Agent Fifa, licencié de la fédération française de football, consultant sur la réglementation Fifa et FFF dans une école de management de sport business, à Paris, l’ancien footballeur jette un regard sur les Lions Indomptables et fait un diagnostic du football et surtout l’encadrement des jeunes au Cameroun. En même temps qu’il fustige la réglementation de la Fifa sur la protection des jeunes qui n’est pas avantageuse pour Le jeune footballeur Africain. Interview…
Qu’est-ce qui justifie votre présence en ce moment au Cameroun ?
Je suis bien Camerounais. Et je suis venu regarder le match Cameroun – Tunisie et encourager les frères.
Qu’avez-vous retenu de ce match ?
Ce qui m’a marqué, au-delà de l’envie, c’était l’état d’esprit. Je pense que ça fait un moment, on n’a pas vu, même ceux qui sont sur le banc de touche, jubiler après un but ou encourager les autres après une action manquée. Je crois que l’état d’esprit était tel que les joueurs de l’équipe nationale avaient vraiment envie de se qualifier pour la Coupe du Monde. Au-delà de la manière, il y a eu cet état d’esprit. Le football est avant tout un sport collectif et quand on n’est pas solidaire en football, on a beau avoir tous les talents, on ne peut pas passer. Je reviens de la coupe du Monde des U-17 aux Emirats Arabes Unis, et quand on voit que le Mexique a éliminé le Brésil qui était attendu en finale, avec son potentiel intrinsèque individuel. Mais, le Mexique a joué solidaire et a éliminé le Brésil.
Dans ce match des Lions Indomptables de dimanche dernier, et au-delà de la solidarité, qu’est-ce qui vous aura marqué sur le plan technique ?
J’ai vu une équipe qui a essayé de jouer au ballon, malgré l’état difficile du terrain, il faut le dire, qui n’était pas bon. Les actions ont été menées à terme et à la fin le score parle pour lui-même.
Qu’y a à travailler encore dans cette équipe avant la Coupe du Monde ?
Il y a plein de choses à revoir. Le sport de haut niveau est une remise en question permanente. On prépare une Coupe du monde. Cela veut dire qu’on va rencontrer les meilleures équipes et tout le temps, il faut se perfectionner, il faut y mettre du sérieux et rechercher l’excellence afin d’aller le plus loin possible.
Pour vous qui connaissez beaucoup de joueurs camerounais qui évoluent en Europe, y en a-t-il qui peuvent apporter quelque chose à cette équipe et qui n’ont pas encore eu cette chance d’être appelés ?
Bien sûr. Je pense au jeune Paul Georges Ntep. J’avais amené les dirigeants camerounais le rencontrer à Auxerre. Ça traîne un peu et on ne sait pas où ça coince. Je vous parle de ce qui s’est passé il y a trois mois. Je pense que le petit a attendu un moment et comme au football aujourd’hui, ça va tellement vite, il est titulaire chez les Espoirs Français. Mais, je pense qu’il a la possibilité de jouer une Coupe du Monde avec le Cameroun. Je ne pense pas qu’avec la France ce sera possible pour lui aussi aisément. Le Cameroun est un pays de 22 millions d’habitants. La France a plus de 60 millions d’habitants. Avec le Cameroun, il a plus de chance de participer à une Coupe du Monde qu’avec la France. On parle d’aller au Brésil. Je pense qu’en ce moment, ça doit cogiter dans sa tête. Je lui passerais un petit coup de fil quand je vais retourner sur Paris pour en parler avec lui.
Quel regard jetez-vous sur la qualité de l’encadrement technique de cette équipe du Cameroun ? Est-il à même de faire l’affaire pour la Coupe du Monde ?
Je ne parle que de ce que je connais. Je sais que le Cameroun a dans son staff un certain Sylvain Monkam que je connais depuis une dizaine d’années. C’est un technicien très compétent. Quand j’ai appris sa nomination en équipe nationale, j’ai été très content, parce que c’est quelqu’un qui connaît son métier et c’est une très bonne chose pour le Cameroun d’avoir ce préparateur physique.
Vous avez l’habitude de prospecter les jeunes ici au Cameroun et finalement ils sont toujours sur place. Que se passe-t-il par la suite ? Qu’est-ce qui bloque ?
J’étais ici au Cameroun pendant dix jours avec les Girondins de Bordeaux. J’ai été un peu surpris par le manque de qualité des jeunes footballeurs camerounais tant sur le plan technique que sur le plan football. Le football est devenu aujourd’hui un sport spécifique. On joue à des postes bien précis qui ont des préparations spécifiques. Le Camerounais en lui-même est déjà très sportif. Une ville comme Yaoundé a des collines. Je vois des footballeurs qui, chaque jour, vont courir pendant une heure de temps. Je vous prends un petit exemple : Quand ils vont courir une heure, au-delà des entraînements qu’ils font, je ne vois pas trop en quoi ça sert. Un terrain réglementaire, c’est 110m/90m. C’est des courses spécifiques, intermittentes du footballeur. Pour un attaquant, c’est 5, 10, 15 mètres, par exemple. Un milieu de terrain ou un défenseur, on va chercher dans les 40 ou 50 mètres. On est ici dans la recherche des fibres musculaires rapides, celles qui nous aident dans une action pour aller marquer un but. L’objectif sur un terrain, c’est de marquer un but. Et pour le faire, il faut sauter plus haut, courir plus vite et plus bon techniquement. Comme Benjamin Moukandjo dans son action de but. C’est une action qui dure 10, au maximum 15 secondes. Ce n’est pas en allant courir une heure tous les jours qu’il fait une action pareille. C’est pour dire qu’il y a un effort à faire sur la formation des encadreurs au Cameroun.
La volonté du travail y est, parce que, pour qu’un gamin aille courir tous les jours, il lui faut être volontaire. Le talent y est aussi. Je compare souvent le Cameroun au Brésil. Et je me le permets, parce qu’en prenant la théorie de séparation des cinq continents, si vous ramenez les continents, vous allez voir que le Brésil et le Cameroun sont des pays voisin. Ce sont des pays amis. Je justifie souvent le talent au Cameroun par cette proximité.
Je pense qu’au Cameroun on a un problème de mentalité, de remise en question, parce que le football évolue. Ce n’est pas normal qu’on n’explique pas à un gamin qu’aller courir tous les jours ne sert pas à grand chose. Il y a le footing d’avant et d’après saison, où on prépare le corps à recevoir un effort et celui de toute la saison, qui est l’oxygénation. Le reste, c’est beaucoup des courses spécifiques, qui vont aider à mener à bien les actions sur un terrain de football.
La Fifa dans sa réglementation sur la protection du jeune footballeur n’est pas venu arranger les choses pour les Africains. Comment voyez-vous cela ?
Vous parlez de l’article 18 sur la protection des mineurs. J’enseigne la réglementation FFF et Fifa dans une école de management et de sport business à Paris. J’ai souvent en face de moi des gens qui veulent être agent de joueurs, directeur sportif, journaliste sportif. C’est un article qui est, à mon avis, un handicap pour les Africains.
Je vais parler de l’Afrique en général. Quand vous regardez la dernière Coupe d’Afrique des nations et celles à partir de 2009. En 2009, la Fifa a créé une sous-commission du statut du joueur qui doit valider tous les transferts de mineurs. A ce jour, pour être mineur en tant que petit Camerounais, il faudrait que ses parents se déplacent pour une raison extérieure au football. Ou alors, il faudrait que la gamin arrive en Europe et soit enregistré comme si c’était sa première licence, pour dire qu’il n’a jamais joué au football. D’un autre côté, cet article, pour ma part, devrait être remis en question.
Quand on regarde en Europe par exemple, entre 16 et 18 ans, les gamins sont transférables au sein de l’Union européenne. Un gamin de 16 ans part de la France pour aller jouer à Manchester City, William Ntcham, par exemple, qui est un Français d’origine Camerounaise. Manchester City a payé 1,5 million d’Euros à 16 ans pour qu’il rejoigne son académie. Mais, c’est impossible pour un gamin d’Afrique. C’est un gros handicap. Landy Nguemo, par exemple, est arrivé à Nancy à 15 ans. Il a eu trois ans, maximum cinq ans, sachant que pour signer un contrat professionnel, c’est à 20 ans. Landry a eu cinq ans pour apprendre le métier de footballeur. Avec cet article-là, un jeune Camerounais arrive en France à 18 ans et n’a que deux ans pour essayer de gommer tous les défauts et lacunes qu’il a. Et je pense qu’à 18 ans, c’est un peu tard.
Quelle est, selon vous, la solution pour les jeunes qui ont moins de 18 ans, pour qu’ils soient prêts, sans lacune à combler, une fois arrivé en Europe ?
Il faut trouver la solution au Cameroun. Il faudrait que les politiques en place fassent un effort pour améliorer le cadre de vie des jeunes footballeurs. Un passeport footballistique pour un footballeur commence à 12 ans. Il faudrait un championnat des jeunes. Ça n’existe pas au Cameroun. Avec l’urbanisation dans la ville de Yaoundé par exemple, il n’y a même pas de terrain de foot, comme partout dans le pays. Il faudrait faire un effort pour l’encadrement des entraîneurs, des préparateurs physiques. On prépare ainsi l’équipe nationale de demain. Après la génération actuelle, ça va être un peu compliqué. Je vais vous poser une question : avez-vous un nom de jeune footballeur prometteur au Cameroun ? Je suis sûr que ça existe et il ne joue même pas. Il est au quartier. Je suis né à Yaoundé où j’ai grandi et je me rappelle qu’il y avait les compétitions inter lycées. On jouait au football pratiquement toute l’année, on jouait le championnat Ossuc.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé