Jamais l’Afrique n’a été autant traitée durant une Coupe du monde. Durant les trois semaines où les équipes étaient encore en lice, pas une journée ne se déroulait sans commentaires sur les prestations africaines.
La presse internationale faisait des couvertures sur les équipes du continent, le bihebdomadaire français France Football allant même jusqu’à consacrer deux pages par édition à l’Afrique avec des rubriques dédiées. La conjoncture était favorable avec la perspective de la prochaine édition en Afrique du Sud, mais aussi le renouvellement de la représentation africaine en Allemagne. Depuis, les problèmes d’arbitrage, les rencontres de la Côte d’Ivoire ou du Ghana ont fait parler : des anciens joueurs, des commentateurs, sélectionneurs, dirigeants, même le président de la FIFA, Sepp Blatter ont crû bon de donner leur avis sur le sort de nos équipes. Dans l’ensemble, les mêmes remarques reviennent, des talents individuels, une présence offensive, mais également une naïveté défensive qui leur coûte de meilleurs résultats. Mais, certains y préfèrent un traitement plus sournois, en affirmant que l’Afrique, malgré la bonne impression d’ensemble ne fait plus de progrès et remettent en cause la cinquième place du continent, au moins pour la prochaine édition puisque le pays organisateur est déjà qualifié.
Cet emballement médiatique devrait nous contenter, mais il reste le témoignage de ce continent qui est toujours traité avec condescendance, par les grands anciens qui regardent les progrès du petit dernier en s’adjugeant le droit de reconnaître son entrée dans le monde des adultes. L’Afrique a toujours besoin de justifier sa présence et nous redoublons de stratagèmes pour expliquer que nous avons notre place : le culte de l’absence- ç’aurait été mieux si ça avait été des équipes plus expérimentées-, le rappel de nos glorieux passés et la réappropriation des victoires de nos voisins. Loin de moi l’idée qu’il ne faille pas supporter les équipes africaines, bien au contraire, mais il est anormal que la « communauté internationale » du football traite toujours l’Afrique comme un pays, et pas pour le continent qu’il est. L’Afrique du Sud d’aujourd’hui se trouve dans la même situation que les Etats-Unis en 1990 ou la Corée du Sud et le Japon en 1998, puisque c’est la première fois que le pays va organiser le rendez-vous de la FIFA. Mais aussi dans celle de la France en 1994, qui était absente de la compétition précédant celle qu’elle organise. Mais, pour autant, personne n’a commenté les résultats du continent européen, des pays d’Asie ou d’Amérique centrale. Les regards se sont braqués sur le comité d’organisation, tout comme ce fut le cas il y a quatre ans sur la candidature allemande. Alors, pourquoi les choses changent cette année ?
La vérité se trouve dans le regard des autres, mais également dans les comportements que nous pouvons avoir. Il ne se passe pas une édition sans que nos représentants ne se fassent remarquer sur un plan extra sportif. Cette année, c’étaient les Togolais avec leurs problèmes de primes, comme ce furent le cas des Camerounais ou Nigérians dans un passé récent. Des Camerounais qui ont multiplié les expériences avec les problèmes d’équipements, d’assurances, de transports ou de maillots. Les Sénégalais avaient défrayé la chronique avec le vol des joueurs dans les boutiques d’hôtels. Les dirigeants de fédération recrutent bien souvent leur sélectionneur quelques mois seulement avant le début de la compétition, les délégations sont excessives. Des sorties répétées édition après édition qui confortent les plus extrémistes dans leurs certitudes sur l’incapacité de l’Afrique à intégrer le giron mondial. A titre personnel, j’estime que ce rendez-vous allemand a été un bon cru, parce que sur le plan sportif, les équipes n’ont pas été ridicules, aucune équipe n’ayant pris de véritable rouste, l’impression d’agressivité ayant été contenue. D’autre part, hormis le Togo, les autres représentants ne se sont pas fait remarquer : pas de scandale ou de sorties de route. Avec un qualifié pour le second tour, l’Afrique reste dans la continuité de ce qu’elle fait depuis 1986, mais elle a gagné en terme d’images. Mais, il reste tant à faire pour que cela soit reconnu et que les équipes qui représentent notre continent soient traitées pour ce qu’elles sont : des représentants de pays indépendants.
De notre changement d’attitude découlera celle du reste du Monde. 2010 offre une opportunité de tout premier ordre : tout d’abord, l’Afrique du Sud devra montrer qu’un pays africain peut organiser une belle fête du football, et montrer que l’Afrique est plurielle. Mais, des pays qui sauront s’appuyer sur les expériences précédentes pour ne plus commettre les mêmes erreurs. En gros, sortir de cette adolescence prolongée dans laquelle nous sommes plongés depuis de trop longues années.
Hervé Kouamouo