Ils se sont remis à rêver, tous les « sorciers blancs » depuis qu’Etame Massoma a mis un terme au contrat de Winfried Schäfer à la tête des Lions indomptables. D’ailleurs, selon les dires du MINJES lui-même, certains d’entre eux avaient déjà été contactés par ses services avant la dérouillée du 17 novembre à Leipzig. De là à imaginer qu’ils aient un peu poussé au crime, il n’y a qu’un petit pas mais je n’oserai pas le franchir, faute de preuves, comme on le dit chez nous.
Je ne m’attarderai pas sur le profil idéal de l’entraîneur qu’il faut aux Lions indomptables. En réalité, cela n’est pas mon souci majeur. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un Directeur général. Le rôle d’Etame Massoma et de ses collaborateurs doit être de recruter à la tête des Lions indomptables un véritable patron qui ait le dernier mot sur le choix des systèmes de jeu, la sélection et la convocation, l’encadrement technique et psychologique, ainsi que la préparation physique des joueurs. Des exemples abondent de grandes nations de football qui ont fait ce choix avec bonheur: le Brésil, l’Argentine, l’Angleterre, l’Italie, la France, le Portugal etc.
Dès lors que les pouvoirs sont ainsi clairement définis, les qualités attendues de l’homme tombent sous le sens. Qui peut imaginer que Mario Zagalo ait peur de faire sortir Samuel Eto’o Fils quand il pense que sa présence sur le terrain n’apporte plus rien à l’équipe ? On a vu de quelle manière Luiz Felipe Scolari a tenu Romario à l’écart de la Seleção, malgré les objurgations du Président de la République et les milliers de lettres venues de tous les coins du pays. Qui peut penser que Marcelo Bielsa ait pu tolérer les états d’âme d’un Batistuta si dernier avait laissé paraître sa frustration quand le DT lui préférait Hernán Crespo, son rival à la pointe de l’attaque argentine ?
C’est dire que ceux qui insistent sur la nécessité de rechercher un homme à poigne susceptible de ramener la discipline au sein des Lions indomptables et de rajeunir la sélection abordent mal le problème. Tout entraîneur digne de ce nom sait que l’indiscipline, l’aventurisme et le clientélisme sont le meilleur gage d’échec. On n’a pas besoin de le lui rappeler. Le règlement intérieur de l’équipe nationale est affiché sur le site internet de la FECAFOOT. Il ne demande qu’à être appliqué.
Pourquoi donc nous rabat-on les oreilles avec ces histoires ? Une chose est certaine. C’est une manœuvre de diversion. Etame Massoma ne veut pas d’un DT tout puissant. Il souhaite continuer à jouer aux apprentis sorciers dans les coulisses, imposant aujourd’hui tel gardien de but, demain tel milieu de terrain, en lieu et place du technicien. En cas de réussite, il est adoubé en fin tacticien. Au cas contraire, le technicien est accusé d’incompétence et viré comme un malpropre pendant que lui, comme aujourd’hui, joue au rédempteur.
Demain, quand Paul Biya souhaitera titulariser Alioum Boukar dans les buts en lieu et place de Kameni, on imagine mal Etame Massoma lui conseillant de laisser ces choix à l’entraîneur à poigne qu’il aura recruté. Au contraire, comme Fofe et Bidoung Mkpatt avant lui, il le laissera faire. Alors, à qui veut-on faire accroire ? Nous risquons donc d’attendre encore longtemps avant de voir à la tête des Lions indomptables un DT de la trempe de Zagalo, Tele Santana, César Menotti, Sven-Göran-Eriksson. Or, c’est bien ce dont nous avons besoin actuellement.
Je n’entrerai pas dans le débat « expatriés » contre « nationaux ». Nous avons déjà joué cette partition à l’approche de la Coupe des Confédérations au Japon, avec le résultat que l’on sait. Au risque de surprendre plus d’un, je pense qu’il nous faut un « sorcier blanc »… mais pas n’importe lequel. Il nous faut un vrai, qui a fait ses preuves, au plus haut niveau. J’ai entendu M. le Ministre évoquer du bout des lèvres la connaissance de l’Afrique, sans y insister outre mesure, comme critère de sélection. Je suis d’accord avec lui. De nombreux nationaux pourraient seconder le « sorcier blanc » retenu et lui apporter cette expertise africaine.
Mon rôle n’est pas de recruter le futur sélectionneur mais plutôt d’informer et de tirer la sonnette d’alarme, s’il y a lieu. Si par hasard, je me suis trompé et qu’Etame Masoma cherche un véritable patron pour les Lions indomptables, je lui propose Karel BRUCKNER. C’est l’entraîneur qui me séduit le plus au monde actuellement. On l’a vu à l’œuvre à l’Euro 2004 avec la République tchèque.
Karel Brückner est un homme d’expérience. Il a pris les commandes de l’équipe fanion après son élimination de la course à la phase finale de la Coupe du Monde 2002. Tout de suite, son influence s’est fait sentir sur tous les compartiments du jeu. Ainsi, sous sa direction, la République tchèque n’a perdu que 3 fois en 30 matchs (pour 22 victoires et 5 nuls); Brückner a commencé sa carrière en tant qu’entraîneur de AŠK Inter Bratislava en Slovaquie, sa patrie. Ensuite, il a dirigé la sélection tchèque des moins de 23 ans et les moins de 21 ans. Enfin, il a occupé les fonctions de Directeur adjoint, avant de prendre complètement en charge l’équipe fanion.
Il a refait la carrière de Milan Baroš que Gérard Houiller avait détruite à Liverpool pour en faire le meilleur buteur de l’Euro 2004. Il a su gérer Pavel NEDVED, ballon d’or 2003 et a fait de Petr Cech, un jeune gardien âgé aujourd’hui de 22 ans, l’un des meilleurs gardiens de la planète. Il a su réaliser la transition entre deux générations par un dosage intelligents d’anciens et de jeunes joueurs. Révélation de l’Euro 96 où les Tchèques avaient atteint la finale contre l’Allemagne, l’insaisissable petit milieu de terrain Karel Poborsky est encore là huit ans après. Les centres du joueur du Sparta de Prague sur son côté droit apportent, sans cesse le danger et des buts comme lors des deux premiers matchs contre la Lettonie et les Pays-Bas. L’expérience des anciens, Poborsky (94 sélections, 7 buts) et de l’ancien lensois Vladimir Smicer, est d’un apport essentiel pour tous ses coéquipiers. Brückner ne peut donc pas être soupçonné de vouloir tout déconstruire pour le plaisir de le faire.
Avec Karel Brückner, le collectif tchèque constitue le point fort de l’équipe. Le danger vient de partout. La preuve, ce sont quatre joueurs qui ont marqué les cinq premiers buts de l’équipe à l’Euro 2004 : Baroš, Heinz, Koller et Smicer. Emmenés par le leader Pavel Nedved, les autres joueurs jouent à merveille et ne paniquent jamais. Au milieu de terrain, l’animation est bien ficelée et le ballon est vite porté vers l’avant. Le sélectionneur privilégie le pressing exercé haut et des combinaisons à une touche de balle.
En deux ans, Brückner a réussi à faire de la République tchèque une équipe soudée composée de joueurs de talents. Pour beaucoup de personnes, il est le principal responsable des résultats de l’équipe. «C’est un homme d’une rare qualité, d’une sagesse et d’une expérience incroyables. Entraîner l’équipe nationale est clairement l’apogée de sa carrière», avouait son adjoint depuis six ans Miroslav Beranek. Le sélectionneur fait jouer son équipe en 4-4-2 avec le géant Jan Koller en tour de contrôle. Il est accompagné de Milan Baroš. Au milieu du terrain, on retrouve le détonateur de l’équipe Pavel Nedved, associé au jeune Tomas Rosicky (23 ans) et à l’ancien Karel Poborsky (32 ans). Au niveau tactique, Brückner a opté pour un pressing haut constant sur l’équipe adverse. Le collectif est bien huilé et des joueurs comme Tomas Repka, Patrick Berger, Vladimir Smicer (31 ans, 69 sélections, 25 buts) et Marek Heinz peuvent rentrer à tout moment apporter du sang frais.
Jusqu’à leur sortie sous les ovations face aux redoutables et surprenants Grecs en demi-finale, les Tchèques ont pratiqué un jeu collectif, technique, mordant, et surtout extrêmement séduisant. Pendant le match qui les a vus triompher des Pays-Bas, après avoir été menés au score par 2 buts à 0, Karel Brückner avait pris tous les risques, allant jusqu’à changer de tactique 5 fois à mesure que le score évoluait. La critique a été unanime sur ses qualités. Jean Amadou Tigana disait de lui ce soir là qu’il lui avait donné une véritable leçon de football.
Pendant près d’un an, le Cameroun et la République tchèque ont été 12è ex-aequo au classement FIFA-COLA. Un contrat avec les Lions indomptables ne rabaissera donc pas l’image de marque de l’ancien patron tchèque. La République tchèque et le Cameroun ont aussi autre chose en commun : PUMA. Si Etame Massoma aime vraiment les Lions indomptables et souhaite les voir en Allemagne en 2006, je suggère qu’il passe un coup de fil à PUMA et la marque au célèbre félin facilitera sans doute le contact avec Karel Brückner. Le reste est sans doute négociable, puisque M. le Ministre nous dit qu’il n’y a pas de « problème financier ». Brückner s’exprime dans un anglais intelligible. Voilà un « sorcier blanc » que j’embrasserais bien sur le front. Sinon prière de trouver un vrai équivalent, chers messieurs.
SANGA TITI, sanga@camfoot.com