On le savait tous : la grande urbanité, les bonnes manières et autres mimis mouillés que se faisaient le MINSEP et la Fécafoot en terre ghanéenne ne pouvaient pas durer longtemps. Il y a, entre M. Edjoa et M. Iya, un fossé d’incompréhension et de suspicion qui se creuse au fil des jours. Les horions qu’ils s’échangent par gazette interposée n’ont rien à envier aux avatars de la mauvaise humeur sociale qui s’est libérée dans les villes du pays, entraînant dans son sillage des tragédies indicibles et écornant l’image saugrenue du Cameroun pays apaisé.
Surtout, cette fois-ci, que Mvomeka ne bouge pas ! Ou que ce soit uniquement pour sonner l’hallali. On veut, à défaut de sang, un k.o technique ou un jet de l’éponge. Assez d’une guerre larvée qui n’en finit plus, assez de combats à fleuret moucheté, assez de petites indiscrétions, assez de noms d’oiseau, assez de petites phrases assassines, assez de kongossa ! La ville est devenue trop petite pour M. Iya et M. Edjoa. Sacrés galopins, il faut les tenir à l’œil, ces deux-là !
Les Latinos ont un terme terrible et tellement approprié pour la situation actuelle. Ils parlent aisément de « cojones » lorsque vient le temps de montrer qui est qui. C’est quelque chose que les hommes, les vrais, ont là où il faut ; c’est une façon qu’ils ont de montrer qu’ils ne reculeront jamais, une attitude immensément machiste qui est interprétée au choix comme symbole de courage et de détermination ou comme une bravade insensée. Nos deux champions ont-ils des cojones là où il faut?
Idéologiquement parlant, nous ne cachons pas, à Camfoot, notre conviction que seule la Fécafoot a la légitimité voulue pour organiser et gérer le football dans notre pays. Nous entendons, à cet égard, épouser les pratiques en cours dans les pays de football de renom et ainsi contribuer à moderniser au moins un pan de la vie camerounaise. La fédération argentine, la fédération sud-africaine ou la fédération allemande, pour ne citer que celles-là, sont des institutions nationales qui mènent une action reconnue avec l’autorité et la liberté voulues. Nous voulons que la Fécafoot soit aussi puissante, aussi performante et aussi jalouse de son image que ces grandes fédérations. Nous voulons que les pouvoirs publics la laissent tranquille.
L’argument voulant que le football étant une activité amateur au Cameroun soit régi par les pouvoirs publics est au mieux risible et, au pire, cynique. Peut-on citer une seule institution, une seule unité de production ou une unité marchande gérée par les pouvoirs publics camerounais qui marche selon les règles de l’art et à la satisfaction du plus grand nombre ?
Force est donc, pour nous à Camfoot, de donner notre appui de principe à la Fécafoot et de faire nôtre sa querelle. Mais ce faisant, nous n’accordons pas un blanc-seing à son président, que nous avons grondé à plusieurs reprises. Nous ne comprenons pas la propension que M. Iya a à larmoyer dans les journaux au lieu de prendre une attitude plus offensive. Doit-il toujours attendre qu’un MINSEP de passage le traite comme un gamin pour réagir avec la mollesse qu’on a remarquée dernièrement ?
La principale arme de la Fécafoot est l’opinion publique. Mais pour entretenir cette opinion publique et cette bonne volonté populaire qui lui sont acquises en principe, la Fécafoot doit prendre les devants et expliquer, ad nauseam s’il le faut, les grands axes de son action. C’est la seule façon qu’elle a, en face d’un MINSEP provocateur, d’établir un rapport de forces favorable.
L’argent est le principal boutefeu, c’est regrettable, mais c’est toujours comme ça chez nous. Il ne faut pas se voiler la face : l’intérêt du sport est sans doute relativement accessoire. Sur le front du fric, donc, M. Iya doit être exemplaire, vierge et sans reproche. Combien la Fécafoot reçoit-elle de la FIFA, des sponsors, du MINSEP ? Combien dépense-t-elle en appui à ses programmes ? Quel système de contrôle interne a-t-il mis en place ? M. Iya peut nous dire, au moins nous donner un ordre de grandeur, combien d’argent il a reçu de la FIFA en 2007 et ce qu’il en a fait ? La subvention de la FIFA est-elle, comme il l’a dit, conditionnelle à la qualification des Lions à la Coupe du monde ? D’où sort cette histoire ?
Les explications de M. Iya valent ce qu’elles valent, mais elles manquent de punch, justement parce qu’elles partent d’une position défensive. M. Iya et la Fécafoot ont un énorme problème d’image à régler, et les nombreuses casseroles que traîne l’institution n’arrangent pas les choses. L’occasion est bonne pour aller à l’offensive.
M. Edjoa, autant que je sache, est le premier ministre des Sports à reconnaître publiquement que le rôle de son département est d’élaborer des politiques générales, de surveiller et de contrôler. C’est un élément très important et positif que nous saluons et qui nous paraît porteur de bonne volonté. Après tout, si M. Edjoa reconnaît le rôle que nous pensons qui est le sien, pourquoi ne finirait-il pas par admettre que son travail n’est pas de recruter des entraîneurs, de payer des primes, de payer des billets d’avion ni de faire voter des budgets alors que la plupart des frais sont déjà pris en charge par la CAF ou la FIFA ?
Le MINSEP est déjà dans les cordes. Il n’est pas groggy et il ne va pas tomber, mais je crois qu’il s’écarterait volontiers si M. Iya voulait enfin convaincre qu’il peut occuper tout le ring. La question qui se pose est une question de crédibilité, de réputation, de soin avec lequel on protège son image et celle de l’institution dont on a la charge. C’est capital. Il n’est peut-être pas nécessaire de se battre à mort.
Alors, à défaut d’amour, je propose la culture de l’intégrité et le sens du service public. Que nos deux champions gardent leurs « cojones » pour en faire un meilleur usage ailleurs. Les insultes publiques et les suspicions d’incompétence ou d’indélicatesse sont des manifestations lamentables, mais elles montrent le manque de respect et de confiance que nous avons les uns envers les autres, parce que, inconsciemment, nous croyons que nous sommes tous pourris. Alors, forcément, on excipe de la supposée turpitude intrinsèque du Camerounais pour voir dans toute action un comportement interlope ou à la limite mafieux. C’est ridicule.