Après avoir marqué deux buts de plus contre Cadix ce samedi et augmenté son avance dans la lutte pour le pichichi de la Liga, Samuel Etoo se rend ce lundi à Zúrich, en compagnie de Ronaldinho, pour recevoir les trophées des meilleurs joueurs du monde octroyés par la FIFA.
–Vous êtes sur le point de terminer une année presque parfaite.
— C’est vrai, je crois que nous avons assez bien travaillé. C’est la raison pour laquelle nous recevons autant de prix, car nous avons fait un grand travail. Mais c’est déjà fait, ça fait déjà partie du passé et il faut toujours regarder vers l’avant.
–Et que ressentez-vous avant de recevoir votre prix accordé par la FIFA?
— Quoiqu’il arrive, j’ai déjà gagné. Même si je suis deuxième ou troisième, je me sentirai vainqueur. Si je ne l’obtiens pas, j’espère que ce sera mon coéquipier, Ronaldinho qui l’aura. Cela me rendra aussi heureux que si c’était moi qui l’avait gagné.
–Vous pouvez également obtenir le Ballon d’Or africain pour la troisième fois consécutive.
— Je serai peut-être le deuxième à en obtenir trois consécutivement. Le premier fut Abedi Pelé. Je suis jeune et je pourrai en gagner un quatrième aussi… Mais bon, je n’ai pas encore gagné le troisième.
–Votre référence a toujours été Roger Milla. Vous vouliez rentrer dans l’histoire et vous êtes déjà en train de le faire.
— Je suis déjà rentré dans l’histoire. Je serai le deuxième africain classé parmi les trois meilleurs joueurs au monde après Weah. Je ne me rappelle pas qu ‘il y en ait eu un autre. Mais je ne pourrai jamais dépasser Milla. Savez-vous pourquoi?
–Parce qu’il était le premier ?
— Non seulement il a été le premier, mais c’est lui qui a fait rêver tous les jeunes africains aimant le football. Weah a été un grand, mais Milla fut un Dieu. Il nous a donné la possibilité de jouer et de rêver d’être footballeur. Weah lui-même est parmi ceux là qu’il a fait rêver. L’un de mes rêves est toujours de ressembler à Roger Milla.
— Mais pour les futures générations, la référence ce sera Eto’o.
— C’est une joie énorme de savoir qu’un jeune dise qu’il veut me ressembler. Mais je dois encore m’améliorer.
–Et quel conseil donnerais-tu à ce jeune ?
— Que même s’il veut ressembler à Etoo, ce sera à lui-même de faire sa route. Il peut vouloir avoir la vitesse de mon jeu, mais je ne serai pas à ses côtés pour prendre les décisions pour sa vie. Pour autant qu’une personne souhaite ressembler à Ronaldinho, à Etoo, ou à Deco, le plus important c’est la personne même. Ce gamin devra se regarder un jour dans un miroir et voir s’il a des limites ou non, et s’il peut y arriver. Il faut avoir l’envie d’arriver au plus haut niveau sans vouloir écraser ceux qui sont autour de toi.
–Penses-tu que l’Afrique aura bientôt un Champion du Monde?
— Oui, je le crois. Pourquoi pas cette année? La Côte d’Ivoire a une grande équipe. Écoutez, j’ai pensé que le Cameroun remporterait le Mondial qui s’est tenu au Japon et Corée, mais il y a toujours quelque chose qui se passe en Afrique, au niveau de l’organisation, qui ne fonctionne pas. Est-ce qu’on avait besoin de 72 heures de vol pour arriver à destination ? Nous sommes partis de la France, puis nous y sommes retournés, on ne pouvait pas traverser la Russie… Paris, Addis-Abeba, Bombay, Hong Kong, Tokyo… Nous avons tout de même été sur le point d’éliminer l’Allemagne. Mais nous n’y sommes pas arrivés !
–Malheureusement, vous ne serez pas au Mondial. L’élimination du Cameroun est la seule chose qui vous a manqué en cette grande année !
— Rien n’est jamais parfait. Le football n’est pas une science exacte. C’est très dur, mais il faut l’accepter et apprendre de ses erreurs. Je crois que si j’avais été qualifié pour le Mondial, je n’aurais peut-être jamais connu cette douleur que l’on peut vivre dans le football. Personne ne peut s’attendre à quelque chose d’aussi incroyable, de si horrible. C’est comme si tu avais perdu toute ta famille. J’avais toujours pleuré de joie et aussi pour un ami (Marc Vivien Foe), mais cette fois j’ai pleuré, pas pour moi, mais pour toute une Nation. Du plus petit gamin au grand père, l’espoir des camerounais était de voir leur pays au Mondial. Après avoir surmonté de nombreux obstacles, d’avoir remporté les deux matches contre la Côte d’Ivoire et leur avoir repris six points. Alors que nous étions arrivés au dernier match dépendant de nous-mêmes, c’est vraiment incroyable ce que nous avons fait. La douleur fut immense.
–Les camerounais ont perdu un grand espoir. Vous en revanche, vous avez pu vous consoler grâce au Barça. Vous aviez un autre objectif immédiatement après.
— Je ne pouvais pas rester là à pleurer parce que deux jours plus tard j’avais un autre match. Cela m’a aidé. En arrivant ici, j’ai pu faire le vide, même si certains ont voulu continuer à jouer avec la douleur de toute une Nation. Ce dimanche là, j’ai marqué et j’ai pu relever la tête. Je crois que depuis lors, je n’ai plus perdu aucun match.
–Se relever après un coup dur, c’est aussi ça l’histoire de votre vie.
— Tout le temps, C’est ainsi. Je dois toujours me relever après les coups que je reçois. Tant mieux, car cela me rend plus dur et je perçois la vie autrement.
–L’une des vertus que l’on entrevoit dans cette équipe c’est l’humilité. Êtes-vous d’accord ?
— Oui. L’autre jour, j’étais un peu consterné, car à un moment du match, on commençait à faire des talonnades et on manquait un peu de respect à l’adversaire. Ce n’est pas notre façon de jouer. Heureusement, nous nous en sommes rendus compte et nous avons continué à jouer comme on sait le faire. Je pense que les gens nous apprécient parce que nous jouons bien, mais sans humilier l’adversaire, avec tout le respect du monde. Et je pense que les adversaires parleront toujours en bien de nous parce que nous les respectons.
–L’équipe est sur la même lancée que l’an dernier. Vous avez levé les doutes du début.
— Vous voyez, sur le terrain d’Alavés, je voyais Bonano et je me disais: Mon Dieu, ce gars arrête tout ! Les tirs étaient cadrés, et lui il arrêtait tout. Nous avons joué un match qu’on aurait pu gagner 0-5, mais le football est ainsi fait. Puis nous avons joué sur le terrain de l’Atlético, et contre Valence, deux adversaires difficiles, et nous n’avons pas gagné. Ce sont des choses qui peuvent arriver.
–Mais à présent, vous descendez sur le terrain avec une confiance énorme…
— J’ai toujours confiance, même si c’est sans excès, sinon tu en prends 5. Je me prépare mentalement pour travailler de la meilleure façon possible, pour que les choses se passent bien pour moi et après ce qui arrive. Je ne dis jamais que je vais marquer ou que l’on va gagner par 0-5.
–En janvier se jouera la Coupe d’Afrique. Où en êtes-vous dans votre réflexion à savoir si vous partez ou si vous restez avec le Barça ?
— J’ai le temps d’y penser, et ma décision sera la bonne pour tous. Ce n’est pas la peine que je la dise maintenant.
Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga – Camfoot.com
Suite interview
Eto’o « Nous ne serons jamais la ‘dream team' »
— À 24 ans, vous semblez avoir vécu beaucoup plus de choses qu’on a l’habitude d’avoir vécu à pareil âge…
— Nous tous les footballeurs, nous avons vécu plus que nous aurions dû vivre. Quand je regarde derrière moi, je suis très fier de tout ce que je peux faire aujourd’hui et des décisions que j’ai prises, même si elles n’ont pas toujours été les meilleures.
— Venir au Barça fut l’une de vos très bonnes décisions.
— Impressionnant. C’est la meilleure décision que je n’ai jamais prise.
— Y avez-vous pensé avant ?
— Oui, dès la première fois que j’ai parlé avec le président. J’ai vu que c’était différent, que je venais dans un très grand club avec un président très modeste, alors que je pensais qu’en football la modestie n’existait pas, avec toutes ces lumières, ces caméras et aussi peu de naturel. Je dis souvent que je fais partie du peuple. J’aime me sentir comme j’étais il y a neuf ou dix ans dans mon pays, entouré de gens qui t’aiment, même si on sait que dans le football, on t’aime aujourd’hui et le lendemain c’est tout le contraire. Après avoir parlé avec le président, tout était clair pour moi. Soit je jouais au Barça, soit je restais une année de plus à Majorque pour venir à Barcelone l’année suivante.
–Jusqu’où peut aller cette équipe? On la compare à la Dream team.
— On ne peut pas nous comparer à la Dream team. Ils ont fait ce que nous voulons faire. Mais, qu’on les égale ou qu’on les dépasse, nous ne serons jamais comme eux. Ils ont mis la barre à une hauteur. Nous nous n’aurons pas le plaisir de dire que nous étions les premiers de quoi que ce soit.
— Vous pouvez les dépasser.
— C’est vrai. Nous avons l’âge et l’équipe qu’il faut pour le faire, mais avant, nous devons les égaler. J’insiste, nous ne serons jamais la Dream team parce qu’ils ont été les premiers. Même si nous engrangeons plus de trophées.
— Vous recevrez un surnom.
— Même comme ça…
— Vous n’aimez pas les comparaisons, mais tout ce qui se passe à Madrid…
— Madrid c’est Madrid. Ils solutionnent leurs problèmes et nous les nôtres.
— Les deux clubs fonctionnent souvent en fonction de ce que fait le voisin. Et ce que fait le Barça affecte Madrid, parce qu’ils sont 8 points derrière.
— Six points, c’est seulement deux matches…
–Quand vous voyez et vous entendez que l’on reproche à Florentino Pérez de vous avoir laissé partir, qu’en pensez-vous?
— Dans la vie, il faut prendre des décisions. Il a pris celle là, qui pour lui était la meilleure et ce fut fantastique pour moi. Je lui en suis reconnaissant.
–La reconnaissance des gens de Madrid doit vous rendre fier.
— Bien sûr. Et je vais vous dire une chose. Il y avait beaucoup de personnes qui voulaient qu’on me siffle au Bernabéu, et qui l’ont même provoqué, mais pendant l’échauffement, certains supporters me disaient : ‘Samuel, tu es fort’.
— Avez-vous pensé qu’on s’était trompé de terrain?
— Non. Ils me faisaient comprendre qu’ils reconnaissaient que j’avais eu du courage de dire ce que beaucoup pensaient, mais n’osaient pas dire. Je parle du fait qu’il y a de nombreux Eto’o, Ronaldinho, Raul dans le centre de formation du Réal. Mais si on ne leur donne pas la chance, ils ne joueront jamais. Le Messi d’aujourd’hui est-il le même qui vient de la filiale du Barça ? Oui, et si Rijkaard n’avait pas osé le mettre dans l’équipe première, on n’aurait pas su qu’on aurait un Maradona demain. C’est comme ça. Il y a des jeunes dans les centres de formation, mais il faut leur donner des chances. Ce ne sont pas toujours ceux qui viennent de l’extérieur qui sont les meilleurs.
— Pensez-vous qu’ils ont compris qu’ils se sont trompés dans votre cas ?
— Peut-être. En y pensant là, je crois qu’ils savent que j’ai toujours dit la vérité. J’ai eu la chance d’avoir le caractère que j’ai. Cela m’a-t-il causé des problèmes? Oui, avec beaucoup de gens, et ils m’ont collé l’étiquette d’être ceci ou cela, même si je me suis contenté de défendre ce qui m’appartient. Et je le répète, je suis assez fier des décisions que j’ai prises, parce qu’aujourd’hui, je suis en train de me battre pour être le meilleur joueur au monde. Tu vois les Ronadinho, Zidane, tel autre encore, et toi tu es parmi les trois meilleurs joueurs au monde, je me dis que j’ai quand même dû faire quelque chose de bien pour le mériter. On m’a sifflé sur une phase de jeu, puis après plus rien. Peu importe que ces personnes m’aiment ou pas. Peut-être avaient-ils peur que cela leur cale au cou, car je marque presque toujours au Bernabéu.
Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga – Camfoot.com