Sous pression par le ministre des Sports et de l’Éducation physique, le sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun rend son tablier ce mardi 7 mardi après 15 mois au chevet des Lions Indomptables. Pour la suite, Fabio Cappelo, José Mourhino ou Paul Le Guen ne feront pas de miracle…
Il y a de signes qui ne trompent pas. Il y avait par exemple cette information qui revêtait les allures d’un poisson d’avril : le président de la République, Paul Biya, aurait contacté son homonyme Paul Le Guen, ex-entraîneur de Lyon et du Psg (Ligue 1 française) pour venir officier à la tête des Lions indomptables. Proposition qu’aurait déclinée le technicien français qui est plutôt en négociation très avancée avec le club écossais Glasgow Rangers.
On était à ergoter sur cette information parue dans la presse écossaise il y a quelques jours, qu’elle faisait déjà la ‘’Une » du site Internet de football de la société de téléphonie mobile, Mtn. Il y avait aussi cette phrase, laconique, du ministre des Sports et de l’éducation physique (Minsep), Dieudonné Phillipe Mbarga Mboa, qui avait lancé au soir de l’élimination des Lions indomptables par les Eléphants de la Côte d’Ivoire en 1/4 de finale de la dernière Coupe d’Afrique des nations (Can) égyptienne : « On va faire le grand ménage une fois au pays ».
Au regard de ces signes avant coureurs qui présageaient déjà de la non-reconduction du contrat de l’entraîneur des Lions indomptables, on savait les jours d’Artur Jorge comptés depuis le lendemain de la Can. Sous pression par le Minsep, le sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun a donc rendu son tablier ce mardi 7 mardi 2006.
C’est ce jour que Mbarga Mboa a reçu, très officiellement, la lettre de rupture de contrat du sélectionneur portugais. On souligne au passage ce qu’Artur Jorge a appelé les « bons moments passés à la tête de cette sélection nationale. Je tiens, écrit-il- à vous remercier pour votre confiance. J’ai passé d’excellents moments avec cette équipe notamment avec les joueurs et mon staff technique dont je tiens à souligner le professionnalisme avec une pensée pour les capitaines Rigobert Song, Samuel Eto’o et Geremi Sorel Njitap qui ont été exemplaires ». Artur Jorge pousuit : « Je remercie également le président Iya [Mohammed, président de la Fédération camerounaise de football, ndlr] pour son soutien et son intégrité sans qui il m’aura été difficile de travailler ainsi que les autres responsables de la Fécafoot ».
Un bilan élogieux
Entré en fonction depuis le 10 janvier 2005, le contrat d’Artur Jorge stipulait clairement qu’il était de 18 mois renouvelable. Calculette en main, le technicien portugais devrait donc rester à la tête des Lions indomptables jusqu’au lendemain du mondial 2006. Si l’ex entraîneur du Psg ne fais allusion, dans sa correspondance, de cette rupture précoce du contrat (il n’a fait que 15 mois à la tête des Lions), on n’a pas besoin de lire dans une boule de cristal pour comprendre que les deux parties ont trouvé un arrangement à l’amiable. Si la correspondance ne fait pas non plus allusion à Raul Aguas, l’adjoint d’Artur Jorge, le contrat de ce technicien devrait être également être rompu avec le départ de son mentor.
Quel bilan tirer donc du règne Artur Jorge à la tête des Lions indomptables ? En 9 matches officiels (5 lors des éliminatoires Can mondial 2006 et 4 pendant la Can 2006), le Portugais présente un bilan très flatteur : 7 victoires (avec panache), un match nul et une défaite (aux tirs au but). Malheureusement pour lui, ses faux pas étaient fatals pour l’équipe nationale. Le match nul concédé le 8 octobre 2005 a empêché les Lions d’aller à la coupe du monde. La défaite du 4 février 2006 a éliminé l’équipe nationale du Cameroun de la Can 2006 au 1/4 de finale. Artur Jorge n’a donc pas à rougir de son bilan. Chapeau au Portugais qui a permis au peuple camerounais de re-commencer à avoir confiance en son équipe nationale qui perdait visiblement déjà son âme après l’émouvant passage d’un certain Winfried Schäfer.
On retient également qu’Artur a sans doute passé les moments les plus mouvementés de sa carrière d’entraîneur. On se souvient que le technicien portugais et son adjoint Raul Aguas avaient accumulés 6 à sept mois d’arriérés de salaires ! Quelques semaines avant le début de la Can 2006, les techniciens portugais des Lions indomptables avaient brandi, avec raison, la menace de boycotter la coupe d’Afrique des nations. On assista alors à la guerre des déclarations et contre-déclarations. Le président de la Fécafoot prétend que les arrières d’Artur Jorge et de son adjoint sont épongés alors que Alexandre Ribeirio, l’agent des Portugais dit le contraire. C’est plus tard que les différences seront aplanies. A bonne source, Artur Jorge laisserait néanmoins derrière lui 4 mois d’arriérés de salaire qui s’élèveraient à 120 millions Fcfa.
Incurie et navigation à vue…
A partir de ce 7 mars, et six mois du début des éliminatoires de la Can 2008, les Lions indomptables sont à la recherche de l’oiseau rare. Le technicien qui viendra qualifier l’équipe nationale pour la Can 2008 et surtout le mondial sud africain de 2010. La tâche du nouvel sélectionneur sera davantage immense puisqu’il s’agira de bâtir une nouvelle équipe jeune, dynamique autour de certains cadors.
Pour rappel, en 2010, plusieurs Lions seront largement au dessus de 30 ans : c’est le cas de Raymond Kalla, Rigobert Song, Pierre Wome, Geremi Njitap, etc. L’heure de la relève a donc sonné. C’est maintenant qu’il faut préparer les victoires futures. On ne le redira jamais assez : le problème au Cameroun, c’est moins la compétence de l’entraîneur que celui de l’incurie et de la navigation à vue des gestionnaires de l’équipe nationale. Même si on mettait à la tête des Lions indomptables Fabio Cappelo, José Mourhino, Franck Rijkaard ou Paul Le Guen, tel que annoncé depuis, ces techniciens ne feront pas de miracles s’ils n’ont pas les mains libres, les moyens de leur politique et une feuille de route clairement définie. C’est le premier pas vers la restructuration du football camerounais.
Eric Roland KONGOU, à Douala