Le responsable technique de la Fifa vient de séjourner au Cameroun pour le Forum sur la relance du football Camerounais lancé par la Fecafoot. Nous l’avons rencontré, et entre autres sujets, la professionnalisation du football Camerounais, des rapports entre le ministère et la Fecafoot, des reformes engagées depuis quelques mois par la Fecafoot. Il en a profité pour parler de l’actualité de l’heure à savoir la prochaine coupe d’Afrique des nations qui démarre dans une semaine au Ghana.
Camfoot.com: Quel intérêt donnez-vous a un forum comme celui que la Fédération Camerounaise de football a organisé?
Jean Michel Benezet : Je crois que son importance n’est plus à démontrer et rentre en droite ligne avec les reformes que la Fifa a engagé dans les pays membres. Il y a une grande différence entre la valeur des équipes nationales et le niveau du championnat. Quand on connaît par exemple la valeur des lions indomptables depuis les années et quand on connaît le résultat de vos clubs en coupe d’Afrique des clubs, nous sommes en pleine contradiction. Il y a donc problème et il y a moyen de trouver les solutions et nous sommes là pour ça.
Camfoot.com: Quand vous parlez de professionnalisation de football, cela renvoie à quoi concrètement ?
Jean Michel Benezet : Vous savez, quand on dit professionnalisation on voit tout de suite Manchester United, Chelsea, Milan et tous ces grands clubs. Non ! Professionnaliser c’est aussi s’organiser, ça veut dire peut-être que pour les clubs doivent avoir une structure administrative propre, avoir un terrain d’entraînement propre, un coach d’un certain niveau, un certain nombre de joueurs sous contrat, donc voilà la professionnalisation, mais il faut bien commencer et je crois que c’est le moment au Cameroun pour commencer.
Camfoot.com: Professionnaliser c’est bien mais il y a le tendon d’achille, le financement qui pose problème ?
Jean Michel Benezet : Bien sûr, je crois que si vous réduisez le nombre de clubs et le nombre de joueurs en première division, vous allez avoir les meilleurs clubs avec les meilleurs joueurs. Si vous avez les meilleurs joueurs obligatoirement le spectacle sur le terrain est meilleure, si le spectacle sur le terrain est meilleur, les spectateurs viendront. Quand vous allez voir un film vous regardez quoi ; le metteur en scène et l’acteur de cinéma. Si le metteur en scène n’est pas connu et que l’acteur n’est pas bon vous n’allez pas au cinéma. En football c’est pareil ; j’ai appris qu’en ce moment il y a un engouement nouveau, grâce à cette reforme qui s’est crée, qu’on commence à revoir du monde dans les stades, et je dirai que vous allez avoir de plus en plus parce que plus l’élite sera réduite, plus les meilleurs joueurs joueront entre eux, plus le spectacle sera meilleur. Cela va amener non seulement des recettes sur le plan des billets d’entrée dans les stades, mais aussi du sponsor, parce que le sponsor ne vient que si le spectacle est intéressant. Il faut également dire que la Fifa sera là pour accompagner cet effort.
Camfoot.com: Il y a quelques semaines la Fifa a interpellé la Fecafoot sur ce qu’elle a appelé les intrusions de l’état dans les affaires du football. C’est dire qu’à la Fifa les agissements du gouvernement sont suivis avec autant d’attention ?
Jean Michel Benezet : Je ne suis pas au courant parce que ce n’est pas mon département qui intervient à ce niveau là. Je pense que la Fifa regarde de façon à ce que dans chacun des pays, qu’il y ait un équilibre ; des bonnes relations qui doivent exister entre la fédération qui doit avoir son autonomie de fonctionnement mais aussi un certain nombre de respect vis-à-vis du ministère du tutelle qui est le ministère des sports. Je ne sais pas où on en est ici puisque ce n’est pas mon département qui s’en occupe, mais à première vue quand j’ai vu les gens autour de la table ce matin, il ne parait pas qu’il y ait faux lac comme on dit en Suisse (rire).
Camfoot.com: Vous étiez au Cameroun en février dernier pour initier ces reformes. Près de onze mois après, quel est le bilan que vous pouvez faire en fonction des rapports que vous recevez ?
Jean Michel Benezet : Le bilan c’est que moi j’avais préconisé de passer sur quatre ans de 18 clubs à 14 clubs, j’avais dit qu’il fallait passer dans un premier temps à 16 mais dans un an, mais j’apprends qu’aujourd’hui ils sont 16 clubs. J’avais dit qu’il fallait limiter le nombre de joueurs à 25, mais qu’il fallait passer de 35 à 30 puis à 25, aujourd’hui nous sommes à 25 et je m’aperçois que dans la salle on parle du championnat national… on m’a dit qu’il y a des recettes en championnat qui se rapprochent des 3 millions ; ça veut dire qu’on a eu raison de proposer ça. La fédération est allée dans le bon sens et les clubs vont aussi dans le bon sens. Je pense que d’ici deux ans, trois ans maximum, vous allez avoir des bons résultats à travers une ambiance autour des matches et surtout vous allez avoir de bons résultats de vos équipes en coupes africaines de clubs.
Camfoot.com: Peut-on dire que la Fifa se soucie beaucoup du Cameroun ?
Jean Michel Benezet : Vous êtes une association membre, comme j’ai dit en introduction, les associations membres sont les enfants de la Fifa et la Fifa n’existe qu’à travers vous. Si le plan de professionnalisation démarre au Cameroun, vous comprenez bien que ça va être une sorte de tâche d’huile au niveau de la sous région. Qu’on le veuille ou non, le Cameroun reste l’exemple en matière de moteur footballistique. On ne va pas reprendre les résultats de vos lions à travers toutes les compétitions, donc nous on sait que si ça marche au Cameroun les autres vont suivre.
Camfoot.com: Vous avez dit tout à l’heure lors de votre propos que la coupe d’Afrique des nations était une petite compétition, c’était un lapsus ou alors vous le pensez vraiment ?
Jean Michel Benezet : Ce n’était pas un lapsus, vous avez vu que j’ai rigolé et j’ai fait rigoler la salle. C’était un jeu de mot, je vis en Afrique depuis 15 ans et depuis 1992 je participe à toutes les coupes d’Afrique des nations, donc je connais la valeur de cette compétition, elle est énorme, les meilleurs joueurs y participent, votre pays a Samuel Eto’o c’est quand même l’une des grandes stars du football mondial, la Côte d’Ivoire a Didier Drogba, donc ce n’est pas une petite compétition. La preuve la semaine prochaine, le président Joseph Sepp Blater sera du côté du Ghana avec son secrétaire général. Pour répondre à votre question c’était simplement pour détendre l’atmosphère parce que le football est aussi relationnel; ce n’est pas à moi qu’on dira que la Can est importante la preuve les prochaines éliminatoires de la Can 2010 va servir d’éliminatoire à la coupe du monde de football.
Camfoot.com: Peut-être vous avez voulu dire que le Cameroun depuis un certain temps ne prépare pas bien cette compétition ?
Jean Michel Benezet : Non absolument pas, c’était simplement que entre footballeur il faut parfois faire preuve d’humour.
Camfoot.com: Vous qui connaissez bien cette compétition, quel est votre pronostique ?
Jean Michel Benezet : Je n’ai pas de pronostique à faire parce que quand vous regardez le tableau dans les poules il n’y a plus de pays vraiment au dessus. La Côte d’Ivoire semble être au dessus mais lorsqu’on regarde le palmarès et les résultats, ils n’ont pas un gros palmarès, par contre on s’aperçoit que le plus petit pays a progressé, regardez dans votre groupe, vous avez le Soudan, croyez moi le Soudan ne sera pas facile à jouer, se sera un match difficile contre le Cameroun. Pour la prière fois dans cette coupe d’Afrique des nations, on ne sait pas qui va gagner, on dit qu’il y a le pays organisateur, mais c’est une poule très difficile. Dans tous les groupes il va falloir batailler ferme tous les jours à tous les matches pour se qualifier et on ne pourra pas dire comme il y a quelques années que tel match est gagné d’avance.
Camfoot.com: Pourquoi les clubs européens sont réticents à libérer les joueurs africains pour la Can ?
Jean Michel Benezet : Ils ne sont pas que réticents pour libérer à la Can, ils sont réticents pour libérer pour l’ensemble des compétitions, c’est toujours la bataille entre le football des clubs et les équipes nationales. Le principe est simple, je suis employé dans un club, je suis payé pendant deux mois et je vais jouer pour le voisin, voilà résumé la situation. La coupe d’Afrique se joue tous les deux ans, je crois qu’il faut toujours s’asseoir autour d’une table et trouver les meilleures des solutions.
Propos recueillis par Guy Nsigué à Yaoundé