« Les chances des Lions Indomptables sont presque évidentes ». Tel est l’avis de l’ancien international camerounais, vainqueur de la coupe du Cameroun 1981, vainqueur de la CAN 1984, triple meilleur buteur du championnat camerounais (1982, 1985, 1986 ndlr) et mondialiste en 1982 en Espagne, Alain Eyobo Makongo dit « Gâchis » (né 17 Octobre 1961 à Douala) à environ deux semaines du match retour des barrages de la coupe du monde 2014 qui mettra aux prises le 17 novembre prochain au stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, les Lions Indomptables aux Aigles de Carthage.
En dépit de cette sérénité, l’ancien buteur de Dynamo de Douala constate que : les joueurs camerounais perdent progressivement leurs acquis entre-autre : La percussion sur les côtés et le jeu de tête. Au delà des éternels problèmes de l’abandon du football jeune et des infrastructures, ce gâchis nous renseigne que le monnayage des places est une vieille pratique récurrente dans la tanière. Entretien…
Quels sont les chances des Lions Indomptables le 17 novembre prochain à Yaoundé lors du match des barrages retours de la coupe du monde 2014 contre les Aigles de Carthage ?
Alain Eyobo: Les chances sont presque évidentes. Qu’est ce nous allons faire maintenant ? C’est de chercher à marquer le maximum de buts et gagner le match. Pour se faire, il faudrait que les joueurs se donnent à fond. J’ai regardé le match aller, il nous manque encore quelques joueurs de percussion. S’il faille affréter les deux, ce serait une cohérence entre les joueurs qui savent à la fois faire les passes et accélérer le jeu. Il nous manque encore des joueurs de percussions, des joueurs qui peuvent aller vers l’avant et non revenir en arrière. Tant que cette équation ne serait pas résorbée, les choses ne marcheront pas.
Où allons-nous trouver ces joueurs de percussion ?
On peut les trouver à tous les niveaux, que ce soit dans les championnats locaux ou étrangers. On ne voit pas parce qu’on ne va pas au fond chercher les joueurs. Il faut faire une bonne détection et aller à la recherche des joueurs, parce qu’il y a des joueurs de talent qui existent au Cameroun. Qu’on ne nous dise pas que le Cameroun n’a pas de joueurs de talents. Le professionnel a un travail à faire mais, qu’est-ce qu’un entraineur national peut apporter à un joueur professionnel si ce n’est un travail psychologique. Le professionnel sait déjà ce qu’il fait parce qu’il a des entraineurs à l’étranger qui sont aussi professionnels. Ici, tout dépendra du joueur et de sa volonté.
Selon vous, sur quoi les Lions Indomptables devront travailler pour faire un bon résultat à Mfandena le 17 octobre ?
Il faudrait aller de l’avant, donner tout. Car, nous avons une défense qui n’est pas tellement perméable. Mais, nous avons un petit souci. Nous perdons progressivement nos acquis. Vous savez que normalement quand on commence à l’école de football, lorsque nous sommes jeunes, entre 6 – 7 ans, il y a un travail à faire, une responsabilité dans le développement des acquis qui commencent dès le bas âge : contrôle, amortis, frappe. Lorsque je regarde actuellement, je pense que nous avons une bonne base de football que je garde jusqu’à présent. On se penche vers la balle pour frapper. On ne se place pas débout. On ne tire pas en l’air. Ce sont des petits éléments qui apportent un plus : le jeu de tête. J’ai regardé le match contre la Tunisie, je pense qu’on perdait un peu ces qualités (posture de frappe, jeu de tête…). Il n’y a plus de joueurs de jeu tête. A l’époque lors qu’on jouait, on prenait rarement des buts de la tête, pourtant on en marquait. Si vous voyez, on a des joueurs de talents de jeu de tête. Des talents, on a exagérément mais, lorsque j’ai vu le match contre la Tunisie, j’ai dit qu’il faudrait que nous fassions très attention. Parce que si nous n’avions pas un bon gardien on prendrait deux ou trois buts.
Que pensez-vous du débat sur l’«achat » des places par certains joueurs en sélection. Ce phénomène existait à votre époque ?
C’est un problème difficile parce que, quand j’évoluais avec la sélection, on parlait déjà de ça. C’est un problème récurrent. Je pense qu’il faudrait travailler plus pour améliorer cette mentalité archaïque. J’ai joué à l’équipe nationale, la majorité des entraineurs qui m’ont sélectionné étaient des entraineurs européens. Un seul entraineur camerounais m’avait sélectionné. Il s’agit d’Atangana Ottou. A l’exception de ce dernier, tous les autres entraineurs locaux m’écartaient de la sélection. Mais, lorsqu’un expatrié arrivait, j’étais sélectionné. Vous ne voyez pas que c’est absurde ?
Quelle était le motif de cette non-sélection des entraineurs locaux ?
Je ne sais pas et je ne voulais pas acheter ma place pour être à l’équipe nationale. Il fallait que je prouve sur le terrain et je prouvais. Lorsque vous êtes convoqués en sélection, il y a des matchs amicaux, vous prouvez votre place. Pourquoi je vais acheter une place dans la mesure ou j’avais certaines qualités ? J’ai prouvé. Je vous dis, tous les entraineurs expatriés qui sont arrivés au Cameroun m’ont sélectionné. A partir de Rade Ognanovic, j’ai eu des entraineurs Yougoslaves, slovaques, allemands, français : Jean Vincent, Claude Leroy… Tous ces entraineurs m’ont sélectionné mais, les camerounais non. Ce n’est pas bizarre ?
Quand vous avez regardé la liste des 23 joueurs convoqués par Finke pour le match aller des barrages de la coupe du monde contre la Tunisie, aviez-vous le sentiment qu’il y avait des convocations de complaisance ?
Je ne connais pas très bien ces joueurs. Je regarde rarement le championnat camerounais. Il y a des périodes que je ne regarde même pas l’équipe nationale mais, j’entends et j’essaie de lire. Je pourrais suggérer par exemple que je regarde souvent en France, Moukandjo. Il est percutant. Il va vers l’avant et ne recule pas. Je ne sais pas s’il est en sélection ?
Si, il y est !
Pourquoi on ne lui donne pas sa chance ? Dans la mesure ou il faut aller de l’avant. Ce match-là (Cameroun – Tunisie du 17 novembre ndlr), il faudrait aller de l’avant, ne pas reculer. Je ne pense même pas qu’on ait tellement besoin des milieux de terrain pour faire l’affaire. C’est un match ou il faudrait aller vers l’avant, solliciter beaucoup de centres. Et, je pense qu’on gagnerait ce match.
Que devient Alain Eyobo, le buteur légendaire de Dymano de Douala?
Je vis en métropole, je vis à Paris, ça fait un certain temps. Vous savez que j’ai passé mes diplômes d’éducateur sportif, le brevet d’Etat ça fait plus de 20 ans. Je travaille dans une entreprise privée. Je suis là, j’aime le foot et je resterai toujours le sportif que j’ai été.
On peut donc dire sportif mais, loin du foot ?
Je ne dirais pas que je suis loin. Un peu en recul mais, pas loin.
Entretien mené par James Kapnang à Douala