La crise perpétuelle dans laquelle se complaît le monde du football au Cameroun vaut-elle, je vous le demande, les passions qu’elle déchaîne ? Il y aurait moyen, il me semble, en regardant chez le voisin, en copiant par ci par là, en s’inspirant des réflexions déjà menées ailleurs, de sortir du bourbier qui nous brise les jambes et qui, à terme, va nous asphyxier pour de bon.
Recruter un sélectionneur pour les Lions n’est pas, corrigez-moi si je me trompe, bâtir une cathédrale. D’autres le font sans tapage et sans acrimonie, avec des taux de succès tout à fait satisfaisants. Pourquoi chez nous, une banale activité administrative semble-t-elle se transformer en un joker poisseux dont les diverses tutelles cherchent, sans le dire, à se défausser ad infinitum les unes sur les autres ?
Devant nos yeux se déroule, depuis quelques jours déjà, la Copa America, un somptueux tournoi qui offre un football de très grande facture. Il est évidemment aisé de dire que les Sud-Américains, à défaut d’avoir inventé la potion magique du foot, sont tombés dedans dès leur tendre enfance. Il est peut-être vrai que le talent de ces sorciers du ballon a quelque chose d’inné et d’atavique, car il est difficile d’expliquer autrement le foisonnement de talent, l’immensité du bassin de footballeurs de haut niveau, la richesse du vivier de stars, le rayonnement planétaire des artistes sud-américains.
Je le crois sans y croire totalement. La vitalité du foot sud-américain est remarquable et fait peur, c’est vrai, mais la part du talent naturel ou des dispositions physiologiques y est relative. L’organisation du football en général, et l’encadrement des équipes en particulier, obéissent à un souci d’efficacité que nous serions avisés de copier.
Je crois que l’opinion au Cameroun, en haut et en bas, s’est définitivement rangée du côté de la sagesse : un sélectionneur camerounais doit être recruté et recevoir, pour seule viatique, la liberté totale d’action.
Lorsqu’on examine la situation des sélections nationales sud-américaines, on est immédiatement frappé par la confiance qui semble avoir toujours été donnée aux entraîneurs du cru. Les résultats ont été au rendez-vous, bien sûr, et ce depuis longtemps.
Quatre cas exemplaires s’imposent à l’observateur camerounais. Le premier est atypique et concerne l’Uruguay. L’entraîneur Oscar Tavarez est à 60 ans, avec Alfio Basile, 64 ans, de l’Argentine, relativement vieux. Mais il est aussi le seul à avoir entraîné des équipes européennes prestigieuses comme AC Milan, Cagliari et Real Oviedo.
La sélection du Pérou est dirigée par Julio Cesar Uribe, 49 ans. Mes lecteurs qui avaient l’âge de raison en 1982 se souviennent sans doute de cet élégant 8 qui composait, avec Sotil, un milieu de terrain tonique et extrêmement créatif. Pour mémoire, Thomas Nkono faisait partie de l’équipe du Cameroun qui avait fait match nul avec le Pérou cette année là.
Hugo Sanchez, 48 ans, n’a pas besoin de présentation. Il a été choisi à la tête de la sélection mexicaine après cinq mois de délibérations. Après des années passées au Real Madrid et à l’Atletico Madrid, Sanchez a entraîné pendant plus de dix ans dans son pays, notamment les Pumas de Mexico, l’équipe qui l’avait formé.
Dunga, le sélectionneur du Brésil depuis le 24 juillet 2006, a encore l’âge de jouer au haut niveau. Il est le seul, parmi les entraîneurs sud-américains, à justifier d’un CV vierge de toute expérience d’encadrement.
On pourrait citer également le sélectionneur de la Bolivie, Erwin « Platini » Sanchez, qui était, en 1994 aux Etats-Unis, le maître à jouer de l’équipe de Bolivie, mais cela ne ferait que confirmer l’évolution positive de la politique d’encadrement des équipes nationales sud-américaines.
Il existe sans doute, pour le Cameroun, des pistes de réflexion et d’action crédibles à suivre en s’inspirant de cette politique. JC Uribe, Sanchez, Martino le Paraguayen, Suarez l’Équatorien et Dunga, ont été des adversaires et des contemporains de la plupart de nos anciennes vedettes, maintenant mûres pour l’encadrement.
Le cas de Dunga est particulièrement important à souligner. La sélection brésilienne dont a hérité Dunga a, comme les Lions indomptables, beaucoup de choses à se faire pardonner. Ces deux formations ont une grosse pente à remonter, à savoir reconquérir un public qui commence à décrocher. Je crois que le choix s’est porté sur Dunga, hargneux, fougueux et conquérant sur le terrain, justement pour réconcilier la Selecao avec son public.
Nous en sommes exactement au point où étaient les Brésiliens en choisissant Dunga. Il faut un homme de caractère, un homme à poigne et un homme déterminé à aller au bout de sa logique. Il doit bien se trouver chez nous, dans le lot des candidats, un autre Dunga.
Ndokoti