La lourde sanction prise par la FIFA contre la Fecafoot et les Lions Indomptables vient d’être confirmée. A toutes fins pratiques, les Lions ne seront pas au rendez-vous des grandes compétitions mondiales au cours des années qui viennent; sauf surprise sportive ou rebondissement de la palabre. Cette élimination sur tapis vert a l’avantage, corrolaire de son défaut, d’axer les énergies les plus vives du pays sur le terrain de l’intrigue et de la palinodie politique. C’est un terrain que nous connaissons bien.
Pensez donc: le sommet du pouvoir exécutif et politique camerounais a décidé de reprendre en main la direction du football par le cautère d’une « relecture » des textes constitutifs de la Fécafoot, une mauvaise manière faite à l’équipe en place qui n’est plus en odeur de sainteté. Une autre équipe, agrééé par le très-haut, s’installera au terme de cet exercice. La duplicité du gouvernement est patente ici: pourquoi « relire » les textes de la Fécafoot et pas les autres textes? Depuis le temps qu’on attend que les membres du gouvernement dévoilent l’étendue et la source de leurs fabuleux biens, ne serait-il pas avisé de « relire » les textes, jamais observés, exigeant une telle divulgation?
Mais Dieu et Blatter font bien les choses quand même: les Lions éliminés, le nouveau président de la Fécafoot n’ira sans doute pas de si tôt se pavaner avec sa cour dans les grandes capitales européennes et asiatiques. Les candidats en sont-ils bien conscients?
Iya ou Nguini?
Entre M. Jean Baptiste Nguini Effa et M. Mohammed Iya, ça saute aux yeux, le fauteuil de la Fécafoot est une question de poids. Pour une fois, au Cameroun, les choses sont claires : une tonne de pétrole pèse plus lourd qu’une tonne de coton. La promenade de santé que va entreprendre le chouchou, selon des sources bien introduites au Palais, du nouveau censeur de la Fécafoot et qui siège accessoirement à la droite du grand manitou dans le tipi d’Etoudi, va gentiment le conduire, c’est déjà acquis, à la sinécure la plus courue du pays.
Sauf le maigre respect que nous devons à M. Vincent Onana, parce que tout compte fait c’est un vulgaire composé psychosomatique comme nous tous, nous écartons péremptoirement de la course ce bénéficiaire d’une levée d’écrou tonitruante et actuel squatter du palais de Ngoa Ekele par la volonté du prince. En d’autres occasions, on aurait flétri sa candidature de fâcheuse et embarrassante distraction. Mais il n’y a pas de temps à perdre avec d’impénitents intrigants que n’étouffe pas le qu’en-dira-t-on. Baste, donc.
Monsieur Iya, pauvre monsieur, aurait déjà perdu. Lui, il n’a rien compris. Qu’avait-il, d’une part, à construire un affreux siège pour la Fécafoot et, d’autre part, à entretenir une tirelire riche de plusieurs milliards ? Qu’est-ce qu’il croyait ? Qu’on allait tranquillement le laisser travailler dans des locaux climatisés et surveiller sans y toucher un petit magot ? A-t-on idée, au Cameroun, d’un patron qui économise pour les mauvais jours ? Bien fait pour lui.
Que M. Iya retourne à la SODECOTON n’est sans doute pas une mauvaise idée. Après tout, voilà le principal dirigeant de l’une de nos plus grandes entreprises publiques qui n’a sans doute pas posé, plus de deux jours d’affilée ces six derniers mois, son délicat postérieur sur le fauteuil rembourré du bureau capitonné du patron. Il va s’ennuyer à Garoua, c’est clair, mais son entreprise va mieux se porter, pour le bénéfice de tous les Camerounais.
Ce qui nous ramène à M. Nguini Effa, le prochain patron de la Fécafoot, entre autres tête dirigeante de Renaissance de Ngoumou et directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers. Il va remplacer un autre très grand patron, cumuler comme lui son poste actuel et la nouvelle charge qu’on lui offre, qui est comme on le sait loin d’être un strapontin. Bonnet blanc, blanc bonnet donc. À la différence que M. Nguini est nettement plus en chair que M. Iya. Ce qui n’est pas en soi un atout négligeable.
M. Nguini est un ancien vogtois. On ne va pas lui en vouloir pour ça. Peut-être juste un peu, quand même. Les anciens vogtois sont comme l’équipe de football allemande : à la Coupe du monde, les autres jouent, mais c’est l’Allemagne qui gagne. Ils sont nombreux, ils sont partout, ces anciens de Vogt qui, depuis une vingtaine d’années, gagnent à tous les coups sans toujours bien jouer. Cherchez bien, près du pouvoir, aux postes les plus juteux de la République, aux fonctions les plus en vue, aux activités les plus rémunératrices, vous allez les y retrouver. Solidaires, sectaires, cachotiers. Mais il y a une chose qui ne change pas avec eux. Déjà, quand on était tout petit, à Libermann, on disait que les gens de Vogt n’aimaient pas compter. Ils pouvaient peut-être rivaliser avec nous en latin et en langues vivantes, mais lorsqu’il s’agissait d’intégrer une fonction mathématique, on ne les sentait plus. Même devenus docteurs, ingénieurs ou comptables, ces gens-là n’aiment toujours pas jouer dans les chiffres.
Si vous ne le croyez pas, répondez donc à la question suivante: quand avez-vous consulté la dernière fois les états financiers vérifiés de la MAGZI ou de la SCDP ? On compte pourtant, dans la secte vogtoise, entre l’atrabilaire Fame Ndongo et l’attachant Massa Yo, un célèbre expert comptable bien introduit à Yaoundé.
Le temps est venu de saluer bien bas le nouveau patron, mais il n’est peut-être pas trop tard de lui conseiller de réfléchir avant d’accepter le sceptre du pouvoir sans partage. Nous, les simples supporters des Lions, n’allons pas laisser pousser la chienlit, s’enraciner la paresse, l’incurie et la gabegie ; grossir la morgue et la veulerie de dirigeants jamais responsables de quoi que ce soit ; croître le culte du secret complice de toutes les déviations. Nous exigerons des comptes clairs et limpides. Nous avons marre d’être la risée du monde entier à cause de dirigeants sans grand dessein et sans vision, qui n’aiment ni notre pays ni le football.
M. Nguini va nous promettre que la Fécafoot, sous sa direction, va faire les choses comme il faut, et bien les faire… Ainsi va notre beau pays.
L. Ndogkoti