Camfoot a rencontré Francois Ngoumou, ancien international junior Camerounais, ex coach du Tonnerre et Asmy 1er de Yaoundé, aujourd’hui président fondateur de Pyramide de Mfou, de passage en Europe. Sans détour, il passe à travers les réalités du terrain au Cameroun, après un retour au pays natal plein de rêves et d’espoir.
Camfoot.com: Qu’est-ce qui vaut votre présence en Europe.
François Ngoumou : Merci de me donner cette opportunité de m’exprimer. Je saluerai pour commencer tous les internautes qui consultent Camfoot.com. Je suis en Belgique pour suivre un dossier d’un de mes joueurs du Pyramide de Mfou, mais mon séjour de manière globale tient du fait que j’ai été choisi par la fecafoot en compagnie de 2 autres collègues entraîneurs pour suivre un stage international d’entraîneur de haut niveau que la fédération allemande a l’habitude d’organiser.
Camfoot.com: Avant de venir à ce point, nous aimerons avoir une brève présentation. Qui est François Ngoumou..
FN : Communément appelé « Bako Touré », le surnom que j’avais quand j’allais au stade. Mes parents étant étudiants à Bordeaux dans les années 70, de 7 a 12 ans, j’ai fait le centre de formation de Bordeaux et suis rentré au Cameroun à la fin des études de mes parents. J’ai continué à joueur et à 15 ans, j’ai signé pour le Diamant de Yaoundé et ensuite Colombe de Sangmélima ou j’ai été meilleur buteur pendant plusieurs saisons. J’ai aussi été instrumental dans la montée de cette équipe en 1ere division. J’ai été sélectionné dans le junior en même temps que Omam, Mbouh, Libbih Thomas. Et en même temps je préparais mon probatoire puis mon bac et fallait faire un chois cornélien. Mes parents ont choisi pour moi et c’était les études. C’est ainsi que je me suis envolé en Belgique à l’UCL (Université Catholique de Louvain). J’y ai passé 4 ans. Suite au décès de mon père, il fallait me réorienter et réviser mes ambitions et je me suis retrouvé avec ma première passion qu’est le football. J’ai fait une formation d’entraîneur à l’école d’entraîneur de Belgique, l’Heysel et j’y ai passé 3 années et ai obtenu mes diplômes de 1e, 2e et 3e degré. J’ai commencé à entraîner en même temps qu’en jouant. J’ai ainsi été chargé de scooting dans le club de la Louvière avant de rentrer au Cameroun. Tout de suite, je me suis associé au Tonnerre de Yaoundé comme entraîneur principal. Malheureusement les divergences de vue avec mon président et aîné Essomba Eyenga m’ont emmené à partir du club. On parle de l’année 1999. Je me suis installé donc et ai créer Pyramide de Mfou.
Camfoot.com: Au moment où vous rentriez au Cameroun; quels étaient vos objectifs et quels résultats aviez-vous obtenu?.
FN : Mon ambition réel en 1997 était de pouvoir mettre sur pied un centre de formation qui serait ce que j’ai conçu comme étant l’intermédiaire entre ce qui se passe en Europe et ce qui se passe au Cameroun. Parce qu’en dehors des brasseries à cette époque il n’ y avait pas d’autre école et j’estimais que les Brasseries du Cameroun étaient trop sélectives.
Camfoot.com: En ce qui est de la KSA?.
FN : La KSA était un peu trop élitiste, et réservé à une minorité. Nous avons donc conçu un concept qui était intermédiaire entre un lycée et un centre de formation qui pouvait être ouverte à plusieurs personnes sans avoir de gros frais à payer. C’est donc ce produit intermédiaire que nous voulions mettre sur pied, mon partenaire Freddy Smet et moi. C’est ainsi qu’en 1999 nous avons fait un stage de perfectionnement pour jeunes de 12 à 18 ans au Lycée Leclerc. Le but était de sélectionner les meilleurs footballeurs de 12 à 18 ans et de les intégrer au Lycée Leclerc.
Camfoot.com: Aujourd’hui on parle des joueurs camerounais qui souvent ont des âges pas très justes. Comment faites-vous pour les distinguer?.
FN : C’est très simple. Quand on parle sports études, vous ne pouvez tricher avec votre âge académique et votre âge sportif. Quand on a crée ce projet, c’était d’abord invité les joueurs qui vont à l’école. Eut égard à leur niveau académique et a leur morphologie, c’est très facile de distinguer si l’acte de naissance proposé est exacte ou pas et cela nous permet de leur donner une catégorie au niveau du football.
Camfoot.com: Dans les archives de la fecafoot, Pyramide de Mfou est en 2e division. Quel y a été votre rôle..
FN : Pyramide de Mfou est né au lendemain de ce stage de perfectionnement dont avons parlé plus tôt. Le stage s’est ouvert avec 300 gamins et nous en avons retenu 100 et 60 qui remplissaient les critères académiques et ces 60 ont été inscrit au Lycée Leclerc et au passage je salue le proviseur de l’époque, Mr Ondoa, ex champion national d’athlétisme qui a compris et nous a tendu les bras et accepté le projet. Pendant l’année scolaire, ces jeunes avaient 3 séances d’entraînement par semaine. Suite au stage on se rend compte que l’académie des 16 – 18 ans avaient du talent réel. Au lieu de se limiter à ce volet d’entraînement sans compétition, nous avons décidé d’inscrire ces gamins au championnat de 3e division à Mfou. Et l’appétit venant en mangeant, ils ont gagné le championnat départemental de Mfou et se sont retrouvé à jouer le tournoi interdépartemental qui devait déterminer les 3 équipes devant monter en 2e division. Et voila.
Camfoot.com: Vous vous êtes retrouvé en 2e division au centre. Nous imaginons que cela demande un budget préalable. Comment cela a-t-il été au plan sportif et au plan gestion de l’équipe?.
FN : C’était le problème le plus difficile. Je venais de rentrer au Cameroun et je ne connaissais pas bien les réalités. Rendons à césar ce qui est à césar. J’ai été bien secondé par les jeunes entraîneurs camerounais dont un certain Edmondo Timor qui m’a donné l’idée d’affilier l’équipe au championnat de Mfou sans préparation financière préalable effectivement et on dit l’appétit venant en mangeant, il fallait s’organiser et j’ai été obligé de puiser dans le budget familial. Je ne cesserai jamais de remercier ma mère Mme Mbenti qui a donné son aval, ainsi que mes frères et sœurs qui ont mis la main dans la pâte, qui secrétaire, qui trésorier, qui manager. Tout le monde dans ma famille m’a donné un coup de main.
Sur le plan technique, j’ai été positivement surpris par la qualité de jeu de ces gamins. Quand on est jeune, on a un atout majeur : la vitesse, l’explosion, l »imagination. Ces gamins jouaient spontanément et ils ont causé les pires difficultés aux anciennes équipes aux joueurs plus mûrs. Cela nous a vraiment encouragé. Parmi eux, à peu près 4 s’avèrent comme étant des joueurs d’avenir. C’est sur ces qualités que je suis rentré en Belgique voir certaines de mes connaissances dont Mr Smet qui était parti prenante dès le départ à apporter son concours en don d’équipements.
C’est ainsi que Pyramide a fonctionné avec le soutien familial et l’aide des amis. A la fin de la saison les joueurs comme Eric Matoukou, Luluga Hervé et Hossa Hans se sont avérés comme étant très prometteurs et Mr Smet est venu les superviser au Cameroun.
Camfoot.com: Vous êtes en ce moment en Belgique, jouant le rôle de manager et de gestionnaire d’équipe. Vous avez placé quelques joueurs donc Eric Matoukou qui est sous contrat avec RC Genk. Quel est votre rôle dans son contrat quand on sait que les managers de jeunes joueurs africains sont des vautours sans scrupule?.
FN : À ce niveau, je puis vous rassurer que Pyramide soit un club formateur. Un club belge a été intéressé par un de nos joueurs. Pour la petite histoire, Eric a signé avec Molenbeek (D1 Belge) et le club a fait faillite en Août 2002, libérant ainsi tous les joueurs. Il s’est retrouvé à la rue alors qu’il avait encore 3 ans qui couraient sur son contrat. J’ai une structure organisée ici en Belgique et je travaille aussi avec un avocat qui a pignon sur rue à la place Louise ici à Bruxelles; Maître Evrar Lionel. Cette structure assure le suivi de nos joueurs en cas de difficulté. Un avocat est habilité à suivre un joueur sur le plan légal et administratif. Lorsqu’il y a une opportunité qui se présente, mon représentant ici prend Jean-Paul Mbenti contact avec le club et le contrat est finalisé en bonne et due forme par Maître Evrar.
En tant que président de club, puisque vous posiez la question de mon rôle dans le transfert, la FIFA a réglementé depuis 2001 ce problème de transfert. Un club reçoit une indemnité de formation que le club formateur doit percevoir pour les joueurs de moins de 23 ans. Et en temps que président, j’ai été invité à venir discuter avec le président de Genk du montant de l’indemnité de formation.
Camfoot.com: Quand prendra effet ce contrat et peut-on savoir le montant et détails du contrat?.
FN : Le contrat a pris effet depuis le 3 septembre 2002 pour 4 ans assorti d’une année de probation. Si Eric confirme, on lève l’option et le club camerounais recevra un montant d’argent bien déterminé entre les deux parties, montant qui est insignifiant au vu de la formation dont a bénéficié le jeune.
Camfoot.com: Eric Matoukou évolue t-il à Genk?.
FN : Eric ayant été recruté en Septembre, l’effectif de Genk étant complet et championne de Belgique, engagée dans la Champions League, Eric s’est vu offert la possibilité d’aller faire ses armes en 2e division dans un club satellite de Genk, le Heusden-Zolder pour voir comment Eric se comportera.
Camfoot.com: Et si vous nous faites une brève description de ce jeune joueur?.
FN : Eric Matoukou est un jeune homme de 1m88, très grand de taille, défenseur central. Atout majeure : extraordinaire coup de tête tant en défensive qu’en offensive. Un garçon qui a un grand sang froid, téméraire, très combatif, rapide. Il a un tacle impeccable. Il doit soigner sa relance. Mais au vue de son âge et de sa progression, nous ne sommes pas inquiets. D’ici un an ce sera un joueur sur lequel le Cameroun pourra compter.
Camfoot.com: A-t-il côtoyé les équipes juniors et cadettes du Cameroun?.
FN : Eric est parti assez jeune. A 18 ans. Au moment ou les grands clubs commençaient à frapper à notre porte. Nous avons pensé le former pour l’Europe parce que c’est en Europe qu’il pourrait mieux s’épanouir. Plus il s’imposera ici, ce sera plus facile pour lui de rejoindre n’importe quelle sélection. Il y a 2 sélections qui lui sont ouvertes directement en ce moment: les juniors et les espoirs et si la garde défensive des Lions a besoin de secours, les jeunes comme Eric seront là pour prendre la relève et c’est une bonne chose pour le Cameroun.
Camfoot.com: En dehors d’Eric Matoukou, les clubs européens ont-ils les yeux pour certains de vos talents?.
FN : Dans le principe de nos structures, les recruteurs s’organisent pour venir 2 fois par an au Cameroun observer les joueurs sur place. Eric a été le 1er. Mais il y a d’autres aussi. Un garçon comme Hervé Luluga, milieu de terrain polyvalent, qui a une frappe phénoménal et qui ressemble à Emmanuel Kundé, toute proportion gardée. C’est un garçon qui est sous tous les collimateurs. Tankeu Guy Noel, surnommé Tapoko est un ratisseur à la Deschamps, milieu défensif qui est aussi épié par les recruteurs. Un autre jeune, Akono, qui a été recruté à Douala, doté d’une technique et une explosivité incroyable. Je vous parle de ceux dont nous avons parlé ici. Les autres sont tout aussi talentueux. Mais tout le monde ne peut partir en même temps. Chaque chose en son temps n’est-ce pas?
Camfoot.com: Quelle est la structure administrative de Pyramide?.
FN : Pyramide fonctionne comme une ASBL (Association sans but Lucratif) avec 5 membres fondateurs et c’est une ONG au Cameroun, loi de 1997. Dans la structure ONG Pyramides, le football est un volet. Il y a aussi un côté éducatif et santé. Le sport études que nous comptons ouvrir à moyen terme fait parti de l’ONG parce qu’à moyen terme, l’objectif est d’ouvrir un collège au sein duquel seront intégrer les jeunes qui font parti de nos structures. Et donc il y a aussi un volet social.
Nous sommes en train de négocier avec la municipalité pour avoir le terrain nécessaire et après nous penserons au chantier. Tout cela passe par le placement des autres joueurs, il ne faut pas se le cacher. Avec l’argent de placements de 4 années, nous pensons mener à bien le projet.
Camfoot.com: Vous êtes président fondateur manager de Pyramides. Ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de délester certaines de ces rôles pour vous alléger?.
FN : Demander donc au président Essomba Eyenga du Tonnerre ce que ça lui coûterait le fonctionnement de cette structure au pluriel, lui un des présidents les plus connus du Cameroun avec le Tonnerre qui est arrivé en finale de Coupe d’Afrique. Tous ces postes coûtent cher en salaire. Tonnerre ne se permet pas ce luxe, et encore moins Pyramide. Nous sommes dans une situation de cumul par obligation; mais nous espérons que les placements que nous avons faits soient positifs pour que nous soyons allégés au niveau des responsabilités. Voila donc le problème. Certaines équipes comme CotonSports qui se basent sur une structure étatique peuvent se permettre d’avoir 150 personnels. Nous n’avons pas le monopole de cette situation au Cameroun et beaucoup de clubs fonctionnent de cette façon parce que n’ayant pas de choix.
Camfoot.com: Vous avez entraîné le TKC et ASMY 1er pendant une courte période en 2002. Ayant côtoyé les entraîneurs locaux par rapport aux entraîneurs européens, comment les comparez-vous?.
FN : Le niveau des entraîneurs nationaux est bon. Surtout en 1ere division. Le seul point d’ombre est sur le point tactique parce que beaucoup n’ont pas suivi des entraînements de haut niveau. Au niveau de la préparation physique, ils excellent. Mais au niveau du fond de jeu, les équipes n’en montrent pas beaucoup. Est-ce la faute des entraîneurs ou des joueurs qui quittent très tôt? On ne saurait le dire. Les entraîneurs de 1ere division camerounais souffrent de l’exode massif des joueurs. Et j’en ai été victime plusieurs fois. À ASMY 1er nous avons commencé cette saison à 100 à l’heure. Nous étions parmi les 5 premiers. Mais parce que les présidents de club n’ont aucun moyen et le mécénat ayant disparu, les jeunes joueurs étant repérés par les clubs européens, cinq joueurs sont partis avant la fin de la phase aller. Et vous savez que c’est difficile de trouver des joueurs équivalents pour les remplacer. Je suis parti d’ASMY à la trêve parce que cette situation me préoccupait. Aujourd’hui ASMY est descendu en 2e division parce qu’il n’y avait pas de miracle possible.
Camfoot.com: Que peuvent faire les autorités footballistiques pour remédier à cette situation. La reforme du championnat est-elle une solution viable?.
FN : Elle est viable dans le cas des divisions inférieures. En faisant un championnat national ou régional tel qu’expliqué, il y a une division nationale qui va se créer. Ceci veut dire qu’avant de monter en 1ere division, il y aura une sorte d’antichambre, peut-être élitiste. Mais sans moyen on ne peut jouer au football. Cette antichambre éliminera les clubs fantoches, qui n’ont pas de moyens grâce au cahier de charges imposé et ne pourront monter en 1ere division que les clubs méritants. Cela ne sert à rien de faire le yoyo entre la 1ere et la 2e division. Les équipes qui n’ont pas de moyen ne seront pas promues en 1ere division, mais se consoleront avec un autre championnat national.
Ceci dit, le véritable problème est au niveau des transferts de joueurs. Il faudrait que la fédération trouve un mécanisme pour pouvoir bloquer les joueurs pendant la saison sportive même si cela veut dire arrimer le championnat aux calendriers occidentaux. Tant que nous n’arriverons pas à le faire, le football camerounais battra de l’aile. Figurez-vous que depuis plus de 20 ans, le Cameroun n’a plus eu un seul club qui a gagné un trophée au niveau continental.
Camfoot.com: Nous vous remercions de nous avoir accordé votre temps et bon succès à votre projet..
FN : C’est moi qui vous remercie du fond du cœur, et je salue cordialement vos lecteurs et fans des lions indomptables. Vous faites un bon travail pour le football camerounais.
ER. LOWE