Une sélection nationale qui figure parmi les meilleures du monde devrait pouvoir communiquer efficacement. Elle devrait pouvoir informer ses supporters et le monde entier de sa vie et de sa perception des péripéties et des événements importants. Elle devrait soigner son image de marque en distillant aux médias, de manière organisée et professionnelle, des informations ciblées. Elle devrait enfin donner aux commentateurs les clés de lecture nécessaires pour déchiffrer certains de ses symboles et indices sémiotiques.
Cela ne semble pas le cas avec les Lions indomptables. La majorité de leur conférences de presse péchent par leur amateurisme. En outre, les « stars » des Lions indomptables ont décidé de se fermer à la presse camerounaise. Ce mutisme volontaire entretient la rumeur qui finit par infester l’atmosphère au sein de l’équipe et partant, les rapports entre les joueurs et leurs supporters. Les Lions indomptables ne projettent plus l’image d’une bande de copains joyeux et insouciants mais sérieux quand il s’agit de défendre les intérêts de la nation.
Les joueurs de la sélection nationale ne semblent pas soucieux de la nécessité d’entretenir leur image de marque et par ricochet celle du football camerounais. C’est pourquoi les éternelles discussions sur les primes, les voyages rocambolesques, sans visas ni droits de survol de l’espace aérien de certains pays, les retards dans le paiement du salaire du sélectionneur et les atermoiements dans la confection des listes de joueurs font la une des journaux occidentaux, davantage que les prestations de notre équipe. L’information n’est pas gérée. Elle fuse de partout, dans le désordre.
Les objets publicitaires, les joujoux, les flonflons et autres babioles dont les fans ont besoin pour égayer l’ambiance pendant les matches et montrer leur allégeance à leur équipe favorite sont aussi rares qu’un loup blanc. Il en va de même des répliques authentiques des tenues des Lions indomptables. Nous avons finalement pu nous procurer ce maillot authentique il y a quelques semaines dans une boutique des Bafana Bafana en Afrique du Sud, à défaut d’une boutique des Lions indomptables à Yaoundé ou à Douala. Les touristes, hommes d’affaires et autres diplomates étrangers et locaux qui vont et viennent dans le pays de Roger Milla n’en demanderont pas mieux. Il leur faut une vitrine authentique de nos valeureux ambassadeurs.
A titre individuel, quelques joueurs tiennent des sites web. qui ne sont, pour la plupart, que des temples pour fans clubs. On y trouve à boire et à manger, du courrier des admirateurs aux jeux-concours, des demandes en mariage aux statistiques personnelles, sans oublier des albums photos aux extraits d’articles et d’interviews qui encensent leur démiurge. Toutefois, leur utilité professionnelle n’est pas avérée. Des joueurs dont l’aura et la valeur commerciale sont élevés tels Samuel Eto’o ne disposent pas d’une carte de visite Internet à ce jour. Leur image est façonnée au gré de leurs prestations, mais surtout des commentaires des journalistes sportifs qui, selon leur humeur et les rapports qu’ils entretiennent, peuvent ou non décider de biaiser la perception du public. Deux images reviennent à l’esprit : celui du refus de nomination de Joseph Désiré Job comme meilleur joueur de la rencontre de la Carling Cup de l’année dernière, alors qu’il marque un but et offre un penalty à son équipe. Plus récemment, celui du dernier « clásico » Barcelone-Réal au cours duquel Eto’o marque un but fabuleux, offre la passe de but à Deco et surtout provoque le penalty de Ronaldinho après une chevauchée de près de 60m. Ce n’est pas le fruit du hasard qu’à la fin du match, les médias n’aient eu d’yeux et de mots que pour Ronaldinho.. Son entourage et lui ont mis en place de véritables outils de communication autour de son personnage.
Rares sont les personnes qui savent ce que représentent les quatre étoiles dorées dont est frappé le nouveau maillot des Lions indomptables. Il a fallu abattre un véritable travail de titan pour apprendre que ces étoiles, qui sont à peine visibles, représentent les quatre titres de champions d’Afrique déjà remportés par notre sélection nationale.
Que dire de la vitrine qu’offre le site des instances dirigeantes du football quoique louable ? Elle n’est pas riche sur le plan du contenu informationnel. Le journaliste qui prépare un papier sur un match des Lions indomptables y trouve, à la rigueur, une liste des joueurs convoqués, et parfois, un calendrier des entraînements prévus dans le cadre d’un stage de préparation, des bric-à-brac. Rien de plus.
Le site du ministère, quant à lui, s’est figé à l’heure de Bidoung Mkpatt. Il nous a semblé d’ailleurs qu’il y en avait deux, dont aucun n’est fonctionnel. Ce n’est donc pas de l’administration que nous viendront les informations fiables et à jour dont nous avons besoin pour nos reportages et analyses.
Que représentent les couleurs blanches que les Lions indomptables arborent depuis quelques temps ?
Sur un tout autre plan, les joueurs d’aujourd’hui ont profité de la force de l’exemplarité du travail de pionnier abattu par des générations de footballeurs doués avant eux : Abossolo, Koum, Eugène Njo Lea, Mbette Isaac, Mbappe Leppe, Ndo Nna, Oyono « Cogefar », Moukoko « Confiance », Michel Kaham, pour n’en citer que quelques uns. Quels souvenirs gardons-nous d’eux ? Combien de jeunes les reconnaîtraient sur une photo? Pourquoi ne pas mettre en place un « Hall of Fame » (Temple de la renommée), selon le modèle conçu par les Nord-américains pour honorer les légendes du sport afin que leur mémoire ne meure? Ce sont des musées qui font revivre les anciens joueurs à travers leurs images, leurs interviews audio et vidéo, des extraits de leurs matchs etc. Ce chantier devrait interpeller aussi bien la FECAFOOT que le nouveau Ministre des sports et de l’éducation physique.
Docteur Abega relevait qu’il pense avoir marqué son plus beau but à Maputo lors d’un match contre le Mozambique, quasiment à partir du centre du terrain. Ce souvenir ne vit plus que dans sa mémoire et ne lui survivra certainement pas. Et que dire des buts de Roger Milla, Patrick Mboma, Manga Ongéné, et de tant d’autres?
INDÉPENDANCE DES MÉDIAS
Certaines réactions de nos lecteurs, pour peu que nous attirions l’attention sur les prestations d’un joueur, d’un entraîneur ou d’un ministre, nous indexent, nous accusant de percevoir des pots-de-vin. L’on est tenté de comprendre les mobiles de cette fixation sur les pots-de-vin. Dans le même temps, ils disent pis que pendre de Michel Platini dont les commentaires peu amènes sur Samuel Eto’o Fils au profit de ses coéquipiers du F.C. Barcelone les irritent. Il nous semble qu’aucun de nos lecteurs n’ait jamais soupçonné l’ancien capitaine des Bleus de recevoir des prébendes de Ronaldinho ou de Deco. Serions-nous donc génétiquement prédisposés à la corruption et aux prévarications ? La légèrété de ces olibrius qui, au grand mépris des règles de bienséance, manient l’invective et la terreur pour étouffer toute velléité d’indépendance des chroniqueurs que nous sommes devrait-elle durer encore longtemps ?
Cette habitude qu’ont les uns et les autres de se braquer contre la contradiction est généralisée et ne se limite, toutefois, pas à nos internautes seulement. Pendant la CAN 2004 en Tunisie, les pressions et les menaces affluaient de toute part après la publication par notre rédaction d’un article mettant à nu les dissensions pourtant avérées entre joueurs.
Ces pressions réussissent à déstabiliser certains journaux et médias locaux qui se voient dans l’obligation de faire des compromis afin de pouvoir se maintenir en vie, au grand mépris de la déontologie journalistique. Sans fausse modestie, Camfoot.com exerce, en toute indépendance, tant éditoriale que financière. Notre technologie nous permet d’outrepasser les frontières géographiques, voire linguistiques, pour atteindre nos lecteurs en temps réel, et de leur donner l’heure juste De plus, nous offrons librement à nos lecteurs divers produits attrayants, dont la capacité de communication interactive. C’est le lieu de déplorer une tendance fâcheuse de la part de certains organes de presse camerounais (pourtant gracieusement sponsorisés) et internationaux à diffuser intégralement certains de nos papiers et photos sans en mentionner l’origine, mais en prenant le soin, tout au contraire, de faire disparaître toute trace de la source.
Les « stars » des Lions indomptables devraient avoir à l’esprit que nous sommes leurs alliés et non leurs adversaires dans le combat de la pérennité du football camerounais. Leur bataille est la nôtre.
Il revient à chaque organe de presse de faire son travail correctement, en faisant fi des sollicitations et des menaces dont nous sommes quotidiennement l’objet de la part des joueurs, de leurs agents et de leurs fans clubs, voire de leurs adversaires. C’est le pari de notre rédaction.
Camfoot.com, en tout état de cause, restera impassible devant les chants de sirène des uns et les cris d’orfraie des autres. Cette fermeté est notre meilleur gage de crédibilité. Toutefois, elle n’exclut pas que nous puissions, en toute objectivité, hisser sur un piédestal un Lion indomptable qui brille en club, comme nous l’avons fait récemment pour Samuel Eto’o Fils, Idriss Carlos Kameni, et Boya au vu de leurs prestations en club cette saison. Nous en appelons donc à une collaboration plus saine et plus professionnelle de tous les acteurs de la saga des Lions indomptables, chacun dans son domaine. Pour reprendre les paroles de l’autre, nous ne portons pas le même maillot mais nous partageons la même passion.
SANGA TITI, sanga@camfoot.com