On pouvait croire que dans cette ambiance difficile, on aurait à faire à un homme sur la défensive. Pourtant affable et détendu, l’homme nous reçoit dans ses locaux du ministère des Sports et de l’éducation physique, même si, au détour de la conversation, il nous glisse qu’il aurait préféré nous recevoir à son domicile. L’entretien, qui ne devait durer que quelques minutes se prolongera finalement. Il nous donne son analyse de la situation du football camerounais. Morceaux choisis…
Camfoot.com: Monsieur le ministre, on peut dire que la situation est assez tendue en ce moment autour du football camerounais…
Philippe Mbarga Mboa: Toute cette affaire est une question d’argent. Parce qu’il ne faut pas se fier à ce que les gens disent. Être dans les affaires du football rapporte à ceux qui y sont. J’ai moi-même été dirigeant de club et je sais combien l’argent est présent dans ce milieu. Le nœud du problème, c’est que le ministère finance le sport camerounais, mais les instances fédérales ne veulent pas qu’il suive ce qui s’y passe. Par contre, elles estiment que les recettes leur reviennent. Et je ne suis pas d’accord avec cette vision des choses. Aujourd’hui, le football camerounais devrait être capable de s’auto financer, ne pas avoir besoin de l’État, mais ce n’est pas le cas. En tant que ministre des Sports, j’ai autre chose à faire que de suivre l’équipe nationale de football. Mais, vu que c’est nous qui finançons les stages, les mises au vert, les compétitions, il est de coutume que le ministre se déplace pour s’assurer que tout se passe pour le mieux.
» La Fifa ne m’empêche pas en tant que ministre de trouver une organisation cohérente du football. «
Camfoot.com: On a beaucoup entendu parler du rapport Ngack Mahop ces temps-ci et certains trouvent que ça tombe vraiment au bon moment pour vous…
Philippe Mbarga Mboa: Mais, ce rapport, ce n’est pas moi qui l’ai commandé! C’est mon prédécesseur, sur instruction du président de la République, qui a constitué la commission. Le président voulait marquer le coup après l’affaire du retrait des six points par la FIFA. Quand j’arrive au ministère et que le rapport atterrit sur mon bureau, on est encore en course pour la Coupe du Monde et j’estime que ce n’est pas le moment, puis vient la CAN. Je ne peux pas mettre l’équipe en difficulté. Après la CAN, je ne vois pas pourquoi je retiendrais encore le dossier. Et je l’aurais fait, même si nous avions gagné la Coupe.
Camfoot.com: Qu’envisagez-vous pour la suite ?
Philippe Mbarga Mboa: Laissons la justice faire son travail. Mais, à mon niveau, j’aimerais faire un état général du sport. Parce que j’estime que les choses ne se passent pas normalement. Le système peut placer des incompétents à la gestion des affaires. Il faut trouver comment régler ce problème.
Camfoot.com: Mais, on sait la FIFA réticente à ce genre d’interventions dans les affaires du football…
Philippe Mbarga Mboa: La FIFA est une association de droit suisse, donc n’a aucun pouvoir sur les Etats. Mais, faisant référence à ses statuts, ils ne m’empêchent pas en tant que ministre, de trouver une organisation cohérente du football. La seule chose qu’ils me demandent, c’est de ne pas nommer quelqu’un pour diriger son association membre. Il faut qu’on remette les choses en place.
« …Artur Jorge n’était pas la personne qu’il fallait à ce moment. »
Camfoot.com: On croyait pourtant que les éternelles disputes entre les deux instances étaient terminées. On est surpris par cette ambiance…
Philippe Mbarga Mboa: Mais, c’est pour une raison simple. Il faut un accord entre le ministre et les membres de la fédération. Le premier ferme les yeux, je le sais, ayant été des deux côtés, comment ça se passe. Moi, je n’ai pas besoin de me mêler à ces combines, je n’ai pas attendu d’être ministre pour vivre et je vivrai après. Je veux remettre de l’ordre. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé certains dossiers avancés, parmi lesquels le contrat d’Artur Jorge. Si j’avais eu le temps de vérifier certaines choses, jamais je n’aurais signé ce contrat. Artur Jorge n’était pas la personne qu’il fallait à ce moment. C’est pour dénoncer que j’avais d’ailleurs refusé de payer les primes de victoire à des gens qui faisaient partie de la délégation (Raul Aguas, Jacques Songo’o, ndlr). Là, j’attends les noms qui vont être proposés. Et on opérera comme je le souhaite.
De même, pour toutes les sorties d’argent, je suis davantage vigilant. Vous savez, il est facile de surfacturer un stage. Vous seriez surpris des devis que je reçois des fédérations ici pour organiser des déplacements (au moment de l’interview, une équipe de volley-ball était bloquée au Cameroun, faute de prise en charge, ndlr).
Concernant le président Iya pour lequel j’ai par ailleurs une certaine estime, je trouve qu’on ne peut pas diriger la fédération en étant à Garoua, avec la charge d’une société importante comme peut l’être la Sodecoton.
Camfoot.com: Vous aviez fait des infrastructures votre cheval de bataille, mais depuis, les choses n’ont pas beaucoup bougé…
Philippe Mbarga Mboa: Pour Yaoundé, nous avons un accord avec des Japonais pour la remise en état du stade. Un véritable lifting, pas les opérations ponctuelles qui ont pu être faites depuis. J’ai des problèmes avec le stade de Bafoussam, parce que les besoins ont été sous-évalués. Il faudrait que des vrais professionnels se penchent sur le dossier pour une issue définitive. Le palais des Sports de Yaoundé sera bientôt livré et j’ai obtenu des accords de sponsors pour la construction de complexes sportifs. J’ai également proposé au président de la République d’accueillir la Coupe d’Afrique en 2012 pour accélérer les constructions de stades.
Propos recueillis par J. Yansa & H. Kouamouo à Yaoundé