Passe encore de chercher noise à Samuel Eto’o parce qu’il a pris femme à l’extérieur du pays de sa mère, mais mettre en question sa nationalité camerounaise sous le léger prétexte qu’il aurait juré fidélité et loyauté à un souverain d’un pays européen, quelle plaisanterie, citoyens ! Le fils le plus illustre de New Bell, qui parle le basaa avec l’accent de Makénéné, le cousin de mes cousins de la rive nord-ouest de la Sanaga à SongMbengué, perdrait du jour au lendemain sa nationalité de naissance, son droit à une carte du parti, sa part au patrimoine foncier à Babimbi, sa carte d’identité infalsifiable, parce qu’il porterait un passeport espagnol ?
La loi, dit-on, est claire là-dessus. Est déchu de sa nationalité camerounaise tout citoyen qui prend la nationalité d’un autre pays. Soit. Mais la loi, au Cameroun, est claire sur beaucoup de choses. Le commerçant doit afficher ses prix. Le racolage est interdit sur la voie publique. L’homosexualité et les relations sexuelles avec des mineurs sont interdites, tout comme le commerce de la prostitution. Il existe une loi qui interdit de faire pipi sur la voie publique.
Mais il y a mieux, évidemment. Aucun citoyen camerounais ne peut être emprisonné sans jugement. Tout Camerounais appelé à occuper de hautes fonctions dans l’appareil de l’État ou dans les sociétés parapubliques doit déclarer son patrimoine.
Laquelle de ces lois, je vous demande un peu, est le moindrement respectée ? Cela occupe-t-il vraiment l’esprit de notre Épervier en chef ou le sommet de l’État ? A-t-on jamais entendu dire que M. Kodock, Massa Yo, Mme Bomback, Jean-Marie, Joseph, Alphonse et autres Ondo Ndong, pour ne citer que ceux-là, ont déclaré publiquement leur patrimoine ? Si M. Iya l’a fait, il a oublié de nous le dire. Il est sans doute très occupé avec la Sodecoton et la Fécafoot.
Souvent, dans la plupart des cas vraiment, la vie au Cameroun n’est régie par aucune loi connue. Existe-t-il une loi qui veut que seul le MINJES soit habilité à construire des infrastructures sportives ? Existe-t-il une loi qui autorise ce même MINJES à verser des fonds publics à des Camerounais qui ne sont pas des fonctionnaires sous sa tutelle ? La loi dit-elle qu’on peut proroger ad nauseam les gardes à vue ?
La loi, au pays, nous nous sommes toujours assis dessus, quand elle nous arrange ou même quand elle ne nous arrange pas. Le citoyen ordinaire sait la difficulté qu’il y a à la faire appliquer lorsqu’elle lui est favorable. L’Etat est le seul citoyen qui a toujours les moyens de faire appliquer la loi, et il le fait chaque fois que ses intérêts sont menacés. Le reste du temps, il est comme tous les autres Camerounais : il ne fait rien.
S’agissant de la double nationalité, l’État ne voit sans doute pas la nécessité de jouer les matamores ici. Après tout, Samuel Eto’o n’est pas Mongo Béti, et vraiment, il n’est pas sûr que le garde des sceaux gagne quoi que ce soit en retirant le passeport camerounais de ce dernier. Par ailleurs, a-t-on une idée du nombre de hauts fonctionnaires, de ministres et autres grands personnages publics en exercice qui détiennent ou ont détenu un passeport d’un pays étranger ? Des conjoints et des enfants camerounais binationaux vivant au Cameroun, combien y en a-t-il ?
Pas mal, n’est-ce pas ? Alors, si rien ne se fait, peut-être que la loi sur la double nationalité, dans sa forme actuelle, est inutile. Pourquoi dans ce cas ne pas la modifier ou la supprimer tout simplement ?
Personnellement, de passage à Tachkent il y a quelques années, pris d’une folie amoureuse, j’ai épousé la fille de l’habitant. Je ne me déplace plus sans mon papier ouzbek bien au frais dans mon baise-en-ville. Cela m’enlève-t-il le statut éternel et intouchable de fils de Nkongmondo et de meilleur pêcheur de goujons dans les marigots de Ngambé ? Jamais.