Ex-entraîneur de A.S Babimbi, Léopard de Douala, Dynamo de Douala et Union de Douala, le président d’honneur de l’Association des entraîneurs de football de la province du Littoral, promotionnaire de Roger Lemerre et Jean-Michel Larqué au moment de l’obtention du diplôme d’entraîneur de football de 2ème degré entre 1973-1975 en France, jette un regard sur la profession au Cameroun.
Un métier qu’il commença à Ville Mombre, club de D3 en 1977-1978 en France, après sa carrière de footballeur qui l’a menée tour à tour à Aigle de Nkongsamba et Diamant de Yaoundé au Cameroun, Africa Sport et Stella d’Abidjan en Côte d’Ivoire, Rennes, Caen et Luce en France.
Quelles peuvent être les difficultés d’un entraîneur de club de D1 au Cameroun ?
Les difficultés sont nombreuses. Elles se situent d’abord au niveau des présidents de clubs qui ne laissent pas aux entraîneurs le soin de faire leur travail. Ensuite, au niveau du choix des joueurs ; la quasi-totalité des entraîneurs de D1 arrivant dans les clubs au moment où les recrutements ont déjà été effectués. Ce sont les dirigeants qui choisissent les joueurs et les mettent à la disposition des entraîneurs qui sont obligés de faire avec eux, même s’ils ne rentrent pas toujours dans leurs choix tactiques. Enfin, il y a l’absence criarde du matériel didactique pour le travail. Aucune équipe de D1 au Cameroun n’offre du matériel didactique nécessaire aux entraîneurs pour une bonne organisation des entraînements.
Les entraîneurs ne devraient-ils pas se réunir dans un syndicat comme c’est le cas ailleurs en Europe pour pouvoir revendiquer de bonnes conditions de travail et leurs droits ?
Au Cameroun, ce n’est pas facile et je ne pense même pas possible pour les entraîneurs de se réunir dans un syndicat. Les entraîneurs sont sous la coupe des présidents de clubs. Ils ont peur des présidents de clubs, de perdre leur boulot. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas de moyens personnels. Les entraîneurs au Cameroun vivent au dépens des présidents de clubs. Il y a des essais de regroupement d’entraîneurs dans les provinces et même au niveau national. Un statut a même été pensé mais, n’est pas en vigueur. Toutefois, je pense qu’il faut féliciter la nouvelle association des entraîneurs de D1 qui s’est constituée en fin février à Yaoundé avec pour président Bonaventure Djonkep.
Les entraîneurs camerounais sont le plus souvent accusés de manquer de personnalité, de traîner avec eux des joueurs partout où ils vont, chose ne garantissant pas l’équité dans les équipes. Qu’en dites-vous ?
C’est autant de choses qui font effectivement qu’on ne respecte pas les entraîneurs au Cameroun. Quand un entraîneur se déplace avec des joueurs, il ne se fait pas respecter, même pas par ces joueurs qui sont censés être les siens. Car, ces joueurs se rendent dans le club où va leur entraîneur avec en idée qu’ils seront incontestablement titulaires. En fait, je pense qu’entraîneur devrait prendre fonction dans un club et procéder aux recrutements sur la base de l’équité et de ses souhaits pour ce qui est de chaque compartiment de l’équipe.
Pensez-vous que tous les entraîneurs de clubs engagés dans le 45ème championnat d’élite de football ont le niveau nécessaire pour exercer ?
Vous savez, il y a plusieurs entraîneurs de clubs de D1 au Cameroun qui n’ont pas le niveau minimum requis. Il ne suffit pas d’être enseignant d’éducation physique et sportive ou ancien footballeur pour croire qu’on peut entraîner une équipe du championnat de football de première division. Pour entraîner une équipe de D1, il faut être un entraîneur de haut niveau. Ce qui veut dire qu’il faut passer par une école d’entraîneur et, au Cameroun, on en trouve malheureusement pas.
Quelle valeur donnez-vous donc aux parchemins que la direction technique nationale (Dtn) de football délivre à certains Camerounais à la fin de divers séminaires ; des diplômes leur permettant d’exercer comme entraîneurs de football au Cameroun ?
Ces parchemins n’ont, selon moi, aucune valeur. La Dtn travaille avec qui pour les délivrer ? Ces séminaires durent combien de temps ? Tout récemment, un jeune garçon est venu me voir avec son dossier, me priant de l’aider à le déposer à la Dtn pour qu’il prenne part au séminaire que le directeur technique national venait organiser à Douala. Ainsi, après ce séminaire de quelques jours, il devait recevoir un parchemin et se prévaloir du titre d’entraîneur de football. Toutefois, je pense que pour les séminaires de recyclage des entraîneurs, la Dtn devrait travailler avec des entraîneurs de haut niveau qui ne sont malheureusement pas nombreux au Cameroun.
Quel devrait alors, selon vous, être le profil d’un entraîneur de club de D1 ?
Je vous l’ai dit, un entraîneur de haut niveau ayant au moins un diplôme 3ème degré délivré en Europe. Et cela ne se pas en 6 mois comme le font croire certains entraîneurs camerounais. Je suis sûr que tous les entraîneurs qui disent avoir obtenu leur 3ème degré en Europe en 6 mois ont des diplômes non authentiques. Pire, même dans certaines de nos équipes nationales, l’on rencontre des entraîneurs qui disent avoir eu le 3ème degré en 6 mois. Ce qui n’est pas juste. Bon maintenant, chez nous au Cameroun, il y a des anciens joueurs qui, par expérience, sont devenus de bons entraîneurs et ont fait leurs preuves en gagnant des titres au pays. A cette dernière catégorie, il faut aussi reconnaître la qualité d’entraîneur de football. Par ailleurs, il y a des entraîneurs qui ont de grands diplômes mais ont les difficultés sur le terrain pour passer le message à leurs poulains. En fait, dans ce pays, nous les entraîneurs, nous nous connaissons. Nous connaissons qui est qui. Ici dans le Littoral, nous avons une association dont le président est Jean Youdom. J’y suis comme président d’honneur.
Quel commentaire pouvez-vous faire sur le coaching des Lions à la Can 2004 ?
C’est le coaching qui nous a fait perdre à la Can 2004. J’étais personnellement en Tunisie et ai vu de près les difficultés de management de l’entraîneur national Winfried Schäfer. Au niveau des remplacements, et de la gestion du “matériel” humain qu’il avait, Schäfer a eu trop de problèmes. Il n’a pas fonctionné comme un entraîneur professionnel. Ces insuffisances de Schäfer me font penser à une situation que je trouve déplorable ; les équipes nationales au Cameroun appartiennent à un cercle d’entraîneurs. Quand ce n’est pas un expatrié qui est nommé, c’est un entraîneur de ce cercle que l’on met au poste. Il faut le dire, depuis bientôt 20 ans, ce sont les mêmes qui tournent dans les différentes équipes nationales de football. Alors qu’ils échouent toujours au niveau des clubs locaux. C’est un grand paradoxe !
Entretien mené par Honoré Foimoukom, Le Messager