Le refrain est connu tellement il est récurrent. A la veille des compétitions dites d’envergure, le Cameroun préfère se doter d’un sélectionneur étranger, après qu’un local ait assuré l’intérim dû au départ d’un autre expatrié. Au passage, le « local » réussi à qualifier le pays pour ladite compétition, avant que l’équipe ne lui soit retirée quand les choses commencent à être « sérieuses ». Nos sélectionneurs locaux sont ils donc si peu qualifiés pour la haute compétition ?
Certes rien n’est encore joué. On ne connaît pas encore la nationalité du prochain coach des Lions indomptables. Mais sans vouloir aller trop vite en besogne, il semble quand même peu probable qu’un coach local soit désigné à l’issue du récent « appel international à candidatures » pour doter notre équipe fanion d’un coach. Sinon pourquoi étendre l’appel hors de nos frontières ? Les Lions indomptables attirent encore et le lobbying a commencé. Du reste aucun camerounais ne figurait dans la short-list établie au cours du précédent recrutement de sélectionneur entamé par la Fécafoot.
Pourtant, le tableau de chasse des « locaux » n’est pas si mauvais. Il est même plus qu’honorable ; une médaille d’or aux Jeux Olympiques de Sidney en 2000 (peut être le plus gros coup du Cameroun sur la scène footballistique internationale) sous la direction de Jean Paul Akono, et plusieurs médailles en or aux Jeux africains. Certains détracteurs diront que le niveau est un cran plus bas. Mais en 2000 à Sidney, les équipes en compétitions n’étaient pas que constituées de joueurs espoirs. Et puis, plus d’un expatrié a échoué à ce niveau ailleurs. D’autres se souviennent amèrement de quelques échecs de l’équipe nationale dans certaines compétitions, comme par exemple la CAN 1996 en Afrique du sud, où Jules Nyongha dirigeait l’équipe. Mais, c’est le prix de l’apprentissage. On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. La réussite est d’autant plus savoureuse qu’elle vient après plusieurs échecs. Pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’Egypte dernière championne d’Afrique avec un coach local ? Longtemps chahuté au moment de sa nomination, ce dernier a réussi a faire taire les critiques.
L’on se plaint que les coachs locaux n’ont pas toujours les mains libres pour travailler. Ils sont exposés aux pressions et interférences de certaines personnalités dans l’ombre, et à la tentation de procéder au clientélisme dans la sélection des joueurs. Comment ne pas en être autrement quand ils sont méprisés et clochardisés ? Leur salaire est dix à vingt fois inférieur à celui d’un expatrié et ils ont peu de moyens pour travailler. Jules Nyongha se plaignait récemment de n’avoir même pas assez de crédit téléphonique pour communiquer avec les joueurs !
Avec les expatriés, la situation n’est pas souvent différente. Dès leur arrivée, ils exigent avoir les mains libres et tout le nécessaire pour travailler, et au moment où ils se retirent sur la pointe des pieds, ils évoquent les interférences dans leur travail et les moyens insuffisants pour accomplir leur mission. C’est d’ailleurs l’une des raisons qu’a évoqué Arie Haan pour justifier sa désertion. Du côté des interférences, on se souvient par exemple de Roger Milla, imposé au Français Henri Michel lors de la coupe du monde 1994 aux Etats-Unis, alors que ce dernier le trouvait trop vieux pour la compétition. Très souvent, c’est du côté de nos dirigeants que viennent tous les problèmes.
Le Cameroun ne court pas de grands risques en tentant vraiment l’aventure internationale avec un sélectionneur national. Surtout quand les joueurs apportent leur soutien au staff, comme cela a été le cas pour la bande à Jules Nyongha soutenue à l’issue du match contre le Rwanda par Rigobert Song et compagnie. Le seul véritable risque encouru est celui de se casser les dents. Mais la peur d’échouer constitue souvent le plus grand des blocages aux grandes aventures. Et puis le Cameroun n’en est pas à son premier échec, et dans bien des cas c’est un expatrié qui se trouvait sur le banc de touche.
Steve LIBAM