Comme en 1989, lors des barrages du Mondial 1990 le Cameroun affronte la Tunisie en octobre, qualificatif pour le Mondial 2014. Ernest Ebongue, ancien Lion, nous replonge dans cette époque et dresse des parallèles entre les deux contextes. Les joueurs dit-il, doivent s’asseoir, discuter et résoudre leurs problèmes ensemble, s’ils veulent aller au Brésil. Entretien.
Que vous rappelle le match Cameroun – Tunisie, qualificatif pour le Mondial 1990 ?
Rencontre très importante pour le Cameroun à l’époque. Parce qu’il fallait se qualifier pour la Coupe du monde en Italie. J’ai de très bons souvenirs quand je pense à ces deux rencontres. Ici, au Cameroun, on avait remporté le match, 2 buts contre 0. Et à Tunis, on a encore gagné, 1 but contre 0 sur un centre que j’ai effectué en première mi-temps. Ce n’était pas si évident de se qualifier, mais tellement on avait une bonne équipe dans laquelle tout le monde s’entendait bien qu’on a su déjouer les pronostics. Je n’oublierai jamais cette époque.
Quelles étaient les forces en présence et comment décrivez-vous la mentalité des joueurs à cette époque ?
A l’époque, le Cameroun avait des joueurs talentueux. Il y avait aussi très bonne organisation. Le respect de la discipline était strict. Nous les joueurs, on ne se préoccupait que de ce qui concernait le jeu sur le terrain. On était là pour jouer. On était discipliné, ordonné, respectueux, avec le même objectif en tête à savoir : valoriser la force du Cameroun. C’était notre devise. Nous nous connaissions tous. Nous étions tous des amis. Nous avons commencé ensemble chez les juniors avant de devenir séniors. Il y avait de la cohésion. C’était structuré. On pouvait jouer les yeux fermés. Chaque joueur connaissait les qualités des autres.
Des anecdotes par rapport à ces éliminatoires du Mondial 1990 face à la Tunisie ?
J’en ai une. C’était lors du match retour à Tunis. Je revenais du Havre. Manga Onguéné était entraîneur adjoint à l’époque. Et moi je lui avais dit que : je ne comprends pas que je déborde, je centre, et Omam-Biyik marque. On mène (1-0). Il reste dix minutes pour la fin de la première mi-temps. Il veut me remplacer. Je lui ai dit d’attendre la fin de la mi-temps pour le faire. Tellement il était zélé, il ne m’a pas écouté et m’a remplacé par un défenseur. J’avais des boules. Et je le lui ai dit. Finalement on a gagné, 1 but contre 0. A la fin je lui ai demandé : tu me sors pour faire rentrer un défenseur à un match où on est sûr de se qualifier pour quelle raison ? Il n’a pas voulu me donner d’explication et je lui ai un peu en voulu. Plus tard on a discuté, et maintenant nous sommes devenus amis.
Comme en 1989, le Cameroun joue ses chances de qualification pour le Mondial de 2014 contre la Tunisie. Peut-on imaginer un même destin à cette rencontre ?
Comme tout Camerounais, j’aimerai voir mon équipe aller à une autre Coupe du monde. Je souhaite bonne chance à cette équipe. Et surtout, qu’on les laisse travailler en paix. Il ne faut pas toujours les polémiques. Il faut laisser du temps à ces joueurs. La Tunisie, c’est une chance. C’est la seule équipe que nous pouvons battre à ce stade des éliminatoires. Puisque les Tunisiens ne sont pas aussi bien organisés que nous.
Mais dans un climat marqué par des guerres au sein de la tanière, quelles peuvent être les clés de la réussite pour les Lions ?
Ce sont les acteurs qui font leur actualité. Il est préférable que les problèmes qui existent au sein de la sélection restent au sein de la sélection. La vérité, c’est qu’il y a des problèmes. Puisque ni Eto’o, ni l’entraîneur n’a démenti quoique ce soit. Pour gagner un match de football, il faut qu’il y ait la sérénité. Il faut que cette équipe se prépare calmement. Toutes ces guerres doivent être laissées de côté pour une dernière fois. Parce que la génération actuelle tient là, la seule et dernière chance de participer à une Coupe du monde. On ne peut pas punir tous les Camerounais parce qu’il y a le désordre. Si les joueurs peuvent s’asseoir, discuter et résoudre leurs problèmes ensemble, ce sera mieux.
L’époque actuelle ressemble-t-elle à la vôtre ?
Bien sûr que non ! Les choses ont beaucoup évolué. Sauf au niveau de la mentalité. On ne peut pas être professionnel et être encadré par des amateurs. Tout est amateur au Cameroun. Il n’y a pas de discipline dans le groupe. Les Lions d’aujourd’hui sont individualistes. Et c’est l’un des problèmes de cette génération. Il faut qu’ils travaillent ensemble. Les sous problèmes qu’il y a aujourd’hui chez les Lions, chez nous ça n’existait pas. Il n’y avait pas ces problèmes de personnes. Même lorsqu’il y avait un problème, ça ne se montrait pas. On communiquait comme une vraie famille. C’est ça, la clé du succès.
Mené par Arthur Wandji à Yaoundé