« Bon, j’ai appris que le match aura lieu le 28 décembre prochain. Je pense que, pour l’intérêt du Cameroun, çà aurait été mieux de jouer en Catalogne où se trouve Samuel Eto’o. Pour ce qui me concerne, tant que je n’aurais pas de réponses à mes questions, je ne me présenterai pas… »
Sur les raisons de sa visite au Messager
Je lis Le Messager, mais, je dois vous l’avouer, je le lis surtout quand il y a un article qui parle de moi. Je lis donc régulièrement les articles qui parlent de moi. C’est vrai que j’avais appris que le grand frère Pius Njawe a eu des problèmes, mais cela remonte à quelques années déjà. Je connais bien le nom du grand frère. A part cela, je ne sais pas grand-chose du Messager. Et, si je suis là aujourd’hui, c’est pour qu’on se connaisse mieux, vous et moi. Je suis venu vers vous tout entier. Derrière le footballeur Samuel Eto’o, il y a d’abord un jeune du quartier New-bell à Douala dont le rêve était de ressembler à Roger Milla. Mon rêve est d’ailleurs toujours de ressembler à Roger Milla. Même si Roger Milla n’a pas gagné tous les titres, pour moi, il reste le meilleur joueur du monde de tous les temps. Evidemment, ce n’est que mon opinion. J’espère que nous allons mieux nous connaître, connaître Samuel Eto’o Fils ; pas seulement le footballeur, mais l’être humain aussi.
Son passage de l’Ecole de football des Brasseries à la Kadji Sports Academy
Je souhaite que ceci soit publié, parce qu’on n’en parle pas souvent. Pourtant, c’est le chemin que beaucoup de jeunes camerounais empruntent par envie de vite réussir. Quand j’arrive à l’école de football des Brasseries du Cameroun, je suis un très bon joueur qui veut réussir. L’année d’après, on m’amène à un tournoi de football à Avignon en France, où je marque beaucoup de buts. Comme tout jeune Camerounais, je pense à l’époque que la France est synonyme de réussite pourtant, ce n’est pas forcément vrai. En France, si vous n’avez pas un travail, la souffrance est votre lot quotidien. Après le tournoi d’Avignon, je voulais rester en France, pour réussir et aider ma famille. Alors, j’ai disparu. Je n’avais que 11 ans et je n’avais pas de papiers. Malheureusement, c’était la période où, si tu n’avais pas de papier, on te mettait dans le prochain avion. J’ai donc passé sept mois dans une maison. La France, je la voyais de ma fenêtre. Ce n’était pas une vie. Ce n’était en tout cas pas ce dont je rêvais. Je ne pouvais pas faire ce que j’aime faire le plus : jouer au football. Alors, un matin, j’ai expliqué à ma sœur Sidonie qui m’hébergeait que je souhaitais rentrer au Cameroun, parce que je ne me sentais pas à l’aise en France. Je me rappelle qu’elle m’avait dit : “ Tu es bien le seul jeune qui n’est pas à l’aise en France ”. Alors, elle s’est débrouillée et m’a acheté un billet à la Camair pour un retour au Cameroun. Aussitôt arrivé à Douala, j’ai décidé de me rendre au Stade de la Réunification de Douala pour assister au tournoi Interpoules. Et là, je suis tombé sur Michel Kaham qui m’a révélé qu’il me cherchait depuis quelque temps. Voilà le début de mon histoire avec la Kadji sports Academy (Ksa).
Michel Kaham m’a amené voir Gilbert Kadji qui m’a posé la question suivante : “ qu’est-ce qu’il te faut pour jouer avec nous, pour venir dans mon centre ? ” Je lui ai répondu : “ mon papa ne travaille pas, si vous lui donnez du travail, ça me va ”. Il m’a demandé si c’était tout, je lui ai dit oui. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans l’équipe de football Ucb en deuxième division du Littoral. Trois mois plus tard, Gilbert Kadji m’a envoyé en vacances à Paris avec d’autres jeunes du centre. Il nous avait alors donné des travellers chèques d’une valeur de 50 milles francs français, soit 5 millions de francs cfa. J’étais avec le jeune Moukwelle et c’est le tennisman Pierre Moudourou qui s’occupait de nous. C’est autant de choses qui ont consolidé mon mariage avec la structure de Gilbert Kadji. Deux ans et demi plus tard, je me retrouve en train de passer un essai d’abord à Cannes où on nous a proposé un accord qui ne nous convenait pas, et quelques semaines plus tard au Réal Madrid. L’essai au Réal Madrid a été concluant et, une fois dans le club madrilène, j’ai essayé de me créer mon propre chemin. Là, les gens peuvent vous aider, mais ça dépend de vous. Il faut travailler dur ! Mes parents étaient à plus de 8.000 kilomètres de moi et, je n’avais pas le temps chaque fois d’appeler mon père pour lui c’est ceci ou cela. J’avais à l’époque 14 ans et il fallait déjà que je prenne certaines décisions. Heureusement que nous avons grandi avec notre école de la rue. Ce qui fait que, même quand tu te retrouves avec des gens qui sont plus âgés que toi, tu essayes de t’en sortir. C’est ainsi que j’ai connu le bonheur avec le Réal Madrid, mais beaucoup plus de malheur que de bonheur.
Pour revenir à mes débuts au Cameroun, il faut dire que j’ai été sociétaire, pendant une bonne partie d’une saison, de Avenir de Douala toujours en D2 du Littoral où j’ai connu un grand entraîneur qui n’est autre que Isaac Bassoua. Je jouais à Avenir de Douala quand j’étais à l’Ecole de football des Brasseries. Et, quand je suis arrivé à Ucb, nous battions toutes les équipes, même celles de D1. Nous étions un groupe de jeunes joueurs solidaires et soudés ; une grande équipe composée des Moukwelle, Bayamba, Ndiba, Bahoken, Eto’o… Il fallait nous voir jouer ! Mon papa et autres avaient, depuis plusieurs années, arrêté d’aller au stade mais, avec la création de l’équipe Ucb, les gens allaient à nouveau au stade pour vivre le spectacle. Quand j’allais au marché central avec ma mère, tous les commerçants et autres sauveteurs me pointaient du doigt en disant que j’étais un phénomène du ballon rond.
Ses déboires au Réal Madrid
Quand je me retrouve au Real Madrid, on me prête âgé de 15 ans, à Leganes. L’année suivante, Guss Hiddink, l’actuel entraîneur du Psv Eindhoven qui était à l’époque à Madrid après le départ de Fabio Capello décide de me récupérer. Je reviens alors au Réal Madrid où on ne me fait pas jouer tout simplement parce que ce n’est pas toujours l’entraîneur qui fait le classement dans certains clubs. Mais, j’étais fier d’être là, de m’entraîner avec de grandes stars reconnues mondialement. Et, à un moment donné, j’ai compris qu’il fallait que je joue. Car, si tu ne joues pas, on ne te voit pas et, si on ne te voit pas, tu ne peux pas devenir grand. J’ai alors dit au président du Réal Madrid, moi je veux jouer. Quelque temps plus tard, je pars à Milan avec le Réal Madrid et me retrouve dans une opération où je ne pouvais pas mettre ma signature parce que j’étais mineur. Quelques années plus tard, je suis prêté à Majorque où je fais de très belles saisons et, le Réal Madrid décide de me récupérer. Je suis content, j’ai plus de cent matches de première division dans les jambes. Donc quelque part, j’ai une carte de visite et je me dis que j’ai une chance. Malheureusement, le même problème se pose. Je tombe sur un monsieur qui veut me faire croire qu’il est un dieu. Il me dit : “ Tu gagnes quoi ? Un million de francs français par mois ? Je peux te les payer parce que ça ne me coûte rien et te laisser dans les gradins ”. C’est ce jour-là que j’ai décidé de prouver que je suis le meilleur ; et, je marque des buts à tous les matches, même aux entraînements.
Je continue à travailler avec acharnement, je repars à Majorque et, plus tard, j’ai une opportunité, celle d’aller à Chelsea. En décembre de cette année-là, il me reste un an de contrat avec le Réal Madrid. J’entre donc en négociations avec Arsenal mais, le montant demandé est très élevé. Subitement, je reçois l’appel du président du Fc Barcelone. Et, pour dire vrai, connaissant bien le championnat espagnol, je voulais bien rester en Espagne. Après négociations, je signe un pré-contrat qu’on garde et on dit au Réal Madrid que le Barça est intéressé. Le Réal Madrid ne veut pas en entendre parler, il dit qu’il veut me récupérer. Bizarrement ! Mon histoire avec le Réal Madrid, c’est un peu celle d’un homme qui montre à une femme qu’il l’aime, et cette femme lui tourne le dos, et le jour où l’homme décide d’aller voir ailleurs, la femme lui court après et prétend l’aimer. Les dirigeants du Réal Madrid m’ont dit qu’ils avaient toujours eu besoin de moi. Mais, il était trop tard ; mon cœur battait déjà pour le Barça. Dieu merci, les chiffres sont là et parlent d’eux-mêmes. On peut vendre beaucoup de maillots et ne pas être le meilleur. Ils sont respectables tous ces joueurs du Réal Madrid. Ce sont de grands joueurs ; mais, il faut reconnaître qu’en football il y a des générations. Il faut laisser les jeunes s’exprimer. Je suis bien en Catalogne. Mes multiples déboires au Réal ont été une source de motivation en plus dans ma carrière. Quand je suis énervé, j’essaie toujours de prendre l’énergie que je devais perdre pour positiver. Moi, j’ai été frustré et, à chaque fois que je rentre dans un stade, je me dis, mon énervement devrait servir à quelque chose de bien. Donc, au lieu de rendre à un adversaire un coup de pied qu’il m’a donné, je dis, Samuel, concentres-toi sur ton sujet et marque des buts. Là-bas, ils disent que le but c’est l’amour et l’argent. Quand tu marques tu es Dieu. Donc, quand je marque, on ne peut rien me dire.
Ses rapports souvent tendus avec la presse camerounaise
J’ai souvent eu l’impression au Cameroun et partout en Afrique que les gens disent des choses qui ne sont pas vraies. Les gens se mettent avec des journalistes européens qui ne nous respectent pas, pour nous dénigrer. Si ton propre frère ne te respecte pas, est-ce que c’est l’Européen qui viendra te respecter. Les Européens sont venus ici, ils ont pris nos terres et nous ont laissé la vie. Aujourd’hui, on est là, on a notre misère. Mais moi je suis fier. On a un truc qu’ils n’ont pas. C’est qu’ils ne sont pas sûrs d’eux. Ils ne savent réellement pas ce qu’ils veulent. Ils sont toujours prêts à mourir. Un Camerounais, même dans tous ses problèmes, a toujours l’espoir. J’ai vu, avant le match contre l’Egypte, ces frères qui écrivent n’importe quoi sur moi, venir m’embrasser pourtant ils avaient dit que je ne méritais pas le deuxième ballon d’or. Dîtes-moi, quel footballeur africain a marqué plus de buts qu’Eto’o ? Même les Africains qu’ils évoquent, qui sont de très bons joueurs. Ce sont de talentueux footballeurs qui défendent le continent africain mais, il y a toujours plus fort qu’eux. Aujourd’hui, on nous suit tous à la télé. Ce n’est pas comme avant où certains journalistes disaient des choses à la radio et on ne pouvait rien voir ; où un reporter disait par exemple ‘Union de Douala tout de vert vêtu, maillot vert, short blanc…’. Aujourd’hui, les images sont là, on voit. Il y a beaucoup de problèmes à l’équipe nationale mais, pensez-vous qu’il faille les mettre sur la place publique en pleine compétition, comme certains parmi vous ont eu à le faire lors de la dernière Coupe des nations en Tunisie ? Je ne le pense pas. Soyez-sûrs, les joueurs de l’équipe nationale de football savent qu’il y a des problèmes et veulent les résoudre. Je dis bien les joueurs. Nous voulons bien nous retrouver souvent, les 22 de l’équipe, sans aucun dirigeant, et discuter des problèmes qui minent notre équipe. Pour nous en équipe nationale, nous sommes très motivés. En fait, pour ce qui me concerne, quand on chante l’hymne national, c’est comme si je suis dopé. J’ai envie d’en découdre avec l’adversaire. Et çà, je l’ai déjà dit à un jeune de l’équipe nationale qui est venu me demander comment je prépare un match. Quand tu es en équipe nationale pour un match, tu es responsable, tu as 16 millions de vies des Camerounais entre tes mains. Le cœur d’un téléspectateur peut lâcher pendant qu’il regarde un match. Eto’o a raté un but, un Camerounais tombe et meurt. Après tu sors du stade, tu es triste parce qu’on te dit qu’il y a un Camerounais qui est mort. On ne va pas te dire directement que c’est parce que tu as raté un but qu’il est décédé.
Ses performances au Barça et chez les Lions
Je marque des buts tant en équipe nationale qu’avec le Barça. Je marque mais, la passe vient de quelque part. Si vous êtes entraîneur aujourd’hui et que vous devez mettre sur pied une tactique face aux Lions Indomptables, qu’allez-vous faire ? Sûrement museler Eto’o. Quand nous sommes arrivés à Abidjan, le soir on a fait la réunion des sages et on s’est dit ils vont attendre Eto’o à l’axe. Si je jouais avant-centre, nous perdions le match. C’est pour cela que je n’étais pas à l’axe et on a gagné la partie. Peut-être face à l’Egypte à Yaoundé, si j’étais à l’axe, on aurait battu. Parce que l’Egypte ne jouait rien. Mais ce n’est pas une raison ; cela ne justifie même pas le match nul. Vraiment, tant en équipe nationale qu’au Barça, je me donne à fond.
Par ailleurs, il faut dire que la qualité de la pelouse peut souvent être à l’origine de certains manquements. Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas une pelouse de qualité dans notre stade. Une pelouse c’est rien. Ce n’est même pas 10 millions de francs cfa. Il faut seulement entretenir, arroser tout le temps. S’il y a une bonne pelouse au stade omnisports Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, le Cameroun pourrait, dans un avenir proche, recevoir le Barça pendant deux ou trois jours. Avec tout ce qui suivra. C’est là où on va mettre la machine qui fabrique de l’argent. C’est là une bonne occasion pour avoir de l’argent. Il faut mettre des idées pour créer de l’argent. Des milliards vont entrer pour notre pays. Ce n’est pas aller voler ou être feyman comme le font certains.
Sur le Cameroun qui n’a pas voté pour le joueur Fifa de l’année
Bon, je ne sais pas ce qui s’est passé. Je pense que le gouvernement devrait chercher à savoir ce qui s’est réellement passé.
Sur ses interventions pour la libération de certains prisonniers
J’ai toujours pris la peine de savoir ce que celui que je veux aider a fait pour être en prison. Vous n’allez pas sortir quelqu’un qui a tué. Même si je donne la chance à quelqu’un qui a tué parce que je l’écoute. Mais, vous savez, il y a des innocents en prison. Il y a des gens qui y sont parce qu’ils n’ont pas le pouvoir qui est l’argent. Dernièrement quand j’étais en prison, j’ai suivi un bon discours fait par un jeune. Puis, je lui ai demandé pourquoi il est là, il m’a dit que c’est parce qu’il a volé un téléphone portable. Dites-moi, pour un portable, il a déjà plus d’un an en prison. Un portable ! Demain quand il sortira de là, il ne volera plus un portable, mais une voiture.
Parfois, au lieu d’envoyer un enfant en prison, il faut lui dire que ce qu’il a fait n’est pas correct. Qu’allons-nous faire pour que ces jeunes ne souffrent pas dans nos prisons ? C’est la question. Il faut qu’on s’asseyent tous, qu’on trouve des moyens pour remédier à cela. Ce n’est pas bien qu’un mineur, pour un petit larcin, se retrouve en prison avec des gens qui méritent vraiment d’être punis. A Douala, j’ai un grand frère qui a le pouvoir de décider, qui peut entrer en prison et sortir quand il veut. Il travaille sur un projet que j’ai, celui de créer un centre de réinsertion pour les jeunes. Vous savez, nous sommes au Cameroun et ce pays nous appartient. Mais, pensez-vous que tous les Camerounais peuvent décider pour leur pays ? Ceci aussi est un problème. Moi Samuel, je peux avoir mon argent et faire quelque chose dans ce pays. J’aimerais bien investir pour gagner de l’argent. Nous sommes en train de travailler pour améliorer la vie des Camerounais. Je vais vivre pour çà. Même à 70 ans, je serai là. Ils ne vont pas me tuer avant. Je vais vivre pour voir le Cameroun changer.
Sur sa participation à la Can 2006 avec les Lions
Ma décision, ma volonté sera celle de Dieu. J’ai confié à qui de droit ce que je pense de ma participation ou non à la prochaine Can. Bon, on a encore quelques jours devant nous ; on en parlera. Mais, la décision que je prendrai sera la meilleure, tout en pensant aux Camerounais ; ceux-là même qui ont réellement besoin d’Eto’o. Pas ceux qui profitent d’Eto’o. J’ai posé certaines questions, certaines choses que je ne comprends pas, des préalables. Et, j’attends des réponses. Il faut tout de même retenir que je suis actuellement au point mort chez les Lions.
Par ailleurs, il arrive que certaines personnes évoquent le fait que nous Lions, puissions-nous entendre pour refuser de jouer quand certaines conditions ne sont pas réunies. Mais, je pense qu’il faut éviter au maximum d’avoir des rapports de forces avec les autorités. Parce que, ça salit l’image de notre pays ; notre image. Je me rappelle en 2002 où on avait refusé, avec raison, d’aller prendre l’avion pour aller au Japon. On avait une fois de plus parlé du Cameroun, mais en mal. Est-ce cela une bonne tactique ? Je pense que le dialogue doit primer. Comme je disais, il faut accepter que d’autres ont réussi. Ceci est aussi un problème ; on n’accepte pas que les autres ont réussi, ni leurs opinions.
Le problème de la pelouse, quand vous avez de grands joueurs comme Rigobert Song qui a joué dans plusieurs pays du monde, Gerémi Njitap qui a gagné deux fois la ligue des champions et Samuel Eto’o qui joue au Barça, plein de joueurs qui jouent dans des clubs importants ; et quand aujourd’hui on retransmet un match comme Cameroun – Egypte du 8 octobre dernier à Yaoundé et que nos co-équipiers voient, c’est une honte. Quand par exemple Ronaldinho dit : “ gars, ton pays là, c’est comment ? Il n’y a pas de stade ? ” Je suis obligé de dire c’est peut-être les images de la télévision qui n’étaient pas bonnes. Il vont me croire parce que la télé parfois modifie des images. Si on veut régler ces problèmes-là, on le fait. Nous avions besoin des vestiaires, ils l’ont fait. En trois mois on peut avoir une pelouse et ceux qui ont le pouvoir de prendre les décisions le savent. La pelouse ne coûte rien. Mais chez nous, il y a des gens qui pensent que leurs belles villas et voitures passent avant l’intérêt général. Ainsi va notre pays.
Sur la rivalité Eto’o – Drogba et les 8èmes de finale
Chelsea – Barcelone
Pour ce qui est de ce que vous appelez rivalité Eto’o – Drogba, les gens sont libres de faire leur choix. Chacun à le choix de supporter qui il veut. Peut-être Didier parce qu’il joue mieux de la tête que Samuel Eto’o. D’autres supporteront Eto’o peut-être parce qu’il dribble mieux et marque plus de buts. Je ne suis pas en concurrence avec Didier qui est un excellent joueur qui œuvre pour l’Afrique. Et ça, il faut le reconnaître. Il est aujourd’hui un des meilleurs de Chelsea et ce qu’il fait dans ce club est pour le bien des milliers d’Africains qui ne rêvent que de réussir dans la vie.
Quand je regarde derrière moi, je constate que j’ai écrit l’histoire du football africain. Je suis déjà dans le livre d’or du football africain. Après Weah, l’Africain qui est entré dans le livre d’or du football mondial c’est un Camerounais. Même si les autres sont forts et peuvent, il faut quand même dire qu’ils viendront après moi. J’ai connu la même rivalité avec El Hadj Diouf. Lui et moi rions souvent, je lui dis “ toi là tu m’as cassé les pieds. ” C’est comme ça quand je vois Didier, je ris. Mais je crois qu’il faut avoir des concurrents. Quand je gagne un ballon d’or, je suis fier parce que je sais que je suis le meilleur. Au jour d’aujourd’hui, les chiffres sont là. Cela ne triche pas. On ne peut pas fermer les yeux devant ce qui est là.
Vous allez bien vous poser la question de savoir pourquoi Mourinho a toujours voulu que j’aille à Chelsea. Peut-être c’est pour me faire jouer avec Didier Drogba. Ou peut-être comme il joue avec un attaquant, me faire jouer ou faire jouer Didier devant et moi en retrait. Parce que quand on veut payer 80 millions pour un joueur, c’est sûrement pour le faire jouer. Maintenant, les gens sont libres de faire leur choix que je respecte d’ailleurs.
Pour ce qui est du match Chelsea – Barcelone, nous ne saurons oublier que l’année dernière nous sommes partis de Stamford Bridge déçus. Bon, tout ça c’est du passé. Nous avons beaucoup appris par l’élimination de l’année dernière. Nous allons nous battre pour venir à bout d’eux cette fois-ci ; d’autant plus que nous jouons le retour chez nous au Nou Camp. Et, il n’est pas facile chez nous, devant 110 milles spectateurs, de nous créer des problèmes. L’année dernière, Gallas s’est approché de moi à la fin de notre confrontation au Nou Camp et m’a dit “ Samuel chaque dimanche je joue devant 40 mille spectateurs. Ici, c’est 110 milles ”. C’est pour vous dire que nous avons des possibilités Mais, le football n’est pas une science exacte. Nous espérons seulement que nous aurons plus de chance que la saison passée.
Sur sa nouvelle godasse de couleur rouge, appelée Eto’o
Je n’avais jamais joué avec une chaussure de couleur. J’ai eu cette proposition du Barça et ce qui est sûr est qu’il y a quelques millions derrière. Il fallait qu’elle soit bonne. Ils m’ont présenté un modèle mais, j’avais rencontré un petit jeune Camerounais qui m’avait sorti le dessin de cette chaussure. J’ai pris cette godasse et ai donné aux responsables en disant sortez-moi une maquette de ce type. Ils l’ont fait, j’ai fait des essais en modifiant deux ou trois choses. Ils m’ont dit, seulement elle sera rouge. Là, c’était mon problème, parce que je n’avais jamais joué et ne pensais même pas jouer avec une chaussure de couleur. J’ai alors discuté avec mon grand frère Roger Milla qui m’a simplement demandé si la chaussure me tenait bien aux pieds. J’ai dit oui, il m’a dit vas-y, joue avec. Les deux derniers matches, j’ai marqué quatre buts avec cette chaussure. Mais, le problème c’est qu’elle est légère, elle ne pèse pas. Et puis, aujourd’hui, les Blancs créent beaucoup de choses ; des chaussures qui vont directement pour vos pieds, même si ces derniers sont tordus.
Sur l’animosité de la presse française
Vous allez bien comprendre que la presse française ne me porte pas du tout en cœur. Je ne suis pas passé par l’école française qui est le créneau de tous les Africains. J’ai vécu cela en équipe nationale où on disait l’équipe nationale de Patrick Mboma. Patrick c’est un excellent, un grand joueur mais, qui avait besoin de Samuel Eto’o Fils à ses côtés. Quand il a eu Samuel Eto’o, il était encore meilleur. Pas parce qu’il dépendait de Samuel Eto’o, mais parce qu’il avait à côté de lui quelqu’un qui faisait autre chose que Patrick ne faisait pas. Il y a quelques années, ces journalistes français ont dit Diouf, El Hadj, El Hadj…
Aujourd’hui, c’est Didier Drogba. Pourtant, si vous allez chercher, vous vous rendrez compte que depuis 2000, je suis toujours parmi les trois meilleurs joueurs africains. Il y a peu de joueurs, depuis 2000, qui ont pu le faire. Donc, c’est pas un hasard. Et ils ne peuvent pas être contents. Parce que, plus ils parlent plus je marque. Dernièrement, je regardais “ l’Equipe du dimanche ” sur Canal Horizons, j’ai marqué ils ont dit : “ décidément Samuel Eto’o se sent plus à l’aise sur le terrain que dans une salle de presse ”. Dîtes-moi, quand je peux lire dans un journal qui se dit sérieux, L’Equipe, qui me traite de jaloux ; je suis jaloux de Ronaldinho. On donne des prix aux joueurs par rapport à ce qu’ils ont fait durant toute l’année. Vous trouvez qu’il y a un joueur qui a mieux fait qu’Eto’o ? J’ai donné 46 points au Barça. Mon entraîneur est là, le match est dur, je viens, 86ème minute, je marque, on gagne.
Je sors d’une blessure contre Albacete, le match est difficile, je m’énerve. On dit “ Samuel Et’o a insulté son entraîneur ”. Il y a un respect entre nous les professionnels, on ne peut pas insulter. Je suis énervé parce que je ne suis pas content ; je marque puis on me remplace. En fait, il faut marquer le premier but pour libérer l’équipe et, depuis un certain temps, j’ai pris l’habitude de marquer ce premier but, ce qui ne plaît pas aux journalistes français.
Après un match, on se retrouve à une conférence de presse. Un journaliste français vient me dire : “ Thierry Henry est annoncé au Barça, est-ce que cela va précipiter ton départ ” ? Je lui dis mais, tu es en train de me dire que Thierry Henry est meilleur que moi ! Pourquoi je dois partir si Thierry Henry vient ? Il me dit : “ mais normalement… ”. Alors, je lui dis dites alors à Thierry Henry de signer au Barça, le banc de touche l’attend s’il veut jouer avant-centre. C’est clair ! C’est ma réponse. Pourquoi c’est Thierry Henry qui doit jouer ? Il est écrit quelque part que c’est lui qui doit jouer ? Moi j’ai vu au Réal Madrid, Clarence Seedorf mis au banc de touche par Toschack pour faire jouer Gérémi Njitap. Njitap sortait du Paraguay, personne ne le connaissait, il a mis Seedorf au banc, a joué et marqué un but contre le Bayern Munich, qui a propulsé le Real en finale de la champion’s league européenne.
On s’entraîne, l’entraîneur voit qui est fort. Larsson est arrivé, on a vu. Cela m’arrivera un jour. Un jeune viendra et me bousculera. C’est la loi du sport. La deuxième question il me dit : “ tu es égoïste ”. Je dis comment. Il dit “ tu aimes marquer seul ”. Alors, je lui dis, mon job c’est de marquer, on m juge sur les buts. Ronaldinho, son rôle c’est de faire les passes. Giuly aussi. Et puis, dîtes-moi, qui a fait plus de passes de buts à Giuly que Samuel Eto’o ? L’autre chose c’est de marquer. Il a pris l’habitude de rater mais, je suis seul à faire les passes de buts. Autre question, ce journaliste me demande si je ne pense pas que Ronaldhino sera ballon d’or. Je lui dis mais comment me demandes-tu de me prononcer alors que je fais partie des 50 candidats en course pour ce titre. Tout simplement parce que je ne suis pas passé par le championnat français. Allez donc comprendre pourquoi Domenech et Zidane ont eu les mêmes votes, comme s’ils s’étaient passés le mot.
Quand je suis arrivé au Barça, on m’a présenté comme un concurrent de Ronaldhino. Heureusement, Ronnie est un charmant garçon et je suis moi-même allé vers lui pour lui faire savoir que je suis là comme lui, pour le bien de Barça. Et je le fais, en rendant satisfaits mon président Joan Laporta et mon entraîneur Frank Rijkaard qui ont toujours cru en moi, depuis le début. A la fin de l’interview, ce journaliste a donné à Ronaldinho 6 passes de buts, Decco 4 et Samuel Eto’o 3. Pourtant, j’ai fait plus de passes décisives que ces gens. Si tu te mets face aux buts, je te fais une passe alors que je peux moi-même marquer, et que tu rates, çà ce n’est pas mon problème.
A propos du match contre la sélection Basque
Bon, j’ai appris que le match aura lieu le 28 décembre prochain. Je pense que, pour l’intérêt du Cameroun, çà aurait été mieux de jouer en Catalogne où se trouve Samuel Eto’o. Pour ce qui me concerne, tant que je n’aurais pas de réponses à mes questions, je ne me présenterai pas. On a convoqué 19 joueurs, les 18 autres pourront jouer. Mes questions sont connues de qui de droit. Que l’on leur trouve des réponses, je jouerai. Aujourd’hui, j’ai plus de mille Camerounais que je fais manger, à travers mes sociétés. Et, ce sera encore mieux si Eto’o jouait pour les Lions.
A propos de la superstition
Je n’y crois vraiment pas mais vous savez, on est des Africains. Trois jours avant un match, je fais tout le temps la même chose. Je dors à la même heure, je mets mon réveil à la même heure, mon petit-déjeuner, je le prends au même endroit. Tout ce que je fais, pareil. Quand j’entre au stade, c’est toujours par le pied droit. C’est un truc qui ne sert à rien mais, il faut bien croire à quelque chose. Il faut se méfier parce qu’il y a des choses. Je joue à l’équipe nationale depuis 1997. J’ai voyagé et vu des choses. Il y a des gens qui s’amusent avec la vie des autres. Je n’aimerai pas porter quelque chose qui n’est pas destinée à Samuel Eto’o.
A propos de sa fortune
Vraiment, je pense que ce n’est pas important. Le plus important c’est pas les millions qu’on peut avoir en banque, mais l’amour qu’on a pour les autres. Tout ce que j’ai, je le partage avec tout le monde, et surtout avec ces gars qui ont grandi avec moi et m’ont connu depuis le bas âge. J’ai des sociétés qui nous permettent aussi de vivre.
A propos du Sida
Le Sida empêche les hommes et les femmes de faire certaines choses. Je suis fidèle à ma femme. Le Sida existe, il faut faire attention. Il n’y a pas plus cher que la vie. C’est un plaisir qui dure 5, 10 voire 15 minutes, même comme d’autres veulent battre des records de deux ou trois heures. Rien n’est plus cher que la vie. Si tu décides d’aller ailleurs, il faut te protéger. Il y a des préservatifs. Il n’y a rien de si précieux que la vie. Moi, j’aime la vie. Quand je rentre et vois mes enfants, je suis très content. Il faut se méfier en restant fidèle ou alors, si tu décides d’aller voir ailleurs, il faut te protéger. Pour ce qui me concerne, je suis fidèle à ma femme, je l’aime et ne voudrais pas que quelque chose lui arrive.
Par Entretien mené par la Rédaction, Sous la coordination de Honoré FOIMOUKOM Ambroise EBONDA et Pius NJ