Un adulte triche, fait du faux, ment, et un peuple entier est prompt à le plaindre et à le prendre en pitié ! Un adulte consent à mettre en péril son intégrité morale, à embarrasser encore plus un pays déjà passablement compromis, à hypothéquer son avenir pour un gain immédiat, et les Camerounais l’absolvent sans confession ! Naître camerounais est-il donc devenu la circonstance atténuante de choix pour tous les prévaricateurs, les parjures, les voleurs et autres margoulins, en col blanc et en col bleu, qui ont juré de tuer toute idée de dignité dans la société camerounaise ?
Ngwatt-Mahop est peut-être juste un crétin ; on ne peut donc pas lui demander de savoir la portée de son geste ni de mesurer le risque auquel il s’exposait. Peut-être bien que c’est de la faute des autres, d’un agent véreux, d’une Fécafoot incompétente, d’un Bayern peu scrupuleux. Peut-être bien…
C’est vrai, les pressions venant de toutes parts ont dû être terribles. La Fécafoot, on ne le souligne jamais assez, est le plus important intermédiaire entre les footballeurs camerounais et les employeurs potentiels étrangers. En fait, la Fécafoot est le principal agent des footballeurs camerounais. Aucun de ces derniers ne peut sortir et évoluer dans un club d’une certaine importance sans son imprimatur. Ce rôle central que joue la Fécafoot est source de retombées financières importantes qui pourraient expliquer certains comportements.
Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui serait prêt à croire que la Fécafoot n’a pas vu ce qui se passait et n’a pas mesuré le danger qui guettait et son image et celle des footballeurs camerounais en général ? L’intérêt du Bayern était aiguisé par le statut usurpé de Ngwatt-Mahop : la Fécafoot ne pouvait pas ne pas le savoir. Entre la morale et le gain rapide, j’ai peur de penser que l’institution qui a pour mandat de veiller au rayonnement de notre football a choisi de regarder ailleurs. Qui a peur d’une casserole supplémentaire à traîner dans le brouhaha de milliers d’autres ?
C’est relativement clair que du Dragon de Yaoundé au Bayern de Munich en passant par la Fécafoot et d’autres intermédiaires, une chaîne de solidarité à la limite interlope s’est établie, à une seule fin : gagner de l’argent, rapidement, et au diable la décence, le respect des règles, la sauvegarde de l’intégrité !
Ah ! oui, j’oubliais : le scandale des faux passeports communautaires en 2002 provoqué par les footballeurs sud-américains, brésiliens pour la plupart. Les Camerounais aiment bien, pour expliquer leurs malversations, relever les turpitudes des autres. C’est vrai, on n’est pas les seuls. Un de mes amis m’a rappelé le cas de Farid Mondragon, le Colombien, saqué par Metz et qui a pu poursuivre une longue et riche carrière en Turquie. Il est d’ailleurs annoncé en Italie.
Cela dit, Ngwatt-Mahop, une pauvre victime à plaindre ? Ce serait le monde à l’envers. C’est lui le premier coupable, c’est donc à lui que va l’opprobre que doit nécessairement susciter tout acte malhonnête, et particulièrement lorsque l’appât du gain en est le moteur. Lorsque de temps à autre, au Cameroun, on récolte ce qu’on a semé, les gens ordinaires ont des raisons de croire qu’il existe une justice qui dépasse celle des hommes.