Dans l’équipe du Cameroun de football, tout change mais rien ne change. Si oui, dans le sens du pire. On savait que notre sélection était, depuis longtemps, l’exemple à ne pas suivre dans son mode de fonctionnement : championne du monde de l’improvisation, de l’amateurisme administratif et des tripatouillages divers.
Mais, jusque là, on n’avait pas encore entendu des histoires du genre : un joueur, régulièrement convoqué et qui a répondu présent, n’a pas pu être aligné en match officiel parce qu’il ne possédait pas son passeport camerounais, ou parce qu’il est menacé de suspension par la Fifa pour tricherie sur son identité. Ce fait insolite est pourtant arrivé en début de ce mois, la veille de Cameroun-Bénin, premier match des éliminatoires Coupe du monde/Coupe d’Afrique des nations 2006, auquel les joueurs Idrissou Mohamadou (pardon Mohamed) et Pius N’diéfi n’ont pas pris part.
Pour une fois, le sélectionneur national, l’Allemand Winfried Schäfer, s’est indigné publiquement de cette situation pour le moins burlesque. « Il y a des situations inadmissibles dans l’équipe. Ce n’est pas normal que 24 heures seulement avant le match face au Bénin, que mes collaborateurs m’informent que je ne peux pas utiliser Idrissou parce que celui-ci a des problèmes administratifs avec la Fifa. Personne ne me dit clairement quel est le problème de ce joueur », a t-il confié à notre confrère Cameroon Tribune. Selon notre enquête, Idrissou Mohamadou aurait changé d’identité en émigrant en Allemagne, pour devenir Idrissou Mohamed, avec naturellement un âge conséquent. En froid avec son agent à la fin de cette saison professionnelle en Europe, ce dernier aurait alors décidé de tout déballer, mettant ainsi le joueur camerounais en faux avec les règlements de la Fifa.
Manifestement hors de lui, le technicien germanique hurle de rage : « Il faut que les gens fassent leur travail! » Qui visait-il dans « les gens »? Probablement la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) sa tutelle technique, certainement les services du ministère de la Jeunesse et des Sports (Minjes) son employeur et régisseur de fait de l’équipe du Cameroun de football. Plus précisément, la cellule administrative provisoire des équipes nationales, une survivance de l’ère Bidoung Mkpatt, avalisée par le nouveau patron des lieux, Siegfried David Etame Massoma.
Flou artistique
Le coach des Lions indomptables a du reste d’autres raisons d’être fâché. Il n’a pas reçu de salaire depuis six mois. On se demande encore comment cela est-il possible, étant entendu que le salaire de l’entraîneur national sélectionneur est budgétisé au Minjes. M. Schäfer n’a peut-être rien fait d’intéressant depuis six mois pour le mériter, mais son salaire est une obligation contractuelle à remplir absolument par son employeur. Les explications que donnent le directeur des sports au Minjes, dans la même édition de Cameroon Tribune, sont peu convaincantes : « Les salaires des cadres expatriés ne devraient plus être payés au coup par coup. L’on est en train d’étudier une nouvelle formule afin que le salaire soit plus régulier ».
Depuis six mois, on étudie au Minjes la meilleure façon de payer le salaire de l’entraîneur des Lions indomptables. Et comme ceux-ci ne gagnent plus sur le terrain, on ne peut pas dire que Winnie Schäfer vit de ses primes de victoire. De quoi vit-il donc?
« Je ne dois pas négocier des matches amicaux pour l’équipe. Maheureusement, je suis obligé, par amour pour mon équipe, de m’occuper des domaines qui ne sont pas de ma compétence. Mais, cela ne peut pas durer », continue à se lamenter le technicien aux cheveux blonds. Fini donc la langue de bois et les déclarations de façade auxquelles il nous avait habitués jusque là, et selon les quelles l’équipe est bien préparée. Winfried Schäfer avoue que l’équipe qu’il dirige est managée à la petite semaine, sans match de préparation, sans organisation administrative fiable. Comme si le pilotage automatique était devenu la norme, qui nous permettrait ad eternam de faire des miracles à chaque fois. Mais, dans quel pays les miracles se produisent-ils tous les jours?
E. G. S., Mutations