« Il faut mettre un terme à toutes les mauvaises pratiques. Si on fait confiance à un coach étranger ou national, la première des choses c’est de faire disparaître toutes ces pressions afin que l’entraîneur fasse le résultat pour lequel il est payé et pour lequel il a été recruté. »
En tant qu’ancien entraîneur des Lions, quelles actions devraient à votre avis être entreprises pour ramener la sérénité au sein de cette équipe ?
Je pense que ces actions sont en train d’être entreprises par le nouveau ministre des Sports et de l’Education physique. Il a commencé par écouter beaucoup de gens qui sont allés à sa rencontre. Il est ensuite passé à la seconde phase, c’est-à-dire, doter l’équipe nationale d’un encadrement technique à la hauteur de ses ambitions. Vous avez comme moi appris la nomination d’Arthur Jorge qui n’est plus à présenter ainsi que tous ceux qui le secondent. Je crois que ce sont les premières mesures qui sont prises afin que la sérénité puisse revenir au sein de cette équipe. Je pense également que cet entraîneur, tel qu’on le connaît, se chargera de réinstaurer la discipline et la rigueur au sein de l’équipe nationale. Je crois que c’est par là que beaucoup de problèmes sont arrivés dans cette équipe à partir du moment où il y avait un groupe des joueurs qui avait carrément emprisonné l’entraîneur, qui n’était écouté que par ce groupe de joueurs. Il ne pouvait y avoir autre chose que l’éclatement et l’indiscipline ; ce qui nous a amené aux mauvaises prestations que nous connaissons aujourd’hui et qui ont sérieusement hypothéqué nos chances de qualification à la Coupe du monde.
L’un des problèmes majeurs auxquels l’encadrement technique fait souvent face, c’est la pression extérieure. D’où provient-elle généralement ?
Elle provient aussi bien de l’intérieur du Cameroun que de l’extérieur. Le drame c’est que ces gens n’évoluent pas à visage découvert. Mais ils font des pressions qui parfois viennent perturber la sérénité et l’esprit d’équipe. Ce sont des gens qui ont soit un groupe de joueurs qu’ils aimeraient imposer à l’entraîneur soit voudraient emprisonner l’entraîneur et lui font du chantage en prétendant par exemple que c’est grâce à eux qu’il a été nommé et qu’ils sont en contact avec le président de la République. Résultat, l’entraîneur se met à douter. Et s’il n’a pas une forte personnalité comme ceux que nous avons souvent eus, il entre dans cet embrigadement et les choses commencent à se faire non plus selon les normes de l’art. Parfois également, les pressions viennent des joueurs eux-mêmes comme ce que nous avons connu avec Schäfer où il y avait un lobby de joueurs qui non seulement lui imposait des joueurs, mais amenait l’entraîneur à aligner une équipe qui ne représentait pas la valeur de ceux qui avaient la forme du moment. Il faut mettre un terme à toutes ces pratiques. Si on fait confiance à un coach étranger ou national, la première des choses c’est de faire disparaître toutes ces pressions afin que l’entraîneur fasse le résultat pour lequel il est payé et pour lequel il a été recruté.
Qu’est-ce qui peut être fait pour que les Lions redeviennent conquérants ?
Le problème concerne d’abord les joueurs eux-mêmes. Chaque joueur devrait faire ce qu’on lui demande de faire. S’il est appelé en sélection il faut qu’il sache qu’il est appelé parce qu’il est un joueur autant qu’un autre, et non parce qu’il se prévaut de ceci ou de cela. Je pense que ça peut contribuer à ramener la sérénité. Et cet esprit reste, car moi je ne suis pas de ceux qui pensent que cet esprit a foutu le camp. C’est l’autorité de l’entraîneur ainsi que la discipline des joueurs qui peuvent ramener dans l’équipe l’émulation nécessaire. C’est à l’entraîneur d’impulser une nouvelle dynamique à son groupe et surtout que les plus méritants puissent jouer et vous verrez que chaque joueur qui vient et qui ne sait pas s’il est titulaire ou non s’adonnera à fond pour être retenu par l’entraîneur.
Un savant dosage entre joueurs amateurs et professionnels ne serait-il pas salutaire ?
C’est un faux débat. Pour moi, je sais qu’il y a des footballeurs camerounais, un point c’est tout. Il existe des Camerounais qui évoluent dans notre championnat d’élite et il existe des Camerounais qui jouent à l’étranger. Je pense que pour un entraîneur sélectionneur c’est de voir des deux côtés. S’il trouve un excellent joueur sur place, pourquoi ne le sélectionnerait-il pas ? Le vrai problème c’est que les talents ont foutu le camp du championnat camerounais et qu’on les retrouve à l’extérieur. Un entraîneur digne de ce nom ne peut que chercher les meilleurs. Si les bons joueurs sont au Cameroun, il les sélectionnera. Rappellez-vous, il y a quinze ans, la tendance était inverse, l’ossature de l’équipe du Cameroun était amatrice. Et si aujourd’hui tous les talents sont à l’extérieur, on les prend à l’extérieur. Je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de talents sur place au pays. L’équipe nationale, pour y accéder selon moi, il faut avoir de l’expérience. Aujourd’hui, en regardant le championnat camerounais est-ce qu’on trouve des joueurs qui explosent ? J’en doute. Mais on en trouve à l’extérieur.
La mission assignée à Arthur Jorge, à savoir faire qualifier le Cameroun pour la prochaine Coupe du monde est-elle possible ?
Je dirais que la mission d’Arthur Jorge est de rattraper cette sélection qui nous a déjà échappé. A l’heure où nous sommes, ne pensez pas que Dieu n’est que pour nous. Dieu est également en Côte d’Ivoire, Libye et Egypte. Dieu est partout. Je pense que ces pays contribueront à ce que cette qualification continue à nous échapper à défaut de nous échapper définitivement. Le Minsep, encore moins Arthur Jorge, ne pourront être responsables ni de près ni de loin d’une éventuelle disqualification des Lions Indomptables en Coupe du monde, car ils ont trouvé une situation sérieusement hypothéquée. L’impulsion que le ministre donne aujourd’hui pour essayer de colmater les brèches, c’est davantage pour que le football camerounais, à travers les Lions toutes catégories confondues, puisse redecoller. Maintenant si nous pouvons avoir la qualification, c’est tant mieux. Ça voudra dire que la nouvelle dynamique mise en place par le ministre et le boulot de l’entraîneur nous auront aidé à rattraper la qualification.
Louis D. EDZIMBI