Le consultant en football fait une analyse de la liste des joueurs convoqués par Volker Finke, l’entraîneur des Lions Indomptables, pour le match du 17 novembre prochain contre la Tunisie. En même temps qu’il donne les clés pour remporter ce match qualificatif pour la Coupe du Monde, Brésil 2014. Interview…
Comment avez-vous réagi après avoir regardé la liste des 25 joueurs convoqués par Volker Finke en vue du match contre la Tunisie du 17 novembre prochain à Yaoundé ?
Il n’y a pas eu une très grande révolution sur cette liste. L’entraîneur Volker Finke est resté dans l’esprit de garder l’ossature de son équipe, parce que l’heure n’est pas au chamboulement de l’équipe. Mais, on peut regretter quelques absences, notamment Yannick Ndjeng de l’Espérance de Tunis. C’est un fixateur et un des buteurs maison de son club alors qu’on a peu d’attaquant de cette nature, en dehors d’Achille Webo. Samuel Eto’o, tout comme Choupo Moting, sont des attaquants qui tournent autour de l’attaquant fixateur, tout comme Aboubakar Vincent. Edgar Salli dont le nom figure plutôt sur la liste d’attente est en réalité un milieu de couloir naturel. En gros, c’est une liste satisfaisante, en dehors de ces deux absences.
Pensez-vous qu’avec une équipe comme celle-là on peut battre une équipe comme la Tunisie à Yaoundé ? Quelles sont les clés de ce match ?
On peut bien battre la Tunisie, à une condition. L’entraîneur ne doit plus tâtonner dans ses choix tactiques, parce qu’on a remarqué au match aller qu’il a mis plus de milieux de terrain défensifs. Il n’a pas choisi de jouer avec des milieux de couloir. Ce qui, ma foi, est une grossière erreur tactique. On a donc vu que les Tunisiens s’engouffraient très facilement dans nos couloirs pour mettre à rude épreuve notre défense. N’eût été la grande classe de notre gardien de buts, on serait rentré de Tunisie avec deux ou trois buts d’encaissés et cela n’aurait étonné personne. Donc, l’entraîneur doit éviter de mettre un trop plein de milieux défensifs, parce qu’on a remarqué que lorsqu’il les a tous mis sur le terrain, il y a eu un chevauchement au niveau de leur rôle, parce que tous ces milieux de terrain jouent dans le même registre (Enoh Eyong, Makou, Alexandre Song et Matip). Il va falloir que l’entraîneur choisisse deux milieux récupérateurs, qui sont là pour faire le travail de récupération. Mettre ensuite devant ces deux milieux récupérateur un joueur qui est capable de faire la dernière passe, qui peut porter le ballon.
C’est justement ce genre de joueur qui fait défaut en ce moment dans l’équipe du Cameroun. Avez-vous des solutions à ce niveau ?
Un garçon comme Choupo-Moting, qui joue dans le même registre que Samuel Eto’o, est une solution. C’est un attaquant intelligent, qui sait utiliser le ballon, qui peut accélérer, dribbler, éliminer un, deux, voire trois joueurs. On peut donc choisir entre Samuel Eto’o et lui, celui qui va jouer devant les milieux récupérateurs. Son rôle sera de donner de bons ballons dans les couloirs pour préparer des attaques placées, soit percuter en profondeur vers les buts adverses, soit déclencher des attaques en dribble pour éliminer des adversaires et servir des attaquants en mouvement.
On parle aussi de cette manière des Lions Indomptables de développer le jeu latéralement dans notre camp …
C’est pour ça que je dis que nous avons des milieux de terrain qui manquent d’explosivité. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas la capacité de se projeter vers l’avant balle au pied ou en une ou deux touches de balles. Les gars jouent toujours vers l’arrière. Il va falloir corriger cette façon d’animer le jeu, parce qu’une équipe peut jouer en s’organisant à partir de sa base arrière vers l’attaque. Une autre peut jouer en contre-attaque, c’est-à-dire que, lorsque l’adversaire arrive dans notre moitié de terrain, dès qu’il perd le ballon, on le ressort en une ou deux touches pour se retrouver devant les buts adverses. Pour cela, il faut avoir des milieux de terrain capables de faire ce boulot-là. Prendre un ballon, accélérer le jeu balle au pied, le donner sur les côtés et faire des appels de balles en profondeur.
A-t-on vraiment des hommes pour cela ?
Il y a des joueurs capables de la faire. Il suffit de leur dire que la façon de jouer latéralement ou en arrière n’est pas bonne pour l’équipe. Il faut essayer de mettre de la vitesse dans le jeu en se projetant vers l’avant. C’est une question de discours. On l’a vu contre la Rdc à Kinshasa où l’équipe du Cameroun a eu une très bonne organisation tant au milieu de terrain, sur les côtés qu’en défense. On a vu Alexandre Song se projeter au Congo vers l’avant balle au pied, en éliminant des adversaires. C’est une question de discours. Il faut leur dire ce jour-là qu’il faut que le ballon aille plus vers l’avant que latéralement.
Sur quel plan faut-il se méfier de l’équipe tunisienne ?
C’est une équipe qui a pris confiance. Elle a été repêchée et aujourd’hui elle est à 90 minutes de la qualification pour la Coupe du Monde. Elle a des individualités qu’il ne faut pas négliger. La majorité des ses joueurs évoluent au championnat local. Il y a aussi des joueurs professionnels. C’est une équipe qui peut faire mal et il appartient au Cameroun de lui priver de ballon, parce que ce sont de bons techniciens. Quand ils ont le ballon, ils savent l’utiliser. Quand on a la maîtrise du jeu, on prend facilement l’adversaire à contre-pied. Je me résume, priver les Tunisiens de ballon, avoir la maîtrise de ce ballon et les prendre à contre-pied.
Comment expliquer qu’Achille Webo, très critiqué par le public, est toujours aligné ?
L’entraîneur, je crois, s’est basé sur la logique qui veut qu’un joueur qui marque des buts dans son club professionnel soit appelé en équipe nationale. Mais, j’ai lu une interview du capitaine des Lions Indomptables où il indiquait qu’Achille Webo est celui qui a marqué le plus de buts ces derniers temps en club. Mais, ce que le capitaine a oublié, c’est que la même exigence qu’ils ont dans leurs clubs, à savoir répéter les performances, est la même exigence chez les Lions Indomptables. Vous ne pouvez pas être buteur à Fenerbaçe et chez les Lions vous ne marquez pas et on vous fait des fleurs. On va vous critiquer, parce que les Lions Indomptables doivent faire rêver leurs supporters. On ne vient pas dormir à l’équipe nationale pour dire qu’on marque des buts en club chaque semaine. Si vous ne faites pas la même chose chez les Lions, le public ne va pas l’accepter. En club, si vous avez marqué des buts hier, le lendemain on va vous demander d’en remarquer. Il faut répéter les performances de club à l’équipe nationale.
Y a-t-il lieu d’espérer en une qualification des Lions pour la Coupe du Monde Brésil 2014 le 17 novembre prochain ?
Nous devons l’espérer, parce que nous avons la chance de jouer le match retour à domicile. Nous avons le public, qui est le douzième homme. Et je lance un appel à tout le public camerounais et à toutes les camerounaises du pays et ceux de la diaspora, d’être à l’unisson, à beaucoup prier pour que cette équipe puisse remporter ce match important pour l’image de notre pays. Il faut que le douzième joueur soit présent ce jour-là, pour pousser son équipe. Lorsqu’elle passe des moments difficiles sur le terrain, c’est le douzième homme qui doit galvaniser les joueurs sur le terrain. Nous avons nous-mêmes nos propres cartes entre les mains. Ce ne sont pas les Tunisiens qui viendront nous donner la victoire mais c’est à nous d’aller la chercher avec nos qualités, nos moyens et tout ce qu’on a comme valeur intrinsèque.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé