Il faut une intelligence à toutes choses, un tact à toute démarche. Exactement comme une gamine qui ne voit pas ses règles depuis une semaine, croyant en une grossesse et supputant sur la farouche réaction de ses parents, les autorités sportives du Cameroun, malgré un faux stoïcisme qu’elles présentent après le match nul concédé à Garoua contre la République Démocratique du Congo, ont perdu toute lucidité. Et du coup, elles ont commis trois erreurs majeures.
Après le discours en langue de bois, les autorités au rang duquel le ministre des sports et le Président de la Fécafoot, ont fini par accepter par leurs actes, qu’il y avait bien des « suspendus », des « bannis » ou des « écartés », appelez-les comme vous voulez, au sein des Lions Indomptables. L’aveu vient d’être fait, avec la mission de réconciliation de Roger Milla, envoyée en ballade en Europe. Et c’est là que se trouve la première erreur.
Dans le vent de panique et de peur, les autorités du football n’ont pas compris que le contexte était primordial à considérer pour engager des débats avec des joueurs officieusement écartés de la sélection pour des questions de discipline. Après le laborieux match nul contre la République Démocratique du Congo, aller à la recherche des joueurs suspendus, sonne comme un aveu d’impuissance, mieux montre qu’ils sont les messies qui manquent à la sélection. Et ça même si c’était vrai, il n’était pas question de le montrer, parce que Milla et compagnie, vont négocier en position de faiblesse, face à des ego qui se savent incontournables en sélection, face à des ego qui veulent porter le manteau de messie qu’ils ne sont pas et ne seront jamais. Leur faire les salamalecs, moins de deux semaines après la catastrophe du Nord, qu’on le veuille ou non, n’a pas une autre signification et avec un peu d’intelligence, on aurait pu se donner encore un peu de temps ou simplement le faire après qu’on ait relevé la tête de l’eau. C’est la première erreur.
Roger Milla, Tombi a Roko, Francis Mveng, sont à n’en point douter des personnages de poids dans l’appareil de gestion du football camerounais aujourd’hui. Mais ce casting de réconciliation, est un mauvais casting pour plusieurs raisons. Le ministre des sports a décidé ouvertement de fragiliser son encadrement technique. Le dossier de retour en sélection de certains joueurs aurait dû être confié à Clemente et son staff pour garder intacte leur autorité. Un joueur qui sait que sa sélection ne dépend pas de la seule volonté du staff technique n’aura que du mépris pour lui. Cette délégation donc, s’il y avait nécessité de l’achalander par d’autres personnes, aurait due être conduite par Javier Clemente lui-même. Et puis, le retour en scène de Roger Milla à la suite de son retour en grâce auprès de Samuel Eto’o, avec la médiatisation qui s’en est suivie, n’est pas un argument sain de négociation, puisque les suspicions vont entourer les actes, même ceux de bonne foi qu’il va initier. Tombi à Roko qui est à ses côtés, il y a quelques semaines, était en guerre ouverte avec lui. Ils viennent d’être réconciliés par Samuel Eto’o.
Même s’il est Secrétaire Général de la Fécafoot, il n’aurait pas dû être associé à ces négociations, pour éviter tout amalgame. Francis Mveng lui n’est là que parce que Iya Mohammed a choisi depuis longtemps de faire la politique de la discrétion là où on a besoin de lui. Ayant présenté les vertus du vice président le plus médiatique et le plus rigoureux, se trouve être désormais à tous les fronts, mais là il n’a rien à faire.
Patrick Mboma qui a été coopté à cette sélection comme coordonnateur général, aurait dû être là. Le casting a donc été mal fait. Et c’est la deuxième erreur.
Après les évènements de Knysna en Afrique du Sud, c’est au siège de la fédération française de football, que Ribery qui joue en Allemagne, Henry qui joue aux Etats Unis d’Amérique, Abidal qui joue en Espagne…étaient convoqués pour répondre de leurs actes. Ni Jean Pierre Escalettes, ni Frédéric Thiriez, ne se sont déplacés pour aller à leur rencontre. Comment donc on peut décider d’aller à la rencontre des joueurs sanctionnés au lieu de les convoquer pour s’expliquer ? Autant la Fécafoot a manqué d’autorité pour sanctionner les joueurs responsables des actes intolérables en Coupe du monde, autant elle est entrain de se fragiliser en donnant l’impression au coupable qu’il est la victime. Drôle de justice ! Il y a encore une semaine, Alexandre Song était au Cameroun pendant que ses coéquipiers étaient à Garoua. Donc il peut tout aussi bien faire un saut au Cameroun pour s’expliquer.
Il y en a qui vont me dire que ces joueurs sont en plein championnat. D’accord, mais rien ne presse et on n’avait qu’à attendre le prochain stop dans le calendrier Fifa. Et puis, passer le temps à résoudre les problèmes du Cameroun à Paris, donne l’impression, même à Clemente à qui on demande de résider au Cameroun, que les problèmes des Lions peuvent être réglés ailleurs qu’au Cameroun. C’est la troisième erreur.
J’ai donc peur que comme dans la fable de La Fontaine des « voleurs et l’âne », qu’un troisième larron vienne saisir Maître Aliboron. Le problème ici, c’est que l’âne c’est les Lions Indomptables et le troisième larron, c’est l’élimination pour la Can 2012 qui nous guette. Voilà le Problème !
Autant on ne change pas la société par décret comme le disent les sociologues, autant, on ne peut réconcilier avec un coup de baguette magique, des joueurs qui ont des choses à se reprocher, plus en dehors du terrain et des vestiaires. On va tuer la relative accalmie observée au sein des Lions. Et puis, où est Rigobert Song dans cette délégation, lui qui avait recruté ces généraux pour le combat au front ? Il faut qu’il vienne lui-même leur rappeler que les hostilités sont finies… qu’ils ont perdu la guerre et la bataille.