Joseph Antoine Bell analyse de manière succincte la décision de la FIFA de suspendre provisoirement la fédération camerounaise de football. Ce qu’il veut retenir est la décision de revoir les textes de l’instance, position qu’il revendique depuis belle lurette. Que la FIFA reconnaisse aujourd’hui cette revendication et cherche des moyens de sortir du piège dans lequel elle s’était engouffrée, n’est certainement pas une mauvaise chose. Interview.
Quelle est votre réaction à la suite de la suspension du Cameroun par la Fifa ?
Nous devrions tous apprendre à mieux analyser et à mieux conforter nos idées à celles de ceux qui nous sortent d’en face. J’ai lu cette décision et la première chose, est qu’elle est prise par un Comité d’urgence, alors que le Comité d’urgence de la Fécafoot avait été rabroué et que la même Fifa semblait ne pas reconnaître l’existence du Comité d’urgence, de l’un de ses membres. Aujourd’hui, c’est un Comité d’urgence qui prend une décision.
La deuxième chose est que la décision indique : suspension provisoire. Il me semble qu’en bon français, on ne peut suspendre que ce qui va reprendre. Donc, la suspension en elle-même contient déjà le mot provisoire. Quand on dit suspension provisoire, j’aimerais savoir si ce n’est pas une suspension éphémère.
La troisième chose est qu’une suspension a un début et une fin. Là, on dit précisément qu’elle est immédiate mais prend fin dès que le Comité de normalisation serait mis en place. Vous comprenez donc pourquoi je parlais de suspension provisoire, qui est donc un provisoire au carré. Le Comité de normalisation est mieux que ce que les opposants au sein de la Fécafoot revendiquent depuis le départ. Les opposants au sein de la Fécafoot demandaient une révision des textes avant les élections. Si cette revendication avait été prise en compte, la révision aurait donc eu lieu avec les dirigeants de la Fécafoot en place, c’est-à-dire M. Iya et ses copains. La Fifa aujourd’hui, nous offre aujourd’hui une révision avec des dirigeants non éligibles, mieux que les gens revendiquaient avant. En cela la Fifa se comporte comme toute bonne dictature qui se réveille beaucoup trop tard et qui accorde finalement à ceux qui revendiquaient plus que ce qu’ils demandaient. Suivez mon regard (la situation de Mohamed Moksi en Egypte, ndlr)
Qui est donc finalement le gagnant dans cette décision de la Fifa ?
On connait surtout le perdant. Et le perdant, c’est la Fifa qui a perdu en crédibilité, ce sont les dirigeants de la Fécafoot qui ont perdu en crédibilité, en liberté et en tout. Le ministre des Sports en personne leur avait écrit pour demander une concertation aux fins de voir ce qui n’allait pas dans ces textes. Aujourd’hui, ils ne sont plus aux affaires et il y aura la révision des textes. La Fifa les a soutenus par son attitude et aujourd’hui on abouti à une révision des textes, alors que eux ne seront plus en place. Eux-mêmes, comme la Fifa nous ont perdus des mois. La Fifa est donc revenue sur ce qu’elle refusait avant les élections. Elle n’a pas voulu arrêter les élections et aujourd’hui, il faut recommencer. Il faut réviser les textes pour aller à de nouvelles élections. La Fifa se rend compte aujourd’hui de sa forfaiture, puisqu’elle a félicité un élu, qui, au moment de son élection, était déjà en prison. Elle reconnaît qu’il n’y a pas eu élection et qu’il faut tout reprendre. La seule chose qui, à mon sens, gêne un peu, c’est qu’en voulant cacher quelque chose, on se trahit un peu. Le comité d’urgence a tenu à préciser que M. Hayatou n’a pas pris part à cette décision. Mais, on le sait très bien, le Comité d’urgence n’est pas une salle de 200 personnes. Je voudrais d’ailleurs vous signaler que le Comité d’urgence n’est pas un comité dans le sens où on croirait que la dizaine de personnes est dans une salle. Chacun est dans son pays en réalité, le secrétaire général est au téléphone et il y en a qu’on n’a pas eu. Quand on nous dit hier (jeudi, ndlr) que M. Hayatou n’a pas voté, c’est bien gentil, que M. Hayatou est présent sans voter lui-même. Surtout, lorsqu’on nous annonce pour la suite que le Comité de normalisation, c’est l’administration de la Fifa et la Caf, qui vont se charger de mettre en place. Comment peut-on nous dire que l’administration de la Fifa, dont M. Hayatou est le vice-président et que la Caf dont M. Hayatou est le président, comment ces deux associations internationales peuvent prétendre connaître des Camerounais et de savoir que celui-là est d’accord de faire partie du Comité de normalisation sans être candidat lui-même ? On vient de nous vendre M. Hayatou moins cher. On nous dit, en nous assurant qu’il n’en fait pas partie, alors que M. Hayatou, c’est le grand manitou en arrière plan. Je ne trouve pas cela soit correct vis-à-vis du Cameroun.
Ceux qui estiment que cette décision du Comité d’urgence leur fait grief entendent l’attaquer au niveau du Tribunal arbitral du sport (Tas). Ont-ils des chances que leur recours prospère ?
Si quelqu’un attaque la décision, c’est de son droit. Les paroles de la Fifa ne sont pas des paroles d’évangile. Nous sommes, et je l’ai déjà dit, dans un monde de justice. Donc, un individu ou un groupe est tout à fait fondé à attaquer une décision, avec les mécanismes qu’on connaît. S’il y en a qui veulent attaquer cette décision, ils sont libres de le faire.
Et quelles sont leurs chances de succès ?
Ce sera plus pour l’image que dans le fond. Le fond, c’est ce que nous demandions tous depuis, de réviser les textes. Que la Fifa nous dise on va réviser les textes, on va reprendre les élections ; ce qu’elle ne disait pas auparavant, vous comprenez que c’est eux qui rejoigne le camp de ceux qui voulaient la révision des textes. Nous pensions tous qu’il fallait un Comité provisoire pour faire cela. J’avais dit au Premier ministère que c’est une révision qui pouvait avoir lieu très rapidement. Le Premier ministère avait voulu donner au bureau issu du consensus deux années pour le faire. Mais, là on a donné quelques mois pour faire et on est plus proche de ce que je proposais. La suspension n’existe pas. Elle est éphémère.
Entretien mené au téléphone par Antoine Tella à Yaoundé