Jean-Bruno Tagne. L’auteur du livre « Programmés pour échouer » évoque le rôle du capitaine des Lions dans la débâcle au Mondial 2010.
Vous venez de commettre un livre intitulé « Programmés pour échouer. Enquête sur la débâcle des Lions Indomptables en Afrique du Sud. » Pourquoi un tel titre ?
Parce que dans l’enchaînement des événements qui ont précédé la Coupe du Monde, il y a eu des faits et gestes qui ne pouvaient qu’entraîner la bérézina que nous avons connue en Afrique du Sud. Souvenez-vous que trois jours avant la compétition, nos joueurs étaient en vadrouille ici à Yaoundé, alors que tous les autres pays se concentraient en Afrique du Sud.
Autre chose, et comme le souligne aussi mon préfacier, Gérard Dreyfus, nous avons eu un entraîneur incompétent qui n’a pas gagné le moindre de ses matchs de préparation et qui n’aura jamais aligné la même équipe deux fois. Ajouté à tout cela, il y a eu l’incapacité consommée de la Fécafoot et du ministère des Sports à régler les querelles byzantines entre les joueurs avant le début de la compétition. On s’est donc retrouvé en Afrique du Sud à multiplier des réunions de crise, au lieu de laisser les joueurs se concentrer et jouer pour gagner des matchs.
La couverture de votre livre est illustrée par Samuel Eto’o et, dans le livre, vous parlez abondamment de lui. N’est-ce pas un acharnement ?
Que non ! Je pense simplement qu’il est impossible de parler du désastre des Lions en Afrique du Sud sans évoquer Eto’o, qui en est quand même le leader et un joueur emblématique. On ne peut pas oublier que son capitanat a cristallisé la fronde d’un certain nombre de joueurs qui ne l’ont jamais accepté. Mon enquête démontre donc que, peut-être malgré lui, Samuel Eto’o est
un acteur de l’échec des Lions en Afrique du Sud. Lui-même le reconnaît. Mais il n’est pas le seul. Il y a les Song, Kameni, Emana, etc.
Votre livre sort au moment où on tente de recoller les morceaux des Lions Indomptables. Ne venez-vous pas remuer le couteau dans la plaie ?
C’est pure utopie que de penser qu’on peut régler les problèmes de l’équipe nationale en ce moment d’un coup de baguette magique. La Fécafoot et le ministère des Sports s’y prennent tellement mal que je ne vois pas comment ils vont ramener la paix et les résultats dans cette équipe. Après la Coupe du Monde, on a tout fait (forum sur le football, états généraux du sport, etc. ), sauf ce qu’il fallait faire. Le lourd passif que nous avons ramené d’Afrique du Sud est comme un caillou dans la chaussure des Lions, et tant qu’on ne l’a pas extirpé, nous resterons, et pour longtemps encore, programmés pour échouer.
Que voulez-vous concrètement démontrer ?
Je veux démontrer qu’il y a une opacité managériale sur fond d’amateurisme et d’incompétence dans la gestion de l’équipe nationale. Le football professionnel, au-delà du talent des joueurs, est devenu une question d’organisation et de vision. En clair, il faut revenir à l’orthodoxie dans le fonctionnement de l’équipe nationale. Pour illustrer tout ça, je vais reprendre des propos de Samuel Eto’o dans le dernier numéro du magazine Am : « J’aimerais que l’on ait une sélection qui travaille selon une stratégie établie sur plusieurs années, comme en club. La stratégie du Cameroun ne peut pas se résumer à dire : «Nous avons Eto’o, il va marquer des buts, nous allons gagner » ! »
Propos recueillis par Ateba Biwolé