L’administrateur délégué à la fédération camerounaise de football (Fécafoot) analyse l’énième crise, une prétendue corruption qui secoue le football camerounais. Il critique la complaisance et le système de deux poids deux mesures instaurés par les autorités fédérales.
Camfoot.com: Quel commentaire vous inspire l’agitation créée autour de l’affaire Bamboutos – Fédéral ?
Louis Marie Ondoua : Je tiens avant tout à saluer le courage des organes juridictionnels de la Fédération camerounaise de football, qui ont froidement appliqué les textes pour sanctionner les malversations de club. Même si cette agitation n’a pas pour seul fondement le non respect des règlements. Il importe d’investiguer davantage pour savoir si effectivement il s’agit d’un fait de corruption ou d’un montage. Personnellement, je trouve qu’il y a un ensemble de choses et des faits curieux et bizarres dans cette affaire. Ça m’a tout l’air d’un montage, une histoire tissée de toutes pièces qui vise un but précis. Une certaine mafia tapie dans l’ombre à la fédération tire les ficelles pour qu’on arrive à ces conclusions. Une équipe comme Cetef, après avoir défrayé la chronique l’an passé, était outrageusement menacée de relégation. On a vu tous les responsables de la Fécafoot qui ont des accointances avec ce club, être partie prenante dans le jugement de l’affaire Bamboutos – Fédéral.
Camfoot.com: Peut-on dire que la procédure a été bâclée ?
Louis Marie Ondoua : J’ai du mal à accepter que la procédure s’est déroulée normalement. Toutes les parties n’ont pas été suffisamment auditionnées, comme le prévoient les textes. L’année dernière, l’affaire Racing de Bafoussam – Mount Cameoun de Buea est passée devant un jury dont je faisais partie. Nous avions pris deux à trois mois pour entendre les concernés. A la fin, les faits établis confirmaient qu’il y avait eu corruption. Mais pour des motifs d’ordre social, on nous a fait croire que les Anglophones allaient descendre dans la rue et qu’il fallait trouver une formule pour réhabiliter Mount Cameroun. C’était en violation flagrante des textes de la Fécafoot. Idem dans l’affaire Tonnerre contre Cetef, alors que des joueurs avaient commis de l’ignominie sur un arbitre. Au Cameroun, on regrette aujourd’hui la légèreté dans la prise des décisions à la fédération. Les principaux responsables ont fermé les yeux sur l’affaire Racing – Mount Cameroun, passé ensuite l’éponge sur le cas flagrant Cetef – Tonnerre,. Des intérêts occultes sont menacés. La Fécafoot est à 80 % responsable des maux qui minent le football camerounais.
Camfoot.com: Il faut bien commencer à sanctionner quelque part…
Louis Marie Ondoua : La fédération a été complaisante et la jurisprudence aurait bien voulu qu’on continue dans cette illégalité. En outre, je reste sceptique quant à voir la Fécafoot continuer à appliquer avec la même rigueur quand il s’agira d’autres clubs. Je crains que les premiers corrupteurs à la Fécafoot soient le président et son équipe Cotonsport. Il y a un système de deux poids deux mesures. Pour certains, on évoque la rigueur et l’intransigeance. Alors que pour d’autres, on essaye de nous faire convaincre qu’il faut sanctionner les joueurs et épargner le club. Dans les prochaines saisons, vous verrez à nouveau la Fécafoot tomber dans les travers de la fantaisie et de l’arbitraire.
Camfoot.com: Quelle analyse faites-vous de l’ingérence du gouvernement dans cette affaire, au motif que la paix sociale est menacée ?
Louis Marie Ondoua : Les Camerounais aiment politiser la chose sportive. Ni le Premier ministre, ni le ministre des Sports et de l’Education physique ne se sont levés un matin pour demander la réhabilitation de Bamboutos. Il y aurait eu des marches à Mbouda, des démarches de parlementaires du département des Bamboutos, et dans la foulée, des correspondances du gouverneur de l’Ouest informant les autorités gouvernementales de ce qu’il y aurait péril en la demeure. A partir du moment ou la paix sociale est menacée, l’Etat a le devoir et le pouvoir de prendre des mesures qui s’imposent, bref, de s’ingérer dans les affaires du sport, pas pour demander que la Fecafoot revienne sur sa décision, mais pour demander un nouvel examen du dossier dans le fond et la forme. Comme ça été le cas en Italie, où le championnat a été suspendu il y a quelque saison, après mort d’homme dans les stades.
Camfoot.com: L’équipe nationale est également en ébullition suite à la décision du ministre des Sports de sanctionner Albert Meyong Zé et Armand Ngom Kome. Pour des questions de discipline, quelle est la marche de manœuvre du Minsep par rapport à la Fécafoot ?
Louis Marie Ondoua : Question embarrassante. L’équipe nationale du Cameroun n’obéit pas aux canons internationaux de gestion des clubs ! Dans la plupart des pays, la fédération est entièrement responsable de la gestion des équipes nationales. Au Cameroun, il y a ce fameux décret de 1972 qui donne le droit au ministre des Sports de s’occuper de la gestion administrative et financière, à travers la direction administrative des équipes nationales. La Fécafoot s’occupe essentiellement du volet technique : affiliations, organisation des compétions, représentation de l’Etat devant les instances internationales… En clair, il y a une gestion bicéphale de l’équipe nationale du Cameroun. Logiquement, le Minsep devrait recueillir l’avis de la Fécafoot dans la prise d’une telle décision. Une nécessaire symbiose s’impose entre le ministère et la fédération.
Camfoot.com: Qu’est ce qui bloque la nomination de l’entraîneur, à trois mois de la Can ?
Louis Marie Ondoua : C’est une fois de plus l’ambivalence de la gestion de notre équipe nationale. Partout ou presque, c’est la fédération qui choisit l’entraîneur. Au Cameroun, la fédération propose et le ministère des Sports, qui se prévaut pourvoyeur de fonds de l’équipe nationale approuve. Il y a blocus parce que ces deux instances ne sont pas d’accord sur la méthode à adopter pour choisir les hommes, encore moins sur leur gestion. La désignation d’un coach ne devrait pas prendre des semaines des semaines, voire des mois. Un bon dirigeant a toujours une liste de techniciens capables d’assumer des responsabilités lorsque besoin se fait sentir. L’exemple de Jean Pierre Papin qui a, en l’espace de quelques heures, remplacé Guy Roux à Lens devrait inspirer nos dirigeants.
Entretien avec Jean Robert Frédéric Fouda à Yaoundé