Dix points lors de ce tour piégeux du mois de juin, on peut dire que les Lions ont assuré l’essentiel. On pourra relever que la manière n’a pas toujours été au rendez-vous, tout comme la faute de goût consistant à ne rapporter qu’un point de Tanzanie. Mais, ces rencontres du mois de juin, à l’issue d’une saison alourdie par la CAN, sont toujours difficiles à négocier et les poulains d’Otto Pfister conservent la propriété de leur destin.
Toutefois à la lecture des feuilles de match, une constante se dégage. A l’exception du premier match où André Bikey était suspendu, les compositions d’équipes sont les mêmes. Même les changements avaient quelque chose de mécanique. Si bien qu’au bout du compte, seuls dix-sept joueurs ont été utilisés pour les quatre rencontres. Certains pourraient bien se demander ce qu’ils sont venus faire, et ce d’autant que quelques uns sont restés au Cameroun durant le périple de leurs coéquipiers. D’où la question de l’intérêt de réunir autant de joueurs si la hiérarchie était à ce point inamovible.
Quatre rencontres en autant de semaines et toujours le même effectif, le tout face à des adversaires, qui sans leur faire injure, ne sont pas des foudres de guerre. L’occasion était pourtant belle pour tester des joueurs à l’expérience moindre en sélection. Venir à bout du Cap Vert, de l’île Maurice et de la Tanzanie nécessite-t-il de faire appel à nos « vieux grognards » quand on sait que nous ne sommes que dans le hors d’œuvre de la compétition et que le plat principal nous sera servi qu’à partir de novembre ? Si le milieu de terrain a été renouvelé avec l’incorporation des jeunes Song et Mbia, aucun test n’a été effectué pour lui donner une dimension plus technique, susceptible de répondre lors de rencontres mal engagées. Et il est impossible aujourd’hui de dire quelles seront les réactions de joueurs tels Emana, Epallé et Ndjeng, qui sont venus faire le nombre et dont la complémentarité pour d’autres options n’a jamais été éprouvée.
De même, l’occasion était belle de voir le comportement de cette équipe sans Rigobert Song, Geremi ou Samuel Eto’o Fils. Loin de moi l’idée de les contester, de toute façon au vu de leurs prestations sur le dernier mois, ce serait difficile. Mais le football moderne commande de préparer l’avenir au moment où on est au sommet. Jouer des bouts de rencontres, voire des matchs entiers sans ces valeureux combattants qui sont de tous les rendez-vous depuis de longues années permettrait de palier à l’éventualité de leur absence. En les privant d’une ou deux semaines de regroupement, on leur permettait également de se reposer de leur longue saison et d’arriver plus frais pour les rendez-vous importants. On ne pourra pas les remplacer, parce que chacun dans son style, ils sont uniques. Song pour sa fougue, sa combativité de tous les instants, Geremi qui est le premier latéral droit moderne depuis Charles Toubé, avec en plus ses dispositions sur balles arrêtées et Eto’o qui est « fluoriclasse » comme disent les Italiens. On ne pourra les remplacer disais-je, il faudra jouer différemment, d’où l’utilité de tests pour déterminer des bonnes formules. Devra-t-on jouer avec un défenseur plus technique après Rigo, un latéral plus défensif ? Quelles sont les options que nous avons ? Doit-on faire des recherches spécifiques ?
A ce jour, derrière ces trois, nous n’avons personne. Leurs doublures ne sont pas à la hauteur du niveau international ou n’ont pas encore fait leurs preuves. Or le niveau ne tolère pas d’approximations. Le Cameroun a raté une occasion de muscler son banc de touche, indispensable pour les grandes épopées. Les deux dernières années de Samuel Eto’o prouvent encore à quel point une carrière peut tenir à peu de choses. Nous devrions donc nous prémunir des blessures, méformes ou arrêts de nos cadres. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain et les forces d’aujourd’hui peuvent très vite devenir des faiblesses. Le Cameroun a déjà payé pour le savoir. En 1990, la réussite insolente de Roger Milla a fait oublier que cette équipe était arrivée à bout de cycle et qu’il fallait apprendre à jouer sans nos cadres. Au lieu de ça, elle a réhabilité des joueurs usés, assurés de leur place sur le terrain, avec les résultats que l’on a connus quatre ans plus tard aux Etats-Unis. Il aura fallu dix ans pour avoir une équipe à nouveau compétitive au haut niveau.
Eviter une telle traversée du désert serait en soi une victoire. Pour ça, il faut permettre l’existence d’un groupe, avec des postes doublés et des titulaires qui se sentent menacés par la concurrence. Un groupe qui puisse changer de dispositif tactique en cours de match en fonction de l’adversaire. Un groupe qui permettrait de présenter un danger multiforme. A l’image des doubles champions d’Afrique Egyptiens.