Les changements de maroquin auxquels se livre tous les dix-huit mois notre grand Manitou suscitent invariablement appréhensions et passions de tous genres. Je n’ai jamais osé, de toute ma vie de scribe, commenter ni, Dieu m’en garde, critiquer le choix du dirigeant que le monde entier nous envie. Notre Manitou, comme tous les manitous, n’est pas obligé de quoi que ce soit. Et c’est bien comme ça.
Cette fois-ci toutefois, je ne peux plus rester sur mon quant-à-soi. Je désire publiquement dire ici, au nom de la famille des Lions indomptables, qu’en gardant M. Edjoa, Augustin, Thierry, à la tête des Lions et, accessoirement, du sport en général, M. Biya mérite toute notre gratitude. Félicitations donc, Monsieur le Président, et merci pour votre choix.
Cela dit, M. Edjoa n’est quand même pas peu méritant. Je sais bien qu’il y en a qui murmurent dans les rangs, qui cherchent des morpions au ministre, qui râlent et qui vont même jusqu’à railler. Ne disent-ils pas qu’aucun chantier significatif n’a été mené à terme, qu’aucune réforme n’a été entreprise sur des bases claires, qu’aucune orientation n’a été imprimée au sport camerounais, qu’aucune modernisation ni des Lions ni du sport en général n’a été engagée ? Les gens sont méchants, vous savez ?
Moi-même, si je ne me retenais pas, je sortirais bien une vacherie ou deux. Mais on ne se refait pas, et je me bornerai simplement à rappeler que les Lions indomptables sont tombés depuis le 19 septembre au 25e rang des sélections nationales, derrière les Aigles verts du Nigeria. Dois-je également rappeler que cette vertigineuse chute ne saurait être attribuée aux deux lamentables personnages qui ont précédé M. Edjoa ?
Mais cela n’est rien, car contrairement à ce qu’on pense, l’objectif d’un ministre est surtout de durer. Laissez de côté les distractions que représentent les cahiers des charges, les termes de référence, les chantiers nationaux, les grandes ambitions, l’idée du service public, le bien-être du plus grand nombre… N’ai-je pas encouragé le ministre, sur cette page, à se caler le plus confortablement possible dans son fauteuil et à bouger le moins possible ? Dans les temps qui courent, pour durer, il ne faut surtout pas s’occuper des choses qui vous regardent. M. Edjoa, je crois, l’a bien compris : parti comme il est, ne vous étonnez pas s’il devenait le ministre des sports le plus récidiviste de notre histoire.
Alors, laissez-le tranquille et ne le poussez pas à se mêler de ses affaires. La énième affaire Mbango a failli mal tourner pour lui, et cela aurait été de votre faute. J’entends dire de plus en plus que sept mois pour trouver un coach pour les Lions, c’est trop long et à la limite ridicule. Je vous arrête tout de suite, et je conjure le ministre de ne pas se laisser entraîner dans ce guêpier. Prudence. Est-ce que le coach des Lions est l’affaire du ministre, vraiment ? M. Iya, suspect habituel, est là, non ? Comme son Manitou à lui est inatteignable à Zurich, M. Iya ne risque rien. Alors, forcément, si ça grince, c’est sa faute à lui. Comme de toutes les façons les Lions ne gagnent plus et ne semblent pas donner des signes de grande vigueur pour les échéances prochaines, je vous conseille encore, M. Edjoa, de prendre un peu de recul, de lire la poésie tibétaine, de donner encore un peu plus de corde à M. Iya, qu’il se pende donc tout seul. Vous avez pour mandat de résister. Réussissez, et le reste vous sera donné par surcroît.