Monsieur Augustin Thierry Edjoa est ministre des Sports depuis plus de six mois. Il n’inspire ni le dégoût que M. Bidoung suscitait, ni l’agacement que provoquait l’amour de M. Mbarga pour le « m’as-tu-vu » et le « toc clinquant », ni la commisération qu’on avait pour le pauvre M. Etamé, si digne mais si perdu. Soit. Mais force est de constater tout de même, avec une certaine dose d’étonnement, que le ministre n’a jusqu’alors aucun ennemi nouveau. Est-ce bien raisonnable ?
De mémoire d’observateur de la chose footballistique camerounaise, je ne me rappelle pas avoir assisté au basculement du landerneau dans un ronron aussi sirupeux et mou. Il faut dire que la conjugaison d’un certain nombre d’éléments vertueux, dont l’arrivée du nouveau ministre n’est pas le moindre, explique largement le climat d’extrême urbanité qui semble s’installer pour durer.
Les Lions se sont qualifiés pour le Ghana pratiquement sans coup férir, encadrés par un homme de peine dont le fardeau ne semble émouvoir personne. Les mouvements d’humeur du président de la Fécafoot et ses velléités d’affranchissement de la tutelle raillées et flétries par la presse comme des comportements d’enfant mal élevé (retard à la cérémonie de présentation de vœux de fin d’année, bouderie chez le Premier ministre…) ne reçoivent plus, comme auparavant, de réaction publique et médiatisée du Ministère. Le ministre a réussi, en refusant d’étaler sur la place publique tous les petits bobos qui font mal, à pacifier la galaxie du foot.
Comment se révolter ou l’accuser de quoi que ce soit, lorsqu’il dit toutes les choses que nous voulons entendre ? La Coupe du monde de 2010 ? On va commencer à s’y préparer. Les infrastructures ? Bien sûr, nous y travaillons et nous allons y travailler. Le Stade de Bafoussam, le Stade de la Réunification, des stades dans tous les chefs-lieux. Les Chinois à Yaoundé et partout. Et, surtout, un stade Paul Biya ! Alors, bonnes gens, que demander de plus ?
La faculté (et sans doute l’intelligence) qu’a le ministre de dire ce que nous voulons entendre présente l’avantage, corrélatif de son défaut, d’endormir davantage le peuple de jobards que nous sommes. Nous ronronnant, le ministre se paie du temps pour travailler en toute quiétude. C’est une stratégie légitime pour un homme public. Hors une catastrophe au Ghana dans six mois, M. Edjoa sait qu’il a du temps devant lui.
Ce qui inquiète, c’est qu’un ministre malin soit en train de nous faire la courte échelle vers un ciel dont il n’a pas la clé. La bonne attitude face à M. Iya ne gomme pas le problème des rapports à moderniser entre la Fécafoot et le Ministère. S’agissant de la plupart des problèmes qui plombent le sport et particulièrement le foot au Cameroun, le ministre n’a pas les moyens de doper la volonté politique au mieux vacillante des pouvoirs publics ni les capacités financières pour mener à terme ses chantiers.
Je ne crois d’ailleurs pas que M. Edjoa, plus que ses prédécesseurs, ait une idée assez claire de la nécessité de moderniser le sport au Cameroun. Ce qui toutefois me réjouit et semble le différencier des autres, c’est qu’il a, il me semble, une idée assez précise sur l’encadrement des Lions.
À cet égard, nous avons une chose ou deux à dire. Nous n’avons pas cessé de chercher un homme depuis que Shaefer est parti. Ce jeu de Diogène renouvelé ad nauseam commence à lasser. La recherche doit prendre fin dans les meilleurs délais ; l’entraîneur des Lions doit être choisi. La situation qui perdure depuis des années est embarrassante.
M. Edjoa ne pourra pas éternellement éviter la bagarre frontale avec la Fécafoot. Dans ce cas-ci, puisque c’est lui qui paie, même si souvent c’est en retard, qu’il choisisse, qu’il joue du coude, qu’il donne des coups et reçoive quelques horions, pourquoi pas, mais qu’on ferme la page. Et que, comme tout le monde, deux ou trois personnes lui en veuillent.