Le stade de Bamenda est l’un des plus vieux stades du Cameroun. En l’absence des archives fiables, on situe sa construction dans les années 1960. A l’époque, c’était l’une des marques de la volonté de la délégation départementale des travaux publics de promouvoir le sport à Bamenda. L’ambition est allée grandissante jusqu’à la mise sur pied d’une équipe de football, Public Work Department (PWD) de Bamenda. Mais, aujourd’hui, la valeur du club fétiche du Nord-ouest a rattrapé l’état lamentable de son stade.
Le « Mankon Stadium » n’est plus ce qu’il était; au fil des ans, la dégradation considérable a transformé le stade mythique en stade fossile…
« Commercial Avenue »; endroit réputé où l’on tâte aisément le pouls de Bamenda. Ici, se font face des magasins vastes et insolents où le syndrome nigérian a davantage contaminé les marchandises. Haut lieu d’échanges, c’est dans un coin un peu reculé que l’on retrouve les bureaux de la délégation de la Jeunesse et des Sports, qui jouxtent ceux de la Ligue provinciale de football du Nord-ouest. Non loin d’un immeuble de Chief Issa Bongam qui abrite aussi le soi-disant siège de l’équipe locale.
De l’autre côté de la large chaussée, à quelques 200 mètres de marche à pied, le stade municipal de Bamenda s’ouvre à vous. Sur le demi-cercle qui dessine l’entrée principale, l’hospitalité camerounaise est lisible : « Welcome at the Mankon municipal stadium ». Mais, elle tranche rapidement avec la réalité de ce qui tient lieu de temple du football.
Cette entrée principale est utilisée comme un moyen sûr de communications, au vu du nombre de curieux ou de commerçants qui s’y rendent ou voisinent le secteur. Son mur vous présente sa saleté, faite des restes des affiches, que l’on prend la peine d’enlever à la veille de chaque saison sportive ou de chaque rencontre sportive.
L’intérieur n’est pas mieux. Les murs de parpaings ont certes pris la place des tôles et des containers qui entouraient le stade auparavant. Mais, comme on dit, chasser le naturel il revient au galop. Ce qui sert de muraille du stade est perforé de parts et d’autres. Une partie venait (en début de saison) de s’écrouler suite à un orage qui s’est abattu sur la ville. « A l’époque, on n’avait pas prévu de renfort. Et la dégradation d’aujourd’hui est due à l’absence de renfort au moment où la barrière a été construite », tente d’expliquer le directeur de stade, Richard Mbaku. Après la deuxième journée, un autre orage plus venté a déchiqueté et emporté complètement la toiture de la tribune « A ».
L’aire de jeu en lui-même n’est qu’un champ de patates où, à quelques coins, les herbes sauvages cohabitent avec les monticules de sable et de terre. Bosselé et creusé par endroit, l’espace de jeu du stade municipal de Bamenda dont on défend difficilement les dimensions, ne donne pas de chance aux footballeurs de développer un jeu propre aux talents des Lions indomptables. C’est le royaume des eaux stagnantes et leur lot de bestioles et autres microbes potentiels.
Derrière un point de corner, se dresse une broussaille où est isolé le panneau de score aux couleurs des Brasseries du Cameroun et où les populations viennent le plus souvent paître leur bétail. La piste d’athlétisme n’est pas dévisageable, à plus forte raison le nombre de couloirs. Par endroits, les caillasses tantôt rugueuses et tantôt pointues vous rappellent qu’il n’y fait pas bon de courir. Les deux bancs de touche ne sont pas couverts, un détail d’iriez vous. La tribune des officiels est inexistante. Une table et deux chaises viennent régulièrement du quartier pour servir les besoins de la cause.
Bien avant le début de cette saison sportive, quelques travaux avaient eu cours au stade municipal de Bamenda. Ils avaient accouché d’un médiocre grillage visant à séparer l’aire de jeu du chauvin public de Bamenda. Également, l’on avait construit une maison de quatre chambres et des toilettes appelée « vestiaires », tout à côté du terrain de basket-ball. Devant lequel un à deux kiosques fragiles se dressent comme cabines de reportage pour les nombreuses chaînes de radio qui arrosent le Nord-ouest.
Constatons que ces vestiaires qui devraient abriter aussi les officiels et le directeur de stade ne sont pas encore ouverts, jusqu’ici… Ces travaux au budget de 15 millions, très en deçà de ce qu’avait exigé la direction du stade, avaient permis de réhabiliter les deux terrains de handball dont la dégradation allait s’empirant. L’on annonce la construction d’un court de lawn-tennis et un gymnase, on se croise les doigts. L’éclairage n’est pas envisagé ici; pourquoi à Bamenda quand le mot « éclairage » est banni de tous stades de la république, me diriez vous.
Surexploitation
Interpellé sur les causes de la dégradation continue du stade de Bamenda, son directeur parle de « surexploitation ». Ce qui n’est pas favorable à la survie du gazon que la direction du stade essaierait d’y planter quelques fois. « C’est la seule infrastructure sportive de l’État qui est à la disposition de toute la grande ville de Bamenda », explique Richard Mbaku.
C’est sur ce terrain que l’équipe fanion du département, s’entraînent les trois équipes de Deuxième division de la cité également en plus du PWD. Ce complexe sportif est davantage ouvert aux compétitions de la Fénasco (Fédération nationale du Sport scolaire). Plus de vingt établissements se disputent les différentes aires de jeu et se les partagent avec les populations. « Celles-ci escaladent du matin au soir lorsque les portails sont fermés », expliquent le directeur de stade.
Le professeur certifié d’EPS (Éducation Physique et Sportive) option football et ex-entraîneur de football pense que le Gouvernement gagneraient à construire d’autres infrastructures sportives à Bamenda. Et regrette que les spectateurs aient fui le stade. Les recettes sont conséquemment minables.
« L’année dernière, PWD a eu près de six matches d’affilée, contrairement à cette année où les défaites se sont accumulées. Les joueurs n’ont pas d’argent. Tous ces problèmes, le public est au courant et d’une manière ou d ‘une autre, il se décourage », explique Richard Mbaku. Qui dit être souvent surpris de la programmation des matches de D1. Ici, la D2 n’intéresse que très peu…
Quand on sort de ce carcan, on a du mal à croire qu’une population aussi dynamique et riche (dans tout les sens) comme celle de Bamenda et les environs (sans compter la diaspora) puisse manquer autant d’infrastructures… Cette histoire d’horreur ne se répète t-elle pas ailleurs au pays de Roger Milla et autres Patrick Mboma et Samuel Éto’o ? Si vous n’avez pas la réponse, vous la saurez et la verrez à nos prochaines destinations.
Kisito NGALAMOU à Bamenda, ngalamou@camfoot.com