acte?
Non! Je crois que ce serait une explication trop facile! Parce qu’il n’ y a aucune équipe au monde qui soit championne tous les ans. Si chaque fois qu’on n’est pas champion, on se transforme en joueur violent, à ce moment, le Fc Barcelone serait une équipe de violents simplement et on verrait les Thierry Henry, Deco, Thuram, tous devenir imbéciles, tous devenir des joueurs violents. Je crois qu’il ne faut pas dire cela. Et puis Samuel Eto’o n’a pas remporté un titre chaque année de sa vie. Donc il n’a pas pu être un joueur violent toutes les années ou il n’a pas gagné de titre! On ne doit pas chercher de ce côté-là.
Je crois d’ailleurs que, c’est vrai que le monde du football et notamment la Fifa a créé un précédent lorsque en 2006 on a essayé de trouver une justification au coup de tête de Zidane au point d’aller sanctionner son adversaire. Ce qui n’est jamais arrivé en football!Quand un garçon donne un coup de coude ou un coup de pied, on ne lui a jamais demandé qu’est-ce que son adversaire lui avait dit ou fait auparavant! On le sanctionne parce qu’il est pris sur la faute et on ne peut pas invoquer ce qui se serait passé auparavant. Et ça, c’était un fâcheux précédent. C’est dommage qu’à l’époque l’Italie n’ait pas su se défendre.
Mais moi je ne crois pas qu’on puisse atténuer la sanction d’un joueur sous prétexte qu’il aurait pris un coup auparavant. Dans ces conditions là, on pourrait aussi atténuer la sanction d’un joueur qui se serait énervé en prétendant que sa condition physique étant précaire, il était à bout de souffle et donc avait les nerfs à fleur de peau. Là en occurrence, il y a un acte et nous ne pouvons pas commencer à chercher des raisons à cet acte.
Pour vous les journalistes, vous avez aligné d’autres séries d’actes du même joueur et donc on ne peut pas prouver dessus. Moi je crois que c’est un acte qu’il faut condamner un point un trait. Puis, ceux qui sont les proches du joueur vont essayer d’analyser pour pouvoir précisément tirer les conséquences. C’est-à-dire savoir qu’est-ce qui peut l’amener à devenir violent et travailler sur cela. Voilà comment on agit pour essayer de se corriger soi-même.
D’aucuns évoquent les origines sociales de Samuel Eto’o pour expliquer son comportement. Qu’en pensez-vous?
Neuf joueurs sur dix sont d’origine sociale modeste. Si on veut évoquer les origines sociales, alors on devrait simplement parler de l’éducation des uns et des autres! Il ne faut pas confondre les origines sociales avec forcément l’éducation qu’on reçoit. Il y a des gens qui sont d’origine sociale très modeste et qui sont très bien éduqués, qui ne sont pas violents pour autant et qui ne sont pas dans la délinquance pour autant. Je ne crois pas qu’il faille aller chercher dans les origines sociales de Samuel Eto’o parce que le quartier ou il est né, moi je le connais. On n’ y est pas spécialement violent et il n’ y a pas un mort là-bas tous les jours de suites de violence! Il ne faut pas dire cela. Cela tendrait à le disculper en tant qu’individu pour finalement lui attribuer une violence qui serait congénitale, viscérale et je ne crois pas que ce soit le cas. Je ne pense pas un seul instant que le père Eto’o soit quelqu’un de particulièrement violent.
En dehors de celui de Zidane, connaissez-vous d’autres cas de violence de la part des vedettes du football?
Non. Je ne crois pas qu’il faille d’ailleurs percevoir cette affaire sous cet angle-là! Il y a un garçon qui à un moment donné a été violent. Qui vous dit que ce n’est pas le Cameroun qui exacerbe la violence d’Eto’o? On n’a jamais entendu, bien au contraire, que Eto’o avait été violent en Espagne! Lorsqu’il est simplement insulté, c’est-à-dire lorsqu’on lui tient des propos qu’il juge déplacés, là-bas, on le voit plus pleurer qu’aller rendre des coups ou donner des coups à quelqu’un. Je ne pense pas du tout que l’on doive considérer le problème sous cet angle-là. Il y a des joueurs, des hommes, qui à un moment ou à un autre peuvent perdre leurs nerfs et poser des actes. Il y a des environnements qui peuvent favoriser la « délinquance. » Je crois plutôt que c’est l’environnement camerounais qui fait que Samuel Eto’o peut se comporter de manière déplacée. Et il faudrait que s’il y a une psychanalyse, ce serait plutôt la psychanalyse de l’environnement camerounais pour comprendre ce qui chez nous favorise de tels actes. Je voudrais par exemple faire remarquer que quand vous prenez l’avion à Paris avec les Camerounais, ils sont disciplinés, ils sont alignés, ils sont respectueux de la queue. Les mêmes Camerounais quand ils atterrissent sur le sol camerounais ne respectent plus la queue, ne tiennent pas compte de ceux qui sont avant eux et veulent passer avant tout le monde. Donc, voilà, je pense que c’est un problème d’environnement.
Que prévoit la réglementation pour ce genre d’actes?
En réalité, c’est un acte de violence qui s’est produit dans la vie civile. La vie sportive n’est pas au-dessus des lois. Il faudrait savoir qu’un acte de violence sur un terrain de sport peut donner lieu à un dépôt de plainte. Laquelle plainte sera absolument recevable. C’est simplement parce que le sport prend les devants et essaye comme la famille de régler rapidement les problèmes qui se posent en son sein, à la satisfaction générale, de sorte que personne n’ait besoin d’aller vers la loi civile et vers la loi pénale. Donc, l’acte qui s’est posé dans cette salle de conférences est simplement passible des lois de la République du Cameroun. Mais encore faut-il que quelqu’un saisisse la justice. Je crois que cet acte-là relève de la loi et maintenant, si les concernés s’entendent et ne vont pas devant la loi, ils s’arrangeront à l’amiable comme de grands garçons et c’est ce que tout le monde souhaite et en tous les cas, c’est ce que personnellement je souhaite.
Que pensez-vous des questions de discipline au sein de l’équipe nationale de football du Cameroun?
Je n’en pense rien. Je constate simplement qu’ils sont récurrents et qu’ils entachent malheureusement la vie des Lions et qu’on en arrive à oublier que les Lions représentent le Cameroun et donc que c’est le Cameroun qui voit à chaque fois son image un peu plus écornée. De sorte qu’on finit, petit à petit, par laisser que des actes d’indiscipline ternissent tout le travail d’image positive créé par les Lions.
Est-ce qu’on peut y voir une défaillance de la part des instances du football au Cameroun?
Je ne sais pas si on peut y voir une défaillance. C’est chacun qui voit midi à sa porte. Si des actes d’indiscipline se révèlent, évidemment que cela pose un problème et que cela pourrait être la preuve qu’il y a une défaillance, c’est clair.
Qui d’après vous devrait gérer cette affaire et comment?
Les affaires se gèrent par palier. A la conférence de presse, il y avait des responsables de la Fédération et de l’équipe nationale. C’est d’abord à ceux qui étaient présents qu’il faut demander des comptes et ensuite on passera à l’étage suivant, à toute la Fédération et ensuite au ministère et ensuite éventuellement à la République du Cameroun. Voilà comment à mon avis, se pose le problème, en cercle concentrique.
Quel impact cet acte peut avoir sur la carrière du joueur?
Oh! Rien! Rien du tout! Sauf éventuellement à le faire précéder d’une réputation de joueur violent ou plutôt d’homme violent. Mais vu, je pense, le niveau de sa carrière, on s’approche du moment où les comptes sont irréversibles. Moi je pense plus à sa vie d’homme qu’à sa carrière de footballeur. Parce que la carrière s’achève toujours plus tôt que la vie d’homme et on reste longtemps toujours installé dans cette vie d’homme. Je serais plutôt tenté de dire que quand on commet des actes répréhensibles, on devrait pouvoir en tirer quelque chose, en apprendre quelque chose pour pouvoir bénéficier de cela dans sa vie d’homme. Je ne crois pas que c’est cet acte-là qui nous révèle un Eto’o que personnellement je ne connaissais pas parce que à cette occasion, j’ai entendu des choses que je ne connaissais pas, donc je ne le savais pas violent. Parce que sur le terrain, en une ou deux occasions seulement, j’ai pu voir qu’il avait eu un acte déplacé mais que tout le monde peut avoir à un moment ou à un autre. Mais je ne pouvais pas le qualifier jusqu’à récemment de « personne violente. »
Pour en revenir au footballeur, que pensez-vous du jeu de l’attaquant vedette de l’équipe nationale du Cameroun?
C’est un très bon joueur de manière générale. Si on ne parle pas d’un match particulier, je ne vois pas pourquoi j’irais critiquer ceci ou cela. C’est un très bon joueur. Et je dois répéter que personnellement, cette frasque de Samuel Eto’o m’a beaucoup déçu parce que je l’avais vu et cru, revenu de blessure, un homme transformé, transfiguré qui m’était apparu sous un jour nouveau et je suis très surpris d’apprendre ce qu’il a fait. Je ne l’ai pas rencontré, donc je ne peux pas juger de manière encore plus précise, mais je trouve que cet acte-là ne cadre pas avec la personnalité que j’avais cru déceler chez lui quand il est revenu de blessure. Maintenant quant à juger le joueur, ça reste un très grand joueur.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne et Arnaud Ntchapda