L’international camerounais de Tottenham en Angleterre, traduit au conseil de discipline de la Fécafoot, critique le fonctionnement de l’équipe nationale.
Vous avez été traduit devant le conseil de discipline de la Fécafoot pour n’avoir pas été présent au stage de Marrakech.
Pourquoi n’y êtes-vous pas allé ?
Je pense que nous n’avons pas réglé les véritables problèmes que nous avons avec notre équipe nationale. J’ai appelé notre entraîneur, M. Lavagne, pour lui expliquer que je sentais que même si nous avions changé d’entraîneur, nous avions omis de toucher certains des problèmes cruciaux que nous avons. Comme je l’ai remarqué quelques jours après, je ne suis pas le seul qui voit ces problèmes que nous avons.
Vos coéquipiers ont refusé de jouer le match amical contre l’Algérie pour les problèmes de primes. Si vous aviez été là, vous sériez-vous joint à eux ?
Si je comprends bien les choses, ce qui s’est passé à Marrakech était un acte de groupe et il serait déloyal d’être en dehors. Le groupe a convenu qu’il ne jouerait pas en Algérie et je pense qu’il est important que nous examinions pourquoi ils ont fait cela. Je suis sûr que l’argent n’a été qu’un catalyseur. Il n’est certainement pas la seule raison qui a poussé mes coéquipiers à prendre de telles mesures énergiques. Mes coéquipiers ne sont pas stupides, insensibles ou égoïstes. Une chose que je sais, c’est que, du côté joueurs, nous nous soucions beaucoup pour le Cameroun et nous venons jouer avec fierté et, en général, nous sommes disposés à cacher les lacunes de notre nation, parce que nous en sommes ses ambassadeurs. Je suis convaincu qu’une telle décision n’a pas été facile à prendre pour les joueurs.
Samuel Eto’o, traduit au conseil de discipline comme vous, a dénoncé, il y a quelque temps dans une interview, « l’incompétence » des dirigeants de la Fécafoot et « l’amateurisme » dans lequel fonctionne l’équipe nationale du Cameroun. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons des problèmes vraiment graves et fondamentaux avec notre football au Cameroun. Nous avons un pays avec une identité intrinsèquement liée au football. Vous dites que je suis du Cameroun à des étrangers et ils disent : « Roger Milla » ou « Samuel Eto’o », et c’est vraiment décevant quand on voit comment notre trésor national est si mal géré. Notre équipe nationale doit être la fierté de notre nation, l’exemple de la beauté de notre pays. Mais, vous savez, comme je l’ai humblement dit dans ma lettre à la Fecafoot quand j’ai été convoqué la dernière fois au conseil de discipline, nous avons eu le temps de regarder les lacunes managériales de notre sport et je dois dire que nous sommes accablés par l’incompétence et l’amateurisme. Nous devrions avoir les meilleurs cerveaux et les meilleurs professionnels pour gérer les meilleurs talents que peut avoir l’Afrique. On ne peut pas tout le temps prétendre que c’est la faute des joueurs et jamais la responsabilité de l’administration n’est engagée. Les problèmes que nos grands frères comme Joseph Antoine Bell ont connus semblent les mêmes 25 ans plus tard.
Votre audition à la Fécafoot était prévue aujourd’hui. Serez-vous là ?
Soyons sérieux. Il est impossible pour moi d’être là, vu que mon club a un match de Ligue Europa, le même jour… Peut-être qu’on aurait dû nous demander de comparaître devant la commission le samedi à 15h…
Depuis un certain temps, on ne sent plus la motivation qui vous animait quand vous êtes arrivé chez les Lions pour la première fois. Quel est votre problème ?
Je ne pense pas du tout que quelque chose a changé. Je crois que quand je suis sur le terrain de football, je me donne à 100%. Je suis un professionnel passionné de l’équipe nationale. Je ne pense pas que cela changera. Mais les troubles à répétition autour de l’équipe peuvent être inconfortables.
Qu’est ce que vous proposez pour un meilleur fonctionnement des Lions Indomptables ?
Je ne suis pas responsable de l’équipe. Je suis juste un joueur. Mais, je sais que, tous les jours dans mon club, je vois le désir des dirigeants de fournir les meilleures installations possibles pour s’assurer que les joueurs peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes le jour du match. J’espère voir, un jour, le même désir avec les Lions Indomptables. Nous ne pouvons pas parler d’argent, de matchs amicaux annulés, de non-qualification pour les tournois, etc. Nous sommes une grande nation avec beaucoup de talents. Nous avons besoin d’une administration professionnelle et compétente, d’un management qualifié qui peut rassembler les talents que nous avons, pour nous conduire au succès. Nous avons besoin de leadership à court et long terme, un leadership qui peut exciter nos citoyens et faire que les Lions redeviennent craints, comme autrefois.
Est-ce que l’équipe nationale de football du Cameroun vous fait encore rêver ?
Lorsque vous êtes dans l’équipe, les choses peuvent être moins romantiques. Vous savez, ils disent que vous rêvez quand vous êtes endormi alors … Je crois toujours que nous pouvons être à nouveau indomptables. Nous sommes blessés aujourd’hui, mais, nous ne devons pas être insouciants. C’est un temps pour trouver notre force, pousser nos cheveux et rugir de nouveau. Il est de notre devoir de faire encore rêver nos citoyens les plus jeunes.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne