S’il y a un homme capable de répéter le geste de Koeman (buteur décisif lors de la finale de Coupe d’Europe remportée par le Barça ) il y a quatorze ans, ce ne peut être personne d’autre que le meilleur attaquant au monde: Samuel Eto’o.
Il en a déjà une, mais ne l’a jamais considéré comme la sienne, car il l’a remporté avec le Réal Madrid, alors qu’on comptait à peine sur lui dans le club.
Cependant, il ne serait pas le premier camerounais à l’obtenir, car son compatriote Geremi en a remporté deux en un temps record.
Et au mieux, il ne s’agira pas de sa finale la plus importante, car glaner la médaille d’or des Jeux Olympiques de Sydney suscita la plus importante explosion d’euphorie vécue dans son pays depuis des décennies.
Mais Samuel Eto’o pense fort à cette Coupe d’Europe depuis quelques jours. Il n’est pas préoccupé par l’envie de marquer lors de la finale, sa seule obsession est de ramener la Coupe d’Europe à Barcelone. L’attaquant est conscient que l’équipe est sur le point d’entrer dans l’histoire du club par la grande porte.Le 17 mai prochain à Paris, il veut être l’homme le plus heureux.
Que penses-tu du trophée?(Samuel Eto’o est assis au Nou Camp avec la réplique de la Coupe remportée à Wembley par le Barça)
C’est la même qu’on nous donnera si on gagne?
C’est une réplique de celle remportée à Wembley, mais ce sera plus ou moins la même chose.
Je ne la touche pas, parce que certains dans le vestiaire disent que ça porte malchance et même si je ne suis pas superstitieux, je ne veux pas prendre de risques.
Dans tous les cas, ce ne sera pas la première Coupe d’Europe que tu gagnes…
Pour moi, ce sera la première, car je ne considère pas celle que Madrid a remporté en 98 comme la mienne. J’étais sur la photo officielle et c’est presque tout.
Tu sais déjà que tu ne seras pas le premier camerounais à la remporter?
C’est vrai, Geremi me rappelle toujours qu’il a remporté deux Coupes d’Europe. Il me titille avec des trucs comme ça, mais je lui dis que s’il veut parier quelque chose, on verra bien qui finira par remporter le plus de Coupes d’Europe. Après ça, il ne dit plus rien.
Pour un attaquant, marquer le but qui offre la Coupe d’Europe doit être le summum…
Je serais un menteur si je ne disais pas que marquer un but pareil est une chose qui nous fait tous rêver, pour l’importance que cela revêt et pour la joie que cela représente pour beaucoup de monde d’obtenir ce trophée. Mais, moi je signerais si on me disait de remporter la Coupe d’Europe et de rater six buts tout faits. Ma seule obsession est de gagner, marquer ne me préoccupe pas. Si Dieu le veut, les buts viendront.
Pour quelle raison à ton avis les gens s’obstinent à dire que tu es très obsédé par le but?
Je ne le comprends pas. Ceux qui se risquent à donner leur opinion à ce sujet ne me connaissent pas. Ils ne me le demandent pas en face. Ils le disent et en sont fiers. Ce qui importe, c’est que Rijkaard et mes coéquipiers me soutiennent. C’est ce qui compte finalement.
Que dirais-tu à ceux qui vous considèrent comme les favoris?
Que ce n’est pas la vérité. Une finale se joue toujours à 50/50. La pire des choses à faire serait de nous relâcher en pensant que nous sommes les meilleurs. On serait morts avant même de commencer.
Qu’est-ce qui vous préoccupe chez Arsenal?
C’est une grande équipe qui aime jouer à la balle. Ils sont tous bons, de la personne en charge du matériel à Henry.
Va t’on assister à un duel Eto’o-Henry?
Je n’aime pas ce genre de confrontations, car les équipes jouent à onze contre onze. Ce serait prétentieux de croire que l’un des deux va décider de l’issue du match.Henry est un bon joueur, mais Reyes ou Cesc également.
Pour quelle raison, à votre avis, les gens s’échinent à vous opposer tous les deux?
Je n’en sais rien. Cela fait toute une saison que je dois supporter les questions sur ce que je vais faire si Henry vient, et ça commence à me fatiguer. Certains préfèrent nous opposer, mais, ils vont se contenter de leur envie, car qu’ils le veuillent ou non, Henry est mon ami.
Ressens-tu la pression alors que la grande finale approche?
Pas encore. J’imagine que quand il restera deux ou trois jours, les choses vont commencer à changer. Mais le plus important c’est de préparer la rencontre avec un plus, en s’assurant d’être en train de bien faire les choses et sans se mettre plus de pression qu’il n’en faut.
Es-tu conscient d’être sur le point de rentrer dans l’histoire du Barça?
Je suis venu ici pour réaliser des choses importantes. J’ai remporté deux championnats en deux ans. Pour moi, c’est déjà incroyable. Mais, nous ne pouvons pas nous contenter de cela. La Coupe d’Europe nous permettrait d’entrer dans l’histoire du club par la grande porte.
C’est vrai, car personne ne se souvient des perdants…
Ainsi va la vie. Ce sont les champions qui écrivent l’histoire. Malheureusement, cela ne servirait à rien d’arriver en finale et de la perdre.
C’est ce qu’on dit aux joueurs qui ont perdu la finale d’Athènes…
Les défaites font toujours très mal. Il y a peu de temps, j’ai vécu la non-qualification pour un Mondial avec un penalty raté à la dernière seconde, et je ne veux pas revivre pareille expérience. Mais c’est Dieu qui trace la route.
Depuis combien de temps espères-tu arriver à une finale comme celle-là ?
Pour un petit africain comme moi qui a joué sur un terrain en terre et s’est décarcassé pour pouvoir aller s’entraîner, c’est quelque chose d’inimaginable. J’ai attendu de vivre un moment pareil toute ma vie et la seule chose que je peux faire, c’est de remercier Dieu d’être aussi généreux avec moi.
Es-tu préoccupé par le trop plein d’euphorie qu’il pourrait y avoir dans l’équipe après la victoire en championnat ?
Non. Tout le monde dans le vestiaire sait qu’il faut être humble. Cela fait trop longtemps qu’on travaille fort pour venir foutre tout en l’air maintenant. Il faut aller chercher la Coupe d’Europe.
Quelle sera la clé de la finale?
Il faudra jouer comme si c’était le dernier match de notre vie. Lutter jusqu’à ce les forces te sortent de l’âme. Ne pas laisser de répit à l’adversaire, l’étouffer avec la pression.
Imagines-tu ce qui se passerait si tu inscrivais le but décisif?
Je préfère m’imaginer ce qui se passerait si on gagne le titre.
Et que vois-tu?
Les rues débordées, la ville en folie, les supporters en extase… Une folie collective.
Comme celle que vous vécu en championnat?
Je pense que ça, ce n’est encore rien. Connaissant l’espoir qui anime le supporter du Barça en ce qui concerne la Ligue des Champions, ce qu’on a vu dans les rues après la victoire en championnat peut-être un jeu d’enfant comparé à ce qui va se passer si on remporte la Ligue des Champions. Je ne pense même pas qu’on pourra sortir de l’aéroport d’El Prat.
Pourquoi les célébrations de cette année au Nou Camp ont été plus contenues que lors de la saison passée?
Nous n’avons pas encore terminé la saison. En plus, j’étais celui qui devait faire le plus attention pour éviter de trop m’enflammer et faire les erreurs du passé.
Es-tu préoccupé par Villa qui te colle au train dans la course pour le Pichichi?
Je ne regarde jamais derrière. Ce qui me préoccupe, c’est la grande avance qu’a l’attaquant de la Fiorentina, Luca Toni, pour remporter le Soulier d’Or. Il est à cinq buts, et ça ne va pas être facile de le rattraper en deux matches.
Penses-tu te réserver lors du match de samedi contre Séville pour être à 100% lors de la finale de Paris?
Non. Je ne pense jamais à me reposer. La pire des choses à faire serait de ne pas jouer. Je me divertis en jouant. J’ai besoin de prendre du plaisir sur un terrain de jeu et non chez moi en le vivant à la télévision.
Qu’est-ce qui vient après la Coupe d’Europe?
Continuer à gagner d’autres championnats et d’autres Coupes d’Europe. L’ambition ne s’arrête jamais, elle te dévore de l’intérieur. C’est impossible de tout gagner, mais le challenge, c’est de s’approcher le plus possible de la réalisation de ce défi.
Et au niveau personnel, y a t’il des choses à améliorer?
Beaucoup. Dans ma vie, j’ai toujours l’objectif de me dépasser année après année. La saison passée, j’ai marqué 28 buts et j’en compte 32 cette saison. J’ai encore trois matches pour augmenter ce nombre et battre mes propres records. Mon ambition est de continuer à dépasser mes propres limites.
Est-ce qu’on te verra l’année prochaine à Barcelone?
Bien sûr. Où vais-je être mieux qu’ici?
Je pose cette question, car certains veulent à tout prix te mettre sur la liste des partants…
Le président Laporta, qui ne m’a jamais déçu, sait que je suis entre ses mains et que je ferai ce que le club considère le plus adéquat, car je lui suis très reconnaissant. Mais Laporta m’a toujours dit qu’il veut que je reste de nombreuses années ici, et je lui dis que je ne serais à aucun endroit mieux qu’ici.
Sais-tu qu’il y a beaucoup de gens qui ne pourront pas se rendre à Paris et qui devront voir la rencontre de chez eux?
Oui. Tous le mériteraient. J’aimerais dédier la victoire à ces gens qui ne pourront pas venir à Paris, malgré tout ce qu’ils ont fait pour y être. Mais, il faut d’abord gagner et ce ne sera pas facile.
Traduit de l’Esapgnol par Guy Everard Mbarga – Camfoot.com