Dans un entretien vérité, le technicien Batave confirme avoir mis un terme à sa collaboration avec le Cameroun. Le désormais ex- entraîneur des Lions indomptables met en cause les dirigeants du football Camerounais.
Quelle est à ce jour la situation exacte de votre contrat avec le Cameroun ?
J’ai décidé de ne pas poursuivre ma collaboration avec le Cameroun. Il est inadmissible pour moi de continuer à travailler dans un environnement où les choses sont organisées avec autant de légèreté et d’amateurisme. Je suis venu faire des résultats au Cameroun. Mais il est clair que la manière dont les choses sont organisées ne peut pas me permettre d’atteindre mes objectifs. Plusieurs engagements n’ont pas été respectés par les dirigeants Camerounais. Et je ne pouvais vraiment plus continuer ainsi. J’ai entendu dire qu’on m’aurait envoyé un billet d’avion pour que je prenne part au match amical contre le Togo. Non seulement je n’ai toujours rien reçu, mais en plus il est maintenant trop tard. Je ne peux plus faire marche arrière. J’avais adressé plus de quatre courriers électroniques aux dirigeants de la fédération pour les mettre en garde contre un certain nombre de choses. Je n’ai jamais eu de réponse de qui que ce soit. Et aucune de mes préoccupations n’a été prise en compte. Je peux donc dire de manière claire que c’est fini avec les Lions et que je ne remettrai plus jamais mes pieds au Cameroun.
Vous parlez d’engagements qui n’auraient pas été respectés. De quoi s’agit-il exactement ?
Il y en a plusieurs. Il n’est par exemple pas normal que je demande à ce que la sélection joue un match amical contre la Côte d’Ivoire et que l’on m’impose un autre adversaire ( Ndlr : le Togo), parce que certaines personnes ont des intérêts personnels à préserver. Avant cela, pour le déplacement de l’équipe nationale Junior à la Coupe d’Afrique des Nations au Congo, je me suis entendu dire que mon nom ne figurait pas sur la liste des membres de la délégation devant y participer. Ce qui est complètement absurde. Il y a même eu des ingérences dans des aspects techniques de mon travail alors qu’on m’avait garanti que ce genre de choses ne se produiraient pas. A cela s’ajoutent aussi de nombreux autres manquements contractuels sur lesquels je ne souhaite pas m’attarder.
Avez-vous adressé une lettre recommandée à votre employeur pour mettre fin à votre collaboration, ainsi que le stipulent les termes du contrat ?
Absolument. La lettre a été rédigée et envoyée par voie postale depuis la semaine dernière. Je l’ai faite en deux exemplaires, dont un a été adressé à la Fécafoot et l’autre au ministre des Sports et l’Education physique. Les destinataires devraient en principe la recevoir dans les prochains jours.
Votre démission intervient environ deux semaines après que vous ayez rencontré le ministre des Sports en compagnie de l’ambassadeur des Pays Bas au Cameroun. Quel aura donc été l’intérêt de cette rencontre?
Elle n’aura été d’aucun intérêt. Ce n’était que du blabla. Au cours de cette rencontre, j’ai présenté un certain nombre de bases de collaboration nouvelles pour pouvoir continuer à travailler dans de bonnes conditions. Mais comme d’habitude, aucune n’a été prise en compte.
Le Président Iya Mohammed de la Fecafoot vous reproche de n’avoir aucune considération pour les dirigeants du Football Camerounais et affirme que vous avez mal pris le fait qu’il vous ait rappelé la clause qui vous obligeait à résider au Cameroun…
Monsieur Iya est très mal placé pour dire que je n’avais de considération pour personne, parce qu’il ne m’a lui-même jamais traité avec le moindre respect. Il prend les décisions qu’il veut, même sur des questions qui méritent concertation et n’accepte pas qu’on ait un point de vue différent du sien. Je me demande comment un responsable sportif peut être aussi peu ouvert à la divergence de vues. En ce qui concerne la question de ma résidence au Cameroun, je me suis évertué à expliquer que je ne m’y opposais pas du tout, mais que j’étais bien obligé de me rendre souvent en Europe, étant donné que tous les joueurs de la sélection y évoluent. Mais en face, je me suis toujours trouvé confronté à un mur d’incompréhension. D’ailleurs, au sujet de mon établissement au Cameroun, on ne m’a jusqu’à lors proposé aucun logement.
Pourquoi avoir néanmoins signé avec le Cameroun, alors que vous avez reconnu, peu avant votre désignation, avoir recueilli des informations sur la manière dont les choses y étaient organisées au niveau de la gestion du football ?
C’est d’abord un challenge sportif qui m’a poussé à accepter la proposition des dirigeants Camerounais. Il ne faut pas croire, comme je l’ai beaucoup entendu dire ces derniers temps, que seule la perspective de gagner de l’argent a motivé mon engagement avec le Cameroun. Avant cette expérience, j’ai exercé le métier d’entraîneur ailleurs et après elle, je continuerai toujours à l’exercer. On m’a reproché ici et là d’avoir exigé six mois d’avance sur salaire avant de signer le contrat. Si je l’ai fait, c’est bien parce que j’étais au courant du fait que le Cameroun est réputé avoir souvent des démêlés avec ses entraîneurs au sujet du payement de leurs salaires. J’avais appris que cela se terminait souvent devant les tribunaux et que la Fifa était parfois obligée d’intervenir et je voulais simplement éviter de me retrouver dans une telle situation.
Comment expliquer que votre démission coïncide curieusement avec la signature du contrat de votre assistant Theo De Jong avec le club Iranien de New Estheglal ?
Theo De Jong m’a expliqué qu’il ne pouvait pas continuer à travailler dans les conditions qui nous étaient imposées au Cameroun et a, par conséquent, fait un choix. Un choix conscient et responsable que je respecte et approuve.
Avez-vous vous-même déjà une idée de votre prochaine destination ?
Non, pour l’instant, je n’ai encore aucune proposition en vue. Mais il est clair que c’est une situation qui ne durera pas indéfiniment…
Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous face à la réputation désormais établie d’entraîneur nomade et instable, qui démissionne autant qu’on le démissionne, quelques temps seulement après la signature du contrat ?
Je l’assume pleinement. Si l’employeur est du genre de celui avec qui je viens de rompre, alors jamais je ne m’arrêterai de démissionner. Mais en réalité, tout ceci participe de l’entreprise de dénigrement que certaines personnes ont initié contre moi au Cameroun et ici en Europe. Or, il ne faut pas perdre de vue qu’en Chine, je suis resté longtemps (Ndlr : deux ans) et que l’employeur et le public ont été satisfaits de mon travail.
Qu’est-ce qui vous aura le plus marqué au sein de la sélection des Lions indomptables que vous avez finalement dirigée pendant six mois et dans le football Camerounais en général ?
Il est indéniable que le Cameroun est une grande nation de football, avec un potentiel énorme et que l’avenir y est assuré. Chez les Lions indomptables, j’ai eu le bonheur de côtoyer des joueurs de talent, très professionnels et dont la plupart sont aussi des garçons très sympathiques. Il y a aussi de nombreux jeunes qui montent. J’en ai remarqué quelques uns, dans la sélection espoir, qui sont prédestinés à une belle carrière. Même en dehors des terrains, j’ai rencontré des personnes de bien avec lesquels je vais continuer à entretenir des contacts. Le problème, c’est vraiment les dirigeants qui, à travers leur amateurisme, risquent malheureusement de saper l’avenir du football Camerounais, pourtant si prometteur.
Propos recueillis par Pat Clague, à Amsterdam