Lorsque les États-Unis d’Amérique ont refusé d’accorder un visa d’entrée dans leur pays au président de la Confédération Africaine de Football, les réseaux sociaux et les médias du monde entier se sont offusqués. La réalité est que les institutions policières du pays que dirige à sa manière Donald Trump ne dorment pas au gaz. Et justement, ça sent du roussi au siège de la CAF où le président Ahmad Ahmad, se retrouve directement mis en cause dans plusieurs affaires avec à la clef plusieurs mouvements financiers pour le moins suspects.
Un nouveau scandale qui conforte surtout la version de Musa Bility, membre du comité exécutif de la CAF et qui a démissionné du comité d’urgence et de la commission du CHAN pour protester contre la gouvernance du Malgache. Le Libérien avait accusé la CAF d’avoir viré 200 000$ à une entreprise domiciliée en Pologne et inscrit la dépense comme étant destinée à la fédération du Liberia. . Une pratique que nous retrouvons dans les documents que nous avons en notre possession et où on retrouve le même procédé et bien plus encore.
ADIDAS une préférence à 830 000$
Nous sommes à la fin de l’année 2017, le CHAN 2018 initialement attribué au Kenya a été transféré au Maroc, puisque le Kenya qui organisait une élection présidentielle n’offrait plus toutes les garanties de stabilité et de sécurité aux yeux de la CAF. Pour cet événement, la CAF, par l’intermédiaire de son service marketing (a convenu avec la société PUMA de fournir aux joueurs les équipements nécessaires pour le CHAN qui s’est finalement déroulé au Royaume chérifien en 2018. Dans ce sens la CAF a saisi la firme allemande PUMA, le 12 décembre 2017 indiquant les équipements et produits sportifs requis. Nous sommes alors à quelques jours de Noël et PUMA fournit son devis. La marque allemande n’est bien évidemment pas seul sur le coup puisque d’autres fournisseurs tels que Adidas Egypt, Adi- das Germany et Nike, ont reçu le même appel d’offre, sans pour autant manifester de l’intérêt. Seule sur le marché PUMA a tout de même consenti une ristourne de 60% en répondant au cahier des charges de la CAF. Cette dernière accepte tout naturellement l’offre le 14 décembre 2017 et PUMA confirme sa disponibilité à livrer les équipement pour 312 000€.
Une affaire qui ne se fera finalement pas puisque le 18 décembre 2017, le président Ahmad, a décidé de l’annulation pure et simple de l’accord. Aucune raison n’est avancée pour justifier cette volte-face qui s’apparente au fait du prince et Puma ne restera pas sans réaction et exige le paiement 105 000€ de pénalités. Surtout lorsque la firme allemande apprend que l’autre équipementier allemand Adidas est sur le coût mais pour un montant deux fois et demi plus cher ! Le deal avec Puma est définitivement rompu le 18 décembre 2018 par courrier électronique. Sans qu’aucune décision ne soit discutée soit discutée en marge de réunions du comité exécutif, une façon de faire qu’avait déjà décrié Musa Bility dans sa lettre de démission du comité d’urgence et de la commission du CHAN. La CAF devra donc apporter une explication à ce qui s’apparente à une rupture unilatérale de contrat sans motif précis puisque PUMA réclame toujours les pénalités de cette rupture.
Entrée en scène de Tactical Steel
L’offre de PUMA à peine retoquée, la CAF et son président mettent en branle le plan B, celui qui consiste à se fournir chez l’autre firme allemande Adidas. Mais contrairement au premier deal avorté avec PUMA, la CAF ne sollicite pas directement la marque aux trois bandes, mais fait appel à un intermédiaire du nom de Tactical Steel. La CAF charge cette société, basée dans le sud de la France et dirigée actuellement par Romuald Seilier et son épouse et avant eux par, Loïc Gerand, assistant personnel de Ahmad Ahmad de fournir la CAF en équipements en lieu et place de PUMA. Loïc Gerand, ce Franco-Malgache fait partie du premier cercle du président, un fidèle parmi les fidèles Tactical Steel qui ne fabrique rien et dont le capital social est de 1000€ est plus spécialisée dans le matériel de salle de sport et de machine que d’équipements de football, mais c’est bien elle qui va fournir les équipements nécessaires pour le CHAN 2018. Ainsi, Le 17 décembre 2017, Tactical Steel, entreprise créée un peu plus d’une année auparavant (Août 2016) fait parvenir une proposition financière par mail au président de la CAF et vice-président de la FIFA et son secrétaire général adjoint, le Marocain Sadek El Alaoui.
Ce n’est que le lendemain, que Sadek El Alaoui fait parvenir ce message à son supérieur, à savoir Amr Fahmy le secrétaire général de la CAF. Mais comme la commande a été passée dans l’urgence et que la CAF avait besoin que ces équipements arrivent au Maroc dans les plus brefs délais, Tactical Steel, dont les comptes bancaires sont gelés en France par le fisc pour audit, informe la CAF d’un surcoût par rapport au devis initial, un supplément qu’elle explique par le coût élevé du fret aérien. En bon client, la CAF accède à cette demande et ne voit pas non plus d’inconvénient à procéder au paiement de cette entreprise pourtant établie et immatriculée en France, via un intermédiaire en Turquie sur un compte de la Banque ING.
Une facture salée
Un peu plus d’une année après sa création et grâce à de bonnes connections au niveau de la Confédération africaine, Tactical Steel, frappait un très gros coup, puisque son bilan 2017 affiche un chiffre d’affaires de 725 400€ pour une entreprise qui emploie deux personnes selon les informations publiées au KABIS (Registre du commerce français). Une affaire en or, pour une société dont le créneau est «l’équipement pour athlète et salles de sports, Crossfit, fitness, musculation» comme inscrit sur tous les documents de présentation de la société. Le contrat de fourniture d’équipements Adidas pour le CHAN 2018 au Maroc, s’élève au final à 1 195 603$ une différence de 830 000$ par rapport à l’offre de Puma. Et ce n’est pas tout, puisque selon nos information, la CAF continue à préférer Tactical Steel, plutôt que de solliciter directement les fabricants. Selon les dernières estimations, Tactical Steel, a facturé plus de 3 millions de dollars à la CAF en prestations divers, à ce jour.
Le président Ahmad a fait de la société Tactical Steel, son principal fournisseur, et a accepté notamment de payer 54 000$, à cette entreprise pour envoyer trois membres de son personnel pendant une semaine au Maroc, superviser la distribution des équipements sportifs. Un montant qui ne comprend pas les frais de voyage, d’hébergement et de restauration de ces trois superviseurs. Une aberration de plus dans ce dossier lorsqu’on sait que cette prestation était comprise dans l’offre présentée par
Puma qui avait toujours fonctionné de la sorte dans ses précédents accords avec la CAF.
Des cadeaux pour asseoir sa légitimité
Depuis sont arrivée à la tête de CAF, le président Ahmad multiplie les annonces et les promesses en direction de son «électorat» à savoir les 54 fédérations que comptent l’instance. Sa prise de fonction a coïncidé avec des états financiers plus que confortables, alors que l’ancien président Issa Hayatou avait signé avec le groupe Lagardère Sport en 2017 jusqu’en 2028 pour un montant global de 1 milliard d’euros. Un contrat que Ahmad souhaite d’ailleurs renégocier. Mais le fait est que la CAF, est aujourd’hui riche, même très riche.
Et comme pour asseoir sa légitimité, le président Ahmad a fait voter en comité exécutif l’octroi de 100 000 dollars, annuellement, à chaque fédération. Une somme qu’il souhaiterait voir utilisée comme suit 80 000 dollars pour couvrir le secteur jeunesse et les déplacements de l’équipe première et 20 000 dollars pour les dépenses de chacun des présidents des fédérations. Une instruction que le secrétaire général Amr Fahmy, a mis en application en procédant au paiement de ladite somme sur le compte bancaire de chaque fédération. Mais selon nos information, il a été reproché à ce dernier ce transfert et il aurait été réprimandé pour n’avoir pas viré les 20 000$ destinés aux dépenses des présidents, sur leur comptes privés!
Omra VVIP
Ainsi, la CAF a demandé aux présidents des fédérations de lui fournir les coordonnées de leurs comptes bancaires privés, mais certains d’entre eux ont refusé, comme le président de la Fédération des Seychelles, qui a déclaré verbalement que le versement de tels montants serait considéré comme une corruption. D’autres ont effectivement reçu les 20 000 dollars sur leurs comptes privés, tels que le président de la fédération du Cap Vert, celui de Tanzanie a également demandé à recevoir le paiement via le compte bancaire personnel, mais ce montant n’a pas encore été transféré. En parallèle à ces transferts, El Hadji Ahmad Ahmad a invité les présidents musulmans à une Omra aux frais de la CAF durant le ramadan 2018, pour un coût de 100 288 dollars. Un voyage organisé via l’Agence de voyages Astra, au niveau local, régional ou international. La délégation était composée de 18 personnes (Ahmad et deux membres de son cabinet et 15 présidents des fédérations africaines.)
Tour de passe passe
Le directeur des finances de la CAF, l’Egyptien Mohamed El Sherei a été alors informé par email que les 15 présidents musulmans se trouvaient au Caire pour une réunion au siège de la CAF (pourquoi seulement les musulmans ?) Mieux encore, il a été aussi informé dans la foulée que la CAF assumera les dépenses de leurs fédérations au Caire. Il a également laissé entendre que leur voyage du Caire en Arabie Saoudite se ferait pour des raisons privées et serait couvert par la personne qui a donné l’ordre, donc le président Ahmad. Seulement, la CAF a pris effectivement en charge les frais de voyage et l’hébergement des 15 présidents au Caire avant la Omra pour un coût de 100 288 dollars. En plus des 10 000$ versés au président Ahmad, qui s’est lui-même indemnisé lors de cette mission, en tant que vice-président de la FIFA lors de la Coupe du monde Russie 2018, comme s’il participait à une mission de la CAF, cet argent a ensuite été versé à titre de remboursement à la CAF (le 9 septembre 2018) et constituait sa seule contribution à la Omra de ses invités.
Un comportement qui fait tomber le président de la CAF et ses invités sous le coup de l’article 136 du code disciplinaire de la CAF qui stipule «Quiconque offre des promesses ou accorde un avantage injustifié à un corps de la CAF, à un officiel du match, à un joueur ou à un responsable en son nom ou à celui d’un tiers, dans le but de l’inciter ou de le faire violer les règlements des CAF seront sanctionnés.» des sanction qui vont de l’amende de 25 000 $ à une interdiction à vie. Seulement, pour de nombreux observateurs et les initiés du fonctionnement l’instance, il est important de relever que la Omra en question a eut lieu à la veille du Congrès de la FIFA en Russie où le pays hôte de la Coupe du monde 2026 devait être élu.
Pour beaucoup, la réunion au Caire impliquant uniquement le président d’une fédération musulmane, n’avait pour but que de protéger le Maroc d’une violation des règles adoptées pour la campagne de candidature puisque l’initiative d’Omra venait du Maroc. Le 3e vice-président de la CAF et président de la commission des finances n’est autre que le président de la Fédération Royal Marocaine (FRMF) Faouzi Lekjaa, qui entretient d’excellentes relations avec le président Ahmad et qui oeuvre à le faire élire à la tête de la CAF.
Raymond Hack, sommé de réagir
La plupart des faits énoncés sont connus du jury de discipline de la CAF, présidé par l’avocat sud-africain Raymond Hack, qui est statutairement un organe indépendant et peut agir conformément au code de discipline de la CAF. Mais, malgré les appels répétés de plusieurs lanceurs d’alerte cet organe n’a pas osé bouger devant autant de dérives. Pis encore, il a agi de manière à couvrir la plupart de ces dépassements et semble donc être le complice du président de la CAF. Enfin, il est important de relever que les statuts de la CAF adoptés à Rabat en juillet 2017 prévoyaient la création d’un comité de gouvernance en tant qu’organe indépendant. Depuis, malgré plusieurs assemblées générales, dont la dernière à Charm El Sheikh au mois de septembre dernier, le comité exécutif n’a jamais proposé aux membres du congrès d’être nommés pour ce comité censé avoir un sous comité chargé de l’éthique. Aussi, la fronde au sein même du comité exécutif de la CAF, oblige le président Ahmad à gouverner par le biais du Comité d’Urgence, le plus souvent par email ou par téléphone.
Par Nazim BESSOL