S’il y a un joueur avec les idées bien claires, c’est bien Samuel Eto’o. Au point de se montrer plus prudent que jamais alors que le FC Barcelone traverse un moment de grande euphorie. Le camerounais ne souhaite pas retourner le couteau dans la plaie du Réal Madrid, ni se vanter de l’excellent jeu produit par son équipe. Il se jette encore moins des fleurs pour sa situation actuelle de Pichichi de la Liga.
Mais ses yeux s’illuminent lorsqu’il évoque les objectifs qu’il se fixe pour cette saison. Le camerounais a en effet une soif de titres contagieuse. Il affirme ainsi : “Je veux tout gagner”. Ni plus, ni moins! C’est bien là le Samuel Eto’o qui triomphe à Barcelone pour le désespoir de Florentino Pérez.
Commençons par l’actualité récente, comment avez-vous pris votre repos contre le Werder de Brême ?
Sans problème. Je l’ai pris tranquillement. Le football est ainsi fait.
Rijkaard vous a-t-il donné une explication ?
Oui, il m’a dit qu’il souhaitait me donner du repos et qu’il voulait faire jouer un autre.
Et avez-vous compris cette décision ?
Bien sûr ! Nous avons une grande équipe, et tout le monde doit jouer.
Dans tous les cas, c’était la première fois pour vous, et cela faisait longtemps qu’on ne vous avait pas vu sur le banc…
Effectivement. Mais ce n’est pas grave. Le groupe est toujours le plus important.
Après avoir réalisé le‘hat trick’ contre Panathinaikos, vous avez affirmé que le Barça pouvait encore s’améliorer. Le pensez-vous toujours après la démonstration au Bernabéu?
Je pense que beaucoup de choses peuvent encore être améliorées. Si nous croyons que tout est déjà fait, nous sommes morts. Il faut maintenir ce niveau toute la saison et nous savons que ce ne sera pas du tout facile.
Dans quel domaine pensez-vous que l’équipe peut s’améliorer ?
En gardant le rythme et la vitesse pendant les 90 minutes. En continuant à mettre la pression quand on perd le ballon. Tout le monde doit mettre la pression.
Est-ce en ce moment que vous vous amusez le plus en jouant au football ?
C’est un des meilleurs moments que je passe, mais la vérité est que le meilleur moment c’était la saison où nous avons été troisièmes avec Majorque.
En 2000-01 ?
Oui. C’était quelque chose d’incroyable. On jouait comme une belle mécanique. On ressemblait au Barça et nous n’étions que Majorque.
Mais, on peut dire que vous vous êtes bien amusés contre le Réal Madrid…
Bien sûr ! C’est toujours bein de battre le Réal au Bernabéu.
Était-ce contre le Réal Madrid la première fois que vous vous sentiez vraiment supérieurs à l’adversaire?
Les joueurs ne se sentent pas supérieurs sur le terrain à l’adversaire, car il faut toujours les respecter. On laisse cela aux journalistes et à l’entourage.
Mais avec un score de 0-3 c’est incontestable…
J’ai gagné 1-5 au Bernabéu avec Majorque, et c’était plus incontestable que cela…
L’euphorie actuelle parmi les supporters du Barça vous préoccupe-t-elle ?
Les supporters doivent faire ce qu’ils pensent devoir faire. Nous les joueurs nous devons freiner l’euphorie. Et puis, dans le vestiaire, nous avons les pieds sur terre.
Roberto Carlos a déclaré que le Réal sera leader dans trois semaines…
Il peut dire ce qu’il veut. Nous, nous devons continuer sur notre lancée. Nous sommes les leaders et nous souhaitons le rester jusqu’au bout.
Avant le match contre le Réal, on vous a vu parler à Ronaldo. Peut-on savoir ce que vous lui avez dit ?
Cela reste entre nous.
Vous êtes l’un de ceux qui se fixent toujours des objectifs; quels sont-ils pour cette saison ?
Je veux tout gagner.
Vous ne laisserez rien aux autres?
Je respecte tout le monde, mais nous sommes le FC Barcelone et nous devons tout gagner. De toute façon, je suis de ceux qui préfèrent prendre les matches un à un et ne pas parler du futur, parce que les devins sont là pour cela.
Si l’on prend match après match, vous jouez demain contre le Racing Santander…
Le plus difficile commencera Dimanche, c’est-à-dire de gagner dans l’euphorie ambiante. Nous ne pouvons pas nous relâcher. Il faut maintenir le niveau, pousser jusqu’au bout.
Étant l’un des leaders du groupe, trouvez-vous que vous avez plus de responsabilités ?
Nous sommes tous des leaders dans ce groupe. Ici, tout le monde a le droit de donner son avis.
Mais lorsque vous vous regroupez avant les matches, vous êtes souvent l’un des plus actifs…
C’est parce que j’aime beaucoup parler, et mes amis disent d’ailleurs que je parle trop. Mais cela ne me donne pas plus d’autorité dans le groupe.
Comment est venue l’idée de ces regroupements sur le terrain juste avant les matches ?
En fait, c’est arrivé de manière presque spontanée. Nous avons commencé à le faire l’an dernier et comme ça avait bien marché, on a continué. C’est plus une façon de nous motiver qu’autre chose.
Que pensez-vous de Ronaldinho en ce moment?
Il fait des choses incroyables. C’est un délice de le voir sur le terrain. Nous lui sommes reconnaissants, car en plus d’être un crack, il est une bonne personne.
Il est le futur Ballon d’Or…
C’est officiel ? Eh bien, quand il le recevra, je serai le premier à l’applaudir, car il le mérite.
Luis Aragonés vous a attribué trois points pour le prix du Meilleur Joueur de la FIFA…
Le ‘grand père’ connaît bien le football. Si lui ne m’accorde pas les trois points, qui va le faire ? Je l’en remercie.
La complicité entre vous est très grande. Irez-vous encourager l’Espagne durant le Mondial ?
Oui, je serai avec eux. Je suivrai l’Espagne avec un regard particulier. J’ai de nombreux amis au sein de l’équipe, et j’espère qu’ils feront un bon Mondial.
L’élimination du Cameroun vous fait-elle encore mal ?
Ce qui est fait est fait. On aura beau essayer, on ne peut plus rien y changer.
À ce sujet, qu’y a-t-il de vrai dans l’éventualité que vous ne participiez pas à la Coupe d’Afrique ?
J’ai lu que cette information est sortie dans un journal, et je me demande où ils sont allés la pêcher. J’aimerai bien le savoir.
Que diriez-vous à ceux qui disent que vous êtes égoïste, obsédé par l’envie de marquer?
Eh bien, je leur dirai qu’avant de parler, ils devraient savoir de quoi ils parlent. Je suis l’un des joueurs ayant fait le plus de passes décisives cette saison. Si c’est cela être égoïste, que Dieu descende du ciel et en juge.
Mais on a toujours dit que les attaquants doivent être égoïstes par nature…
Je cherche toujours le but, mais cela ne m’obsède pas. Je l’ai déjà été une fois, et les conséquences furent néfastes.
C’est vrai, vous avez manqué le ‘Pichichi’…
On me l’a enlevé. Mais c’est déjà passé et je préfère parler du futur.
Parlant du futur, allez-vous continuer à dédier vos buts au président Laporta?
Oui, tant que je pourrais. Je dois le remercier pour de nombreuses raisons.
Avez-vous en tête une dédicace spéciale?
Oui, J’espère pouvoir lui dédier le but qui nous donnera la victoire en finale de la Coupe d’Europe.
Ce sera effectivement la meilleure façon de rentrer dans l’histoire du FC Barcelone…
Mais, avant il faut y arriver. Il faut garder les pieds sur terre. On ne doit pas essayer de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il faut continuer à travailler avec humilité, et à la fin, ce sera Dieu qui nous récompensera ou pas.
La clef du succès est-elle de travailler avec humilité ?
C’est en fait l’une des clefs. Si l’on respecte tout le monde et qu’on ne se croit pas arrivé, c’est déjà un pas très important de fait pour gagner des titres.
Vous dites toujours que le plus difficile est à venir. Pourquoi êtes-vous aussi pessimiste ?
Mon expérience dans le monde du football me fait penser qu’il y a toujours des hauts et des bas. La difficulté va être de maintenir le niveau de jeu. Il est clair que si nous réussissons cela, nous serons une équipe très difficile à battre.
Quelle est la part de mérite de Frank Rijkaard dans le grand moment que le Barça traverse ?
Sa part de mérite est grande. C’est lui le chef, et on sait bien que les chefs ont toujours des responsabilités pour le meilleur ou pour le pire.
On peut également saluer le retour du meilleur Deco…
Effectivement. C’est un joueur très important pour nous. Il est revenu avec un niveau de jeu très élevé et l’équipe en a bien profité.
Avez-vous été surpris par Messi?
Non. Mais il faut reconnaître que sa jeunesse et son talent sont impressionnants. Le petit argentin va offrir beaucoup de belles soirées au public.
Avez-vous parlé à votre ami Giuly?
Non, mais j’espère le faire. C’est un très grand professionnel et il sait supporter la pression. Contre le Werder il n’a pas joué son meilleur match, mais il s’est battu et a couru comme d’habitude.
Que pensez-vous de l’accueil de vos supporters à l’aéroport d’El Prat?
C’était incroyable. J’ai regardé Puyol plusieurs fois pour voir s’il tenait la Coupe sous le bras, car c’était comme si on avait déjà remporté le championnat. Il y avait énormément de monde. C’était la folie.
Le problème est que ces mêmes personnes ne comprendraient pas que le championnat vous échappe cette saison…
Personne ne fait de cadeau à personne dans la vie. Si nous voulons remporter des titres, il va falloir nous battre. Nous sommes les premiers à devoir descendre des nuages et savoir que nous n’avons encore rien gagné. Tout ce que nous sommes en train de faire peut être anéanti si nous n’atteignons pas nos objectifs. Mais, il est aussi vrai que très souvent, Dieu est juste et donne à celui qui travaille.
Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga – Camfoot.com