Madame Song, la mère d’Alexandre Song, aurait conseillé quelque chose à son footballeur de fils. On est pratiquement voisins, mais elle n’a pas demandé mon avis, et je serais très surpris si elle avait demandé l’avis de M. Zoah, pourtant ministre du football. Je suis nettement étonné d’apprendre que M. Mveng, que je croyais quelque part en Afghanistan, en Birmanie ou au Yémen, à la tête d’une forte délégation chargée de la mission essentielle de convaincre quelque dissident, aurait été dépêché à Douala pour amadouer la maman très remontée contre le supposé lynchage médiatique dont ferait l’objet le diamant brut qu’elle a donné à la République.
M. Zoah, je le rappelle, est le ministre de la République en charge de la politique nationale relative au sport. Le sport sous toutes ses formes. En cette fin d’année, le ministre, on le croyait, consacrait le plus clair de son temps à trouver un moyen rapide pour construire trois stades et ainsi dépenser à bonne fin la très importante dotation budgétaire qu’il a découverte par mégarde il y a quelques mois. M. Mveng, apothicaire de son métier, est un employé de la Fécafoot. C’est l’organisation chargée de faire marcher le football au Cameroun et, accessoirement, de gérer la conduite d’un championnat crédible.
Il me semble que ces deux personnages ont des choses à faire. Je n’ai pas à revenir sur la déplorable situation du championnat de football à l’aube de la nouvelle saison. C’est scandaleux et honteux. Je n’ai pas à vous rappeler que M. Zoah n’a ouvert aucun chantier à Matomb et que, depuis qu’il a repris les primes de Linus Fouda et de Madame Betala et qu’il a découvert un magot caché dans son budget, il nage pratiquement dans le blé. Mais voilà : on n’entend parler du ministre des Sports que lorsqu’il est question des Lions ; M. Mveng ne nous rappelle à son souvenir que lorsqu’on pense à Arie Han ou lorsqu’on lit les comptes rendus de ses nombreux voyages.
Une délégation financée par les fonds de la République dépêchée de toute urgence pour rencontrer une mère de famille qui aurait une certaine idée sur l’avenir professionnel de son fils ? Je ne rêve donc pas ? Un footballeur, qui vit et travaille hors du Cameroun, qui ne paie donc pas d’impôt direct dans notre pays, serait l’objet de la sollicitude au plus haut niveau de l’État parce qu’on croit qu’il est à ce point utile à la République ? Que le Cameroun en a plus besoin que de tout autre de ses enfants ?
Cette incroyable dévotion que nous plaçons sur le moindre footballeur n’expliquerait-elle pas les difficultés que connaissent actuellement les Lions à cause de la morgue de certains des cadres de l’équipe ? Expliquez-moi en quoi le Cameroun a plus besoin d’une équipe nationale de football que d’un centre de santé bien équipé à Banyo. De quel droit un ministre de la République dépenserait-il des fonds publics, sans l’autorisation du Parlement, à des fins qui ne concourent en rien à sa mission de garant du service public, c’est-à-dire d’un service qui profite au plus grand nombre possible de Camerounais ?
M. Song, M. Emana, M. Eto’o et tous les autres ne méritent aucun traitement de faveur de la part de la République. Ils exercent leur métier et sont libres d’offrir leurs services à qui ils veulent. Nous formulons le vœu qu’ils jouent dans notre camp ; nous ne leur devons rien, ils ne nous doivent rien.
Alors, Madame Song, en bon voisin, je vous dis : n’ouvrez pas votre porte. Votre fils fait très bien ce que le Cameroun souhaite pour tous ses enfants : il travaille dur ; il aime sa famille et en prend soin ; il est respecté. Nous n’avons rien de plus à lui demander et, dans la situation actuelle, nous vous avisons que M. Zoah et M. Mveng ne représentent pas le Cameroun ni les Camerounais. Que votre fils ne joue pas s’il ne veut pas jouer. Nous serons déçus, mais ce sera tout. Nous promettons de pas le tuer pour cela. Et aussi, je vous prie de transmettre aux mamans de tous les autres footballeurs camerounais cette simple prière : pardon, qu’elles disent à leur fils de ne pas jouer dans notre équipe. Nous n’en voudrons à personne parce que ces gens-là ne nous doivent rien. Mais qu’ils sachent aussi que nous ne leur devons rien. Et que cette comédie finisse enfin.