Passé les flonflons et les fastes de l’après décès du regretté Marc Vivien Foé, international Camerounais, le grand émoi et l’immense consternation qui avaient frappé le monde entier sont retombés. Place maintenant à l’oubli. 26 juin 2003 -26 juin 2006. Trois ans déjà que ‘’l’immortel » Foé s’en est allé. À la 72è minute de la demi-finale de la Coupe de confédération qui opposait le Cameroun à la Colombie, Marc Vivien Foé (MVF) s’est écroulé. En mondo-vision ! Au stade Gerland de Lyon, la ville adoptive du défunt Lion indomptable. La planète entière s’était arrêtée pour écraser une larme en l’honneur de Marco.
Trois ans et une montagne de promesses non tenues par le monde entier plus tard, la commémoration de la mort du légendaire géant, au propre comme au figuré, se déroule dans l’indifférence totale. Ce 26 juin 2006 est passé presque inaperçu. Pas de cérémonies officielles. Seuls, les membres de la famille et quelques amis de la Fondation Marc Vivien Foé se sont recueillis lors d’une cérémonie sobre à Mkomo-Okoui, une bourgade de Yaoundé. Dans ce ‘’jardin secret de Marc Vivien Foé ” les proches du défunt ont posé des gerbes de fleurs sur le mausolée du Lion indomptable. Rien avec les fastes qu’on se serait attendu de ce héro tombé au champ d’honneur. Dans ce lieu chargé d’histoire, le chantier abandonné de MVF affiche grise mine. La Fondation Marc Vivien Foe qui devait voir le jour et contribuer à l’éducation et la formation des jeunes footballeurs Camerounais est abandonnée. Pas une pierre de plus ne s’est ajoutée depuis le décès de Marco.
Promesses non tenues
« Les travaux sont arrêtés ! » lance Jean-Claude Mbida Mbida, le coordonnateur général de la Fondation Foé. Depuis le 23 juin 2003, le temps a suspendu son envol sur ce projet cher, très cher à Foé. Pour sécuriser les lieux, les parents de l’ex ‘’tour de contrôle » de l’Olympique Lyonnais (Ligue 1 française) ont entrepris les travaux de construction d’une clôture qui, malheureusement, s’est effondrée sur près de 270 m, laissant ainsi libre cours au vol des biens et matériels de toutes sortes. Jean-Claude Mbida Mbida dresse l’état du gigantesque chantier abandonné : « les Coûts des équipements acquis par Marc Vivien Foé (disponibles) : 800 000 000 Fcfa. Coûts des constructions réalisées : 780 000 000 Fcfa. Coût de l’acquisition des terrains : 100 000 000 Fcfa. Total : 1 680 000 000 Fcfa. Le montant des travaux qui reste à réaliser s’évalue à environ : 2 938 000 000 Fcfa. Le complexe sportif coûtera au total : 4 618 000 000 Fcfa. »
Trois ans après, les fonds promis par plusieurs institutions internationales et personnalités aux lendemains du décès de Foé, la Fondation éponyme attend en vain la concrétisation des engagements. Tout le monde, tel des acteurs de théâtre après leur prestation, a quitté les planches. Même ses ex-coéquipiers de l’équipe nationale du Cameroun, les Lions indomptables. On se souvient, lors de la première année de commémoration, un journal sportif avait organisé un tournoi de football des Centres de formation le 26 juin 2004 sur le site de la Fondation Foé. Pas un Lion indomptable (dont plusieurs étaient pourtant en vacance au Cameroun) ne s’était déplacé en ce jour mémorable pour s’incliner sur le mausolée de Foé.
Une indifférence générale qui tranche nette avec la grande mobilisation qui était observée après le décès de MVF. Un grand joueur mort au rond central du stade de Gerland à Lyon un 26 juin 2003. Pour cause, selon les médecins de la Fédération française de football et de la Fifa (fédération internationale de football association) de «d’une arythmie cardiaque imputée à une somme d’efforts qui s’inscrit dans la durée ». L’autopsie a révélé que MVF souffrait d’une hypertrophie cardiaque congénitale du ventricule gauche et d’une hypertrophie du ventricule droit associée à une insuffisance de développement de la pointe du coeur. Une thèse qualifiée de « farfelue » par des médecins tels que le Dr Armand Nghemkap, spécialisé en médecine du sport et en médecine d’urgence, qui reste « persuadé que la mort de Foé [causée entre autres par une incurie médicale, ndlr] était évitable ».
Constellation de compassions
Dans la foulée, des obsèques mondiales sont organisées à l’hommage du Lion de Lyon. La ville française, lors d’une cérémonie fort émouvante, a pleuré à chaude larme son héros. A Yaoundé, le président de la République, Paul Biya, lors des obsèques nationales, s’était déplacé en personne pour venir s’incliner sur la dépouille du milieu du terrain à la cathédrale de la capitale camerounaise.
Pour compatir avec les proches du défunt, une pluie des messages de condoléances s’est abattue sur la famille Foé. Le président de la Fifa, Sepp blatter, le président de la Caf, Issa Hayatou, le président de Lyon, le président de la Fécafoot, Iya Mohammed, les autorités camerounaises, les Lions indomptables, les milliers d’anonymes, etc. Dans ce contexte de compassion générale, les promesses fusent de partout. Les institutions internationales et nationales sportives rivalisent de serments.
Trois ans après, Marie Louise Foé et ses trois enfants, même s’ils sont à l’abri du besoin, sont abandonnés à eux-mêmes. L’exception vient de Gregory Coupet, gardien de l’équipe de France et ex-coéquipier de Foé à l’Olympique Lyonnais, qui continue de prendre en charge l’un des fils du disparu. En décembre dernier, la veuve Foé qui a « demandé au tribunal de reconnaître que l`employeur de son mari au moment du décès était bien l`Olympique Lyonnais (OL) [et non Manchester City où Foé était prêté, ndlr] et ainsi qu`il dépendait de la sécurité sociale française » est bouté de sa plainte (!?), a annoncé l`avocat de Marie-Louise Foé, Me Prosper Abega, qui avait promis de faire appel.
Pour ce qui est des hommages, ils furent nombreux. Un « match de l’Amitié » ayant opposé Lions indomptables aux anciens coéquipiers de Foé en Europe, est organisé par Basile Boli le 11 novembre 2003 au stade Gerland de Lyon. Une semaine auparavant, quelques artistes Camerounais font une exposition de peintures en l’honneur de Marco. A Yaoundé, les autorités baptisent une rue du nom du Lion indomptable : « Avenue Marc Vivien Foé ». Les artistes locaux ne restent pas à la remorque. Les professionnels des pinceaux et de la toile ‘’croquent » Foé sous toutes les coupes sur …la muraille de l’Université de Yaoundé I. Le Cameroun entier s’était vidé de ses larmes pour pleurer ce grand, calme, doux, aimable, respectueux ‘’Lion au cœur de Lion ». Toutes les personnes qui l’ont connu de près ou de loin, lui colle unanimement un qualificatif : Humilité.
Mille dommages !
Trois ans après, le monde entier semble déjà avoir oublié son ‘’héro ». Toutes les promesses sont restées vaines. La commémoration du décès de Foé s’est déroulée dans un silence assourdissant. Le Cameroun et le monde entier ont-ils donc la mémoire si courte ? Toutes les larmes (de crocodiles) versées sur la dépouille de Foé étaient donc hypocrisie ? Le Cameroun, une fois de plus, a raté l’occasion d’entrer dans l’histoire en honorant un digne fils mort au champ d’honneur. A la fédération camerounaise de football (Fécafoot), on semble avoir oublié un géant appelé Marc Vivien Foé dont la mort a laissé un grand vide au milieu du terrain de l’équipe nationale. Dans un pays où les infrastructures constituent un problème crucial, la finition de la Fondation Foé aurait été une belle opportunité pour plusieurs générations de jeunes Camerounais. Mille dommages !!!
Eric Roland Kongou, à Douala