Dr William Ngatchou, président de l’Association des professionnels de la médecine du sport du Cameroun (APROMES), Chirurgien cardiaque et médecin du sport.
Quatre jours après le décès de Patrick Ekeng Ekeng, peut-on parler de mort subite dans ce cas? Y’à-t-il eu négligence de son club ?
Il s’agit clairement d’un cas de mort subite du sportif car la mort est naturelle, inattendue, rapide et survient au décour d’une activité physique ou juste après l’arrêt de l’effort. Ce décès m’a profondément attristé pour l’avoir personnellement connu. Mes pensées sont dirigées vers sa famille et ses proches. En même temps, je pense qu’il faut arrêter la polémique, respecter la phase de deuil et accompagner la famille. Certains experts ont relevé l’absence de réanimation précoce mais il appartiendra à la procédure ouverte par le parquet de Bucarest de faire la lumière sur ce cas précis.
Comment comprendre que des joueurs qui subissent en théorie une batterie de contrôles médicaux décèdent souvent d’arrêt cardiaque?
Les examens pratiqués aux sportifs ne sont pas inutiles car des études sérieuses faites en Italie ont montré qu’ils réduisaient de dix fois l’incidence de ces décès dans la population des sportifs amateurs et professionnels. Malheureusement, il y a des anomalies qui ne sont pas détectées lors des bilans classiques recommandées comme, par exemple, certaines anomalies électriques du cœur et certaines malformations vasculaires. Statistiquement, on pourrait s’attendre au minimum à une centaine de décès brutaux de sportifs amateurs ou professionnels par an au Cameroun. Le problème, c’est qu’ils ne se produisent pas en mondovision et donc, peu de responsables s’en émeuvent.
Peut-on prévenir les morts subites chez les sportifs?
Oui et ceci est le leitmotiv de notre association. Il faut faire un bilan régulier chaque année avec au minimum une visite médicale et un électrocardiogramme. Même pour les sportifs de loisir. Il faut aussi avoir une bonne hygiène de vie et ne pas dépasser ses capacités. Notre stratégie avec l’association, qui vient de recevoir l’agrément du ministère en charge du Sport, est de former toutes les personnes qui gravitent autour des sportifs (médecins, kinésithérapeutes, arbitres, staff technique, secouristes….) à reconnaître une mort subite et à faire les gestes qui sauvent. A savoir massage cardiaque et défibrillation (pour délivrer un choc électrique afin que le cœur rebatte normalement) précoces. Ces gestes doivent se faire dans les quatre premières minutes pour espérer sauver le sportif. Nous comptons également lancer, en collaboration avec une université de la place, un diplôme universitaire en médecine sportive pour professionnaliser les staffs médicaux de toutes les fédérations. La réalité actuelle est que la grande majorité des staffs médicaux des équipes (toutes disciplines sportives confondues) est composée de médecins, de kinés, d’infirmiers ou même d’aides-soignants non formés dans la prise en charge des sportifs. Enfin, nous comptons éclairer le grand public pour une pratique sportive en toute sécurité. Pour atteindre ces objectifs, nous comptons sur l’appui du MINSEP, du MINSANTE, du CNSOC et des fédérations.
Propos recueillis par JRM